Turquie : 8.000 policiers limogés depuis le putsch manqué

Par latribune.fr  |   |  870  mots
Des partisans du président Recep Tayyip Erdogan célèbrent l'échec du coup d'Etat autour d'une voiture de Police à Ankara, samedi 16 juillet.
Outre les 6.000 militaires et juges arrêtés ou renvoyés depuis samedi en Turquie, 8.000 policiers on été mis à pied. Le commissaire européen à l'élargissement Johannes Hahn soupçonne le pouvoir d'avoir préparé bien avant le putsch manqué une liste de personnes à arrêter.

Après la tentative de coup d'Etat avorté vendredi au soir d'une partie de l'armée turque, le président turc Recep Tayyip Erdogan poursuit la purge dans l'armée, la justice et les forces de l'ordre. Selon un haut responsable turc, cité lundi par Reuters, 8.000 policiers on été mis à pied du fait de leurs lien présumés avec les événements survenus dans la nuit du 15 au 16 juillet.

Près de 3.000 juges limogés

Déjà samedi, près de 2.745 des 15.000 juges du pays avaient été relevés de leurs fonctions. Selon un responsable du syndicat des magistrats Yargiclar, Mustafa Karadag, ces destitutions ne concernent pas que des juges favorables au putsch, mais aussi ceux qui se sont montrés trop critique envers le président. Deux juges de la cour constitutionnelle, dix collaborateurs du Conseil d'Etat et cinq membres du Haut conseil de la magistrature avaient aussi été arrêtés samedi.

6.000 arrestations

Concernant l'armée, les éléments sont moins précis, mais le premier ministre Benali Yildirim avait évoqué samedi l'arrestation de 2.839 militaires impliqués. Dimanche, le ministre de la justice a évoqué 6.000 arrestations et a indiqué que le "nettoyage continue". Des régiments auraient été désarmés, selon certaines sources, dans le sud du pays, près du théâtre d'opération kurde. Le commandant de la base turque de l'OTAN à Incirlik a été arrêté avec 10 soldats. Le conseiller militaire de la présidence lui-même a été placé aux arrêts dimanche après-midi.

Craintes de la Commission européenne

Le commissaire européen à l'Elargissement, Johannes Hahn a estimé lundi que ces arrestations rapides laissent penser que le gouvernement disposait, au préalable, d'une liste à cette fin. "On a au moins l'impression que quelque chose avait été préparé. Les listes sont disponibles, ce qui laisse penser que cela était préparé pour servir à un moment ou un autre. Je suis très préoccupé. C'est exactement ce que nous redoutions." Federica Mogherini, la haute Représentante de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, a demandé pour sa part au gouvernement turc de ne pas prendre de mesures qui contreviendraient à l'ordre constitutionnel. "Nous avons été les premiers(...)durant la tragique nuit, à dire que les institutions légitimes devaient être protégées. Nous disons aujourd'hui que l'Etat de droit doit être préservé dans le pays."

Un complot güleniste ?

Le président turc semble ne pas vouloir manquer l'occasion pour renforcer son pouvoir et le caractère autoritaire de ce dernier. La version officielle fait part d'un putsch organisé par les partisans de Fethullah Gülen, un prédicateur musulman jadis proche de Recep Tayyip Erdogan, mais devenu sa bête noire. Depuis des années, le président et son parti, l'AKP, mettent en avant le risque d'un « Etat parallèle » güleniste en Turquie et ont pris ce prétexte pour réaliser des purges dans les institutions d'Etat, mais aussi dans la presse d'opposition.

Demande d'extradition contre Fethullah Gülen

Samedi, Ankara a demandé aux Etats-Unis l'extradition de Fethullah Gülen, qui est exilé en Pennsylvanie. Dans un discours prononcé devant une foule acquise à sa cause, Recep Tayyip Erdogan a ainsi demandé à Barack Obama le renvoi en Turquie du prédicateur : « Monsieur le président, je vous le dis, renvoyez ou livrez-nous cette personne », a-t-il proclamé. De son côté, le Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, John Kerry, a demandé des « preuves » de l'implication de Fethullah Gülen dans la tentative de putsch, assurant que son pays - qui a soutenu le président vendredi soir - aiderait Ankara dans son enquête. Fethullah Gülen, lui, a laissé entendre dans un entretien au New York Times que le pouvoir turc pourrait avoir lui-même organisé le putsch. « Certains dirigeants organisent de faux attentats-suicides pour renforcer leur pouvoir, et ces gens ont ce genre de scénarios en tête », a affirmé le prédicateur.

Peine de mort

Le pouvoir turc affirme réfléchir au rétablissement de la peine de mort. Un débat sur le sujet devrait avoir lieu au parlement et une motion dans ce sens sera déposée par l'AKP. Ce rétablissement ad hoc pour « punir » les putschistes, poserait problème au niveau européen. La Turquie risquerait l'expulsion du Conseil de l'Europe et les négociations pour l'adhésion à l'UE, relancées officiellement avec l'accord sur les migrants, seraient compromises. Ankara devra donc faire un choix. La peine de mort a été abolie pour toutes les circonstances par l'AKP en 2004 en Turquie.

Bilan

Le putsch avorté après l'intervention sur les réseaux sociaux de Recep Tayyip Erdogan et le soutien de la rue au président aurait fait, selon le bilan actuel, 265 morts et 1.440 blessés. A noter que le ministre des Affaires étrangères français a indiqué que "la tentative de putsch n'est pas un chèque en blanc" pour le président turc et que le président russe - qui rencontrera son homologue turc en août dans le cadre du rapprochement en cours entre les deux pays - a demandé à Ankara de respecter l'ordre constitutionnel turc.