Ukraine : Moscou affirme avoir utilisé des missiles hypersoniques, des armes "invincibles", selon Poutine

Par latribune.fr  |   |  1188  mots
(Crédits : RUSSIAN DEFENCE MINISTRY)
L'armée russe a dit samedi avoir tiré des missiles hypersoniques en Ukraine, un recours en combat qui semble être une première, en pleine course mondiale pour se doter de ces armes qualifiées d'"invincibles" par Vladimir Poutine.

De quoi conforter ceux qui affirment que les négociations entre la Russie et l'Ukraine ne sont qu'un leurre. De quoi rappeler aussi que l'armée russe, malgré ses annonces, ne semble pas encore avoir la maîtrise totale du ciel, la défense antiaérienne ukrainienne parvenant encore à infliger des pertes à Moscou. De quoi néanmoins faire peur à tout le monde en montrant qu'après trois semaines de guerre, la détermination du Kremlin à arriver à ses fins en Ukraine est intacte.

"Armes invincibles"

Sur le champ de bataille en effet, Moscou va en effet de plus en plus loin en utilisant ses fleurons destructeurs, des missiles balistiques hypersoniques "Kinjal", lesquels appartiennent à une famille de nouvelles armes développées par la Russie qualifiées d'"invincibles" par Vladimir Poutine, car elles sont capables d'échapper à des systèmes de défense comme le bouclier antimissile américain en Europe. Une percée scientifique et militaire comparable selon le chef du Kremlin" à la création du premier satellite artificiel de la Terre", le fameux Spoutnik.

Testés avec succès en 2018, les "Kinjal" ("poignard" en russe) ont atteint, lors des essais, toutes leurs cibles à une distance pouvant atteindre 1.000 km à 2.000 km, selon le ministère russe de la Défense. Mais cette portée est démultipliée, car ils arment l'aviation, notamment des Mig-31.

Une première

Ce samedi en effet, Igor Konachenkov, le ministère russe de la Défense a déclaré que l'armée russe avait utilisé vendredi des missiles hypersoniques "Kinjal" pour détruire un entrepôt souterrain de missiles et de missiles et de munitions de l'aviation de l'armée ukrainienne dans la localité de Deliatine, situé dans région occidentale d'Ivano-Frankivsk, dans l'ouest de l'Ukraine. Une première selon l'agence d'Etat Ria Novosti, depuis le premier test réussi en 2018.

Avec une vitesse pouvant aller jusqu'à Mach 10, soit 12.000km/h selon la Russie, ce type de missiles (très manœuvrable), défie tous les systèmes de défense anti-aérienne, affirme la Russie, qui n'avait jamais fait état de l'emploi de ce missile balistique dans les deux conflits où elle est belligérante, l'Ukraine et la Syrie. Il avait été déployé de nombreuses fois en exercices seulement.

"Il est probable qu'on voulait utiliser le Kinjal dans des conditions de combat, c'est une première mondiale", relève auprès de l'AFP Vassili Kachine, analyste militaire et directeur d'un centre de recherche de la Haute école d'économie de Moscou.

"De telles infrastructures sont difficiles à détruire avec des missiles classiques. Le missile hypersonique a une capacité de pénétration et une puissance destructrice plus importantes du fait de sa très haute vitesse", note-t-il.

L'Ukraine appelle Moscou à discuter

Avant cette annonce, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a jugé samedi qu'il était temps pour Moscou d'accepter de se "réunir" pour "discuter" sérieusement de paix afin d'éviter à la Russie des conséquences "sur plusieurs générations", tandis que les forces russes ont affirmé avoir pénétré dans Marioupol après plusieurs jours de siège.

Il a estimé que "des négociations portant sur la paix et la sécurité pour l'Ukraine sont la seule chance pour la Russie de minimiser les dégâts causés par ses propres erreurs".

