Dans quel état Hollande laisse-t-il l'économie française ?

Par Fabien Piliu  |   |  1463  mots
Dans le domaine économique, social et budgétaire, le bilan du quinquennat de François Hollande est peu glorieux.
Le quinquennat de François Hollande s'achève. Entre austérité et politique de l'offre, la politique économique a beaucoup varié depuis cinq ans. Quels résultats a-t-elle produit ?

Le quinquennat de François Hollande s'achève. Quel bilan économique et social en tirer ? De quelle économie française Emmanuel Macron ou Marine Le Pen prendront-ils les rênes à l'issue du second tour de l'élection présidentielle ?

A plusieurs reprises au cours de cette période, au gré des changements de Premier ministre - il y en a eu trois - et de ministres de l'Economie - il y en a eu quatre -, La Tribune s'est livrée à ce petit exercice de synthèse. En attendant de jauger les effets de long terme de la politique économique menée lors de ce quinquennat, il nous est apparu utile de se livrer à ce travail rétrospectif.

Un début de quinquennat délicat

Tout a commencé par une erreur de diagnostic sur l'état de l'économie française après la crise de 2008-2009. Avouée le 31 décembre 2013, plus d'un an après son élection, cette erreur d'appréciation a conduit François Hollande à se tromper de politique. Farouchement obstiné à redresser les comptes publics pour respecter les engagements de la France vis-à-vis de Bruxelles en la matière, la fiscalité pesant sur les ménages (en particulier les classes moyennes et aisées) et les entreprises a brutalement augmenté. Résultat, la consommation des ménages, le principal moteur de l'activité, a reculé, l'investissement des entreprises a chuté et le commerce extérieur a plongé. La politique d'austérité a étouffé les velléités de reprise. Depuis, c'est dans un climat de défiance que l'exécutif agit.

Une politique de l'offre affirmée

En 2014, après la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le Pacte de responsabilité donne le coup d'envoi de la politique de l'offre du gouvernement. Grâce à cette politique de l'offre lancée en 2014, qui a permis le recul du coût du travail, le taux de marge des entreprises a progressé. Il est passé de 31,4% à 31,8% de la valeur ajoutée entre 2015 et 2016.

Dans la foulée, également stimulé par la faiblesse des taux d'intérêts, l'investissement repart timidement. Mais cette progression n'est pas assez forte pour avoir un effet sur l'activité et l'emploi, l'investissement des entreprises ne représentant que 23% de la consommation des ménages et 12% du PIB. La fin de la mesure de suramortissement n'est pas de nature à prolonger cette dynamique. Cette politique, qui a provoqué l'ire des Frondeurs du Parti socialiste, a-t-elle permis de faire reculer le niveau des défaillances d'entreprises ? C'est bien loin d'être le cas, celui-ci restant très élevé. Certes, il a reculé de 8,3% entre 2015 et 2016, pour s'élever à 57.844. Mais ce nombre reste proche des sommets atteints en 2009 (63.204) et en 2013 (63.452).

Le commerce extérieur en panne

Miroir des forces et faiblesses de l'appareil productif français, le commerce extérieur affiche des résultats... médiocres.

En effet, en 2016, en dépit de la faiblesse de l'euro face au dollar, dont le cours est relativement proche de la parité, et du niveau des cours du brut, la France a vu son déficit commercial augmenter. Il s'est en effet élevé à 48,1 milliards d'euros, soit 3,1 milliards de plus qu'en 2015. Lancé avec assurance en 2013 par Nicole Bricq, alors ministre déléguée au Commerce extérieur, le pari d'équilibrer la balance des produits manufacturiers est raté puisque le déficit a atteint 35,1 milliards d'euros l'année dernière. Il a augmenté de 9,2 milliards d'euros par rapport à 2015.

C'est tout. Tous les autres indicateurs sont dans le rouge. Les exportations ont reculé de 0,6% quand les importations ont augmenté de 0,1%, provoquant un nouveau repli du taux de couverture (le ratio exportations/importations) qui s'élève désormais à 90,4%. Soit 0,6 point de moins qu'en 2015.

"Le recul des ventes de biens intermédiaires est particulièrement marqué, notamment les produits métallurgiques et chimiques, dans un contexte de baisse de la demande européenne et de tassement des prix de matières premières industrielles. Les exportations de produits énergétiques affichent un nouveau repli et celles de produits agricoles diminuent fortement, en particulier les céréales ", détaillent les Douanes.

