Ukraine : avant de s'envoler pour Kiev et Moscou, Scholz exige de Poutine des « signes de désescalade immédiats »

Par latribune.fr  |   |  1007  mots
Depuis la zone militaire de l'aéroport de Berlin, le chancelier allemand Olaf Scholz monte dans l'Airbus A340 de l'Armée de l'air qui l'emmènera à Kiev pour des entretiens sur la crise ukrainienne avec le président Volodimir Zelenski. Puis, le lendemain, il se rendra en Russie pour des pourparlers avec le président Vladimir Poutine. (Crédits : Reuters)
Pour faire taire les reproches de complaisance qu'on lui faisait, alors que les craintes d'une invasion russe se renforcent, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a commencé à hausser le ton face à la Russie, et encore ce lundi matin, juste avant d'entamer son voyage d'abord vers l'Ukraine, pour rencontrer le président Volodimir Zelenski et montrer la solidarité de Berlin avec Kiev, puis la Russie et convaincre Vladimir Poutine de ne pas déclencher la guerre. Ce déplacement intervient huit jours après une visite du président français, Emmanuel Macron, dans le cadre des efforts entrepris pour trouver une solution diplomatique.

[Article publié le 14.02.2022 à 7:30 mis à jour à 12:25]

Huit jours après Emmanuel Macron, Olaf Scholz, le chancelier allemand, se rend à son tour à Kiev ce lundi pour rencontrer le président ukrainien Volodimir Zelenski afin de poursuivre les efforts diplomatiques en vue de désamorcer la menace "critique" d'une invasion russe de l'Ukraine, susceptible de déclencher la pire crise en Europe depuis la Guerre froide.

Mais juste avant d'entamer son voyage, le chancelier allemand a envoyé un coup de semonce à la Russie, où il se rendra ensuite, mardi :

« Nous attendons de toute urgence des signes de désescalade de Moscou. Une nouvelle agression militaire aurait des conséquences très graves pour la Russie. Je suis tout à fait d'accord avec nos alliés là-dessus. Nous assistons à une menace très, très grave pour la paix en Europe », a tweeté Olaf Scholz (traduction du "2/2", Ndlr).

Conflit imminent ?

De fait, alors que les craintes d'une invasion russe se renforcent, le chancelier allemand entend ainsi montrer la solidarité de Berlin avec Kiev. Après sa visite en Ukraine, Olaf Scholz se rendra demain mardi à Moscou pour s'y entretenir avec le président russe Vladimir Poutine. Des visites qui interviennent alors que les Etats-Unis rappellent à l'envi que la Russie pourrait envahir l'Ukraine "à tout moment" et où les Occidentaux évacuent leurs ambassades.

Souvent accusée de complaisance à l'égard de la Russie (dont elle est dépendante de ses livraisons de gaz), l'Allemagne a haussé le ton ces derniers jours, et encore ce matin donc.

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Pour rappel, dimanche, Olaf Scholz a déclaré que le fait que Moscou ait massé 130.000 soldats près des frontières de l'Ukraine représente une « menace extrêmement sérieuse » et a prévenu que les sanctions occidentales seraient « immédiates » en cas d'invasion russe. Moscou mène par ailleurs des manoeuvres en mer Noire et au Bélarus, encerclant de facto son voisin pro-occidental.

"Nous sommes au beau milieu d'un risque de conflit militaire, de guerre en Europe orientale, et c'est la Russie qui en porte la responsabilité", a de son côté déclaré le président allemand Frank-Walter Steinmeier, réélu haut la main, hier soir pour un nouveau mandat de cinq ans au poste de président de la République allemande qu'il occupe depuis 2017.

Moscou "n'en a rien à foutre" des sanctions, avait prévenu sans ambages quelques heures plus tôt l'ambassadeur russe en Suède, Viktor Tatarintsev, dans un entretien au journal suédois Aftonbladet.

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La question des livraisons d'armes allemandes à Kiev

Depuis des semaines, la Russie assure qu'elle n'a pas d'intention belliqueuse envers son voisin ukrainien, mais a prévenu qu'elle prendra des mesures "militaires techniques" non spécifiées si les Occidentaux ne répondent pas favorablement à sa liste de demandes - dont la garantie que l'Ukraine ne rejoindra jamais l'Otan et que cette dernière retire ses troupes d'Europe de l'Est.

Selon Reuters, une source gouvernementale allemande a indiqué dimanche qu'Olaf Scholz et Volodimir Zelenski évalueraient leur position après les discussions au "format Normandie" qui se sont tenues la semaine dernière entre les représentants de l'Ukraine, de la Russie, de la France et de l'Allemagne, et la manière dont ils pourraient faire progresser le dialogue.Cette source a déclaré qu'un moratoire sur une éventuelle entrée de l'Ukraine dans l'Otan ne faisait pas partie de la "boîte à outils" du chancelier.

Reste à savoir si cette escalade poussera l'Allemagne à revoir sa réticence quant aux livraisons d'armes en Ukraine et quant à l'avenir de Nord Stream 2, le gazoduc controversé construit pour acheminer sur son territoire du gaz russe en contournant l'Ukraine.

Le chancelier allemand a assuré la semaine dernière que le gazoduc "n'irait pas de l'avant" en cas d'invasion. Concernant la livraison d'armes létales, Berlin continue de refuser d'en livrer en se réfugiant derrière la politique suivie en la matière depuis la période nazie, consistant à ne pas en exporter dans les zones de conflit. Kiev a transmis à Berlin une liste de demandes. Pour ce lundi "il ne faut encore rien attendre" de la part de Berlin sur le sujet, a souligné la source gouvernementale allemande.

Selon les médias allemands, cette liste comprend des systèmes de missiles anti-aériens, des systèmes anti-drones, des systèmes de localisation électronique, des équipements de vision nocturne et des munitions. Il n'est pas exclu que certains de ces équipements, considérés comme non-létaux, puissent être acceptés. Sur cette liste figurent "certains éléments (...) qu'on peut examiner", a souligné la source allemande. Mais il faut voir s'ils sont "disponibles en ce moment" car "l'armée allemande elle-même n'a pas de surplus, on y trouve des milliers d'équipements de vision nocturne non utilisés" par exemple, a-t-elle ajouté.

Aide économique

Par ailleurs, le gouvernement allemand envisage d'augmenter son aide économique à l'Ukraine (mais campe sur son refus de livraisons d'armes de guerre) , a indiqué dimanche une source gouvernementale allemande. Depuis l'annexion de la Crimée en 2014 par Moscou, l'Allemagne est le pays qui a apporté l'aide financière bilatérale la plus importante à l'Ukraine , avec 2 milliards d'euros, auxquels s'ajoute une ligne de crédit de 500 millions d'euros, dont les deux-tiers environ ont été utilisés.

L'aide de l'Union européenne vient en plus de cette aide bilatérale. Dans une interview dimanche à la radio publique allemande, l'ambassadeur d'Ukraine à Berlin, Andrij Melnyk, a réclamé, lui, l'annonce d'un plan d'aide "de plusieurs milliards" d'euros, lors de la venue d'Olaf Scholz lundi à Kiev.

(Avec AFP et Reuters)