Le chef de la délégation russe a évoqué vendredi soir un "rapprochement" des positions sur la question d'un statut neutre de l'Ukraine --à l'instar de la Suède et de l'Autriche-- et des progrès concernant la démilitarisation du pays. Il a toutefois relevé des "nuances" à propos des "garanties de sécurité" réclamées par l'Ukraine. Mais un membre de la délégation ukrainienne, le conseiller de la présidence Mikhaïlo Podoliak, a indiqué que les "déclarations de la partie russe ne sont que leurs demandes de départ".

"Notre position n'a pas changé: cessez-le-feu, retrait des troupes (russes) et garanties de sécurité fortes avec des formules concrètes", a-t-il tweeté.

Sur le terrain, le ministère russe de la Défense indiqué avoir détruit des centres radio et de renseignement à l'extérieur d'Odessa, à Velykodolynske et Velykyi Dalnyk.

L'Ukraine a pour sa part admis samedi avoir "temporairement" perdu accès à la mer d'Azov, même si la Russie de facto contrôlait l'ensemble de la côte depuis début mars et l'encerclement de la ville portuaire stratégique de Marioupol.

"Ce n'est plus Marioupol, c'est un enfer"

L'armée russe a affirmé vendredi avoir réussi à y pénétrer et combattre en centre-ville aux côtés de troupes de la "république" séparatiste de Donetsk.

Selon un conseiller du ministère ukrainien de l'Intérieur, Vadym Denysenko, cité par l'agence Interfax-Ukraine, la situation est "catastrophique" à Marioupol.

"Crimes de guerre"

"Ce n'est plus Marioupol, c'est l'enfer", dit Tamara Kavunenko, 58 ans. Les Russes "ont tiré tant de roquettes", ajoute-t-elle, "les rues sont jonchées de nombreux cadavres de civils". Selon Volodymyr Zelensky, grâce aux couloirs humanitaires instaurés dans le pays, plus de 180.000 Ukrainiens ont pu s'éloigner des combats dont plus de 9.000 personnes de Marioupol.

"Mais les occupants continuent de bloquer l'aide humanitaire, tout particulièrement autour des zones sensibles. C'est une tactique très connue. (...) C'est un crime de guerre", a lancé Volodymy Zelensky. La Russie "répondra de cela. A 100%", a-t-il insisté.

Depuis le 24 février, plus de 3,2 millions d'Ukrainiens ont pris les routes de l'exil, dont près des deux tiers vers la Pologne, parfois seulement une étape avant de continuer leur exode.

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Zelensky devant les parlementaires français mercredi

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky interviendra mercredi à 15H00 en direct par vidéo devant les députés et sénateurs français.

"La situation de guerre qui frappe le peuple ukrainien concerne l'ensemble des peuples d'Europe, et leurs assemblées parlementaires", a souligné la présidence de l'Assemblée nationale dans un communiqué.

Volodmyrir Zelensky s'est déjà adressé par lien vidéo aux eurodéputés le 1er mars, puis devant le parlement britannique, les parlementaires canadiens, le Congrès américain et le Bundestag allemand. Dimanche, il doit encore s'adresser au Parlement israélien. Le 25 février, au lendemain du déclenchement de l'invasion russe en Ukraine, un message d'Emmanuel Macron avait été lu devant Assemblée et Sénat français, selon la procédure rare de l'article 18 alinéa 1er de la Constitution. Puis le 1er mars un débat devant chaque chambre avait été organisé après une déclaration du gouvernement.

La commission de la Défense de l'Assemblée a également mené des auditions, malgré la pause des travaux législatifs avant l'élection présidentielle.

L'Otan organise jeudi prochain un sommet extraordinaire consacré à la guerre en Ukraine, auquel participera le président américain Joe Biden, qui effectuera le déplacement à Bruxelles. Une réunion des chefs d'État et de gouvernement de l'UE se tiendra aussi jeudi à Bruxelles, en présence du président américain. Une réunion du G7 est également programmée.