Dans le secteur manufacturier, le bilan est aussi médiocre. Malgré la progression des exportations, le déficit automobile (véhicules et équipements automobiles) se creuse de 3,3 milliards, du fait de la poussée des importations. La livraison du paquebot de croisière "Harmony of the Seas" constitue quasiment la seule amélioration notable du solde manufacturier. Même le secteur aéronautique voit ses performances s'amoindrir

L'élargissement du déficit manufacturier s'explique principalement par la réduction de 3,7 milliards de l'excédent aéronautique, passant de 22,3 milliards à 18,6 milliards d'euros ", constatent les Douanes.

Symbole de ces difficultés chroniques (le dernier excédent commercial remonte à 2003), le nombre total d'opérateurs à l'exportation a reculé de 0,6% pour atteindre 124.100 unités légales.

[Le nombre d'exportateurs] "recule vers toutes les zones géographiques, notamment vers l'Afrique et l'Europe hors UE. Les exportateurs de matériel informatique et électronique et de véhicules automobiles sont les plus touchés", précisaient les Douanes lors de la présentation du bilan annuel.

A titre de comparaison, l'Italie et l'Allemagne, qui affichent des balances commerciales excédentaires, disposent de bataillons à l'export bien plus étoffés. L'Italie compte environ 200.000 entreprises exportatrices. Et l'Allemagne ? Plus de 300.000.

Les parts de marché se replient

Pourtant, comme le précise le bilan de la compétitivité réalisé récemment par l'Institut COE-Rexecode, le coût salarial unitaire n'a augmenté en France que de 0,9 % en 2016, contre +1,3 % en moyenne dans la zone euro et +1,9 % en Allemagne. Pour la période de 2012 à 2016, les écarts observés sont encore bien plus marqués. En effet, le coût a progressé de 0,8 % en France contre 3,7 % en moyenne dans la zone euro et +9,1% en Allemagne.

"L'amélioration de la compétitivité-coût a permis à la fois un début de redressement de la compétitivité-prix et un certain rétablissement des marges des entreprises françaises »,

indique COE-Rexecode, qui poursuit son raisonnement ainsi :

"La hausse des prix à l'exportation des produits français, qui avait été supérieure de 6 points à la hausse moyenne des prix à l'exportation des produits de la zone euro entre 2000 et 2007, a fait place à une baisse de -1,4 % sur la période 2011-2016. Le prix moyen des exportations de la zone euro a baissé un peu plus que les produits français (-2,5 %), tandis que le prix moyen des exportations allemandes a, quant à lui, augmenté de +1,3 %."

Des parts de marché en baisse, un manque à gagner de 1.500 milliards...

En dépit de cette amélioration de la compétitivité-prix des produits fabriqués en France, les résultats pour 2016 de l'enquête de COE-Rexecode portant sur la compétitivité des produits français varient peu d'une année sur l'autre. Comme en 2015, les importateurs européens consultés considèrent toujours les produits français comme étant trop chers.

Plus grave, la part des exportations françaises de biens et services dans celles de la zone euro a légèrement reculé en 2016, s'établissant à 13,4 %, après 13,6 % en 2015. Elle s'élevait 17% en 2000.

"Si la part de marché française était restée à son niveau de 2000, le montant des exportations de biens et services de la France serait au-dessus du niveau actuel de 170 milliards d'euros", avance COE-Rexecode qui estime à 1.500 milliards d'euros le manque à gagner cumulé depuis quinze ans pour la France, soit près des trois quarts de son PIB annuel.

Quels résultats dans le domaine de l'emploi ?

Cette politique a-t-elle permis de faire reculer le chômage ? En mai 2012, lors de l'élection de François Hollande, 2.922.100 personnes étaient inscrites dans la catégorie A, soit 9,3% de la population active de la France métropolitaine. Aujourd'hui, Pôle emploi en recense 3.464.400, soit 9,7% de la population active. Plus de 6 millions de personnes sont actuellement inscrites à Pôle emploi.

Certes, la tendance est à la baisse. Sur les douze derniers mois, le nombre de demandeurs d'emplois en catégorie A a reculé de 3,2%, ce qui représente 115.000 demandeurs d'emploi en moins. Mais cette tendance est fragile. Très fragile. Entre décembre et février, leur nombre a progressé de 0,2%.

Des finances publiques plus saines

Point positif du quinquennat, les ministres des Finances - au nombre de trois, bis repetita - qui se sont succédés à Bercy ont réussi à faire reculer le déficit public, dans un souci de tordre le cou à l'idée reçue - émise par la droite - selon laquelle la gauche est une mauvaise gestionnaire du denier public. Celui-ci s'élevait à 4,8% du PIB en 2012 et à 3% du PIB en 2016. Le ministère espère le faire passer sous la barre des 2,7% du PIB cette année.