Accord sur le Brexit : quatre ministres démissionnent, Theresa May sur la touche

Par latribune.fr  |   |  1030  mots
(Crédits : Parbul TV/Handout via Reuters TV)
Au lendemain de l'accord trouvé entre Londres et Bruxelles sur les conditions du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, quatre ministres et secrétaires d'État du gouvernement de Theresa May ont démissionné coup sur coup ce jeudi 15 novembre. S'exprimant en fin de matinée devant la Chambre des communes, la Première ministre a estimé que voter contre le projet en décembre reviendrait à "retourner à la case départ".

[Article publié le 15/11 à 13h04, mis à jour à 19h05 avec les déclarations de Theresa May lors d'une conférence de presse]

Moins de 24 heures après avoir obtenu le soutien du gouvernement sur le texte définissant les conditions du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, Theresa May doit à présent faire face à une grave crise politique outre-Manche. Un poids lourd de l'exécutif, Dominic Raab, le ministre chargé du Brexit, a d'abord annoncé son départ du gouvernement ce jeudi 15 novembre, suivi du secrétaire d'État à l'Irlande du Nord, Shailesh Vara, la sous-secrétaire d'État chargée du Brexit, Suella Braverman, et la secrétaire d'État au Travail, Esther McVey.

S'exprimant en fin de matinée devant la Chambre des communes, la Première ministre a appelé les députés qui devront se prononcer sans doute début décembre sur le projet d'accord sur le Brexit, à assumer leurs responsabilités.

"Le choix est clair : nous pouvons choisir de partir sans accord, nous pouvons prendre le risque de ne pas avoir de Brexit du tout ou nous pouvons décider de nous unir et de soutenir le meilleur accord qu'il était possible de négocier", a-t-elle dit, tout en prévenant qu'un rejet du texte de 585 pages négocié pendant plus d'un an entre Londres et Bruxelles serait un "retour à la case départ".

Pour autant, Theresa May a reconnu que le texte n'est totalement satisfaisant ni pour Londres, ni pour Bruxelles, et elle a assuré que celui-ci n'était "pas définitif".

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Lors d'une conférence de presse organisée en fin de journée, la Première ministre a également exclu l'organisation d'un second référendum - et par la même occasion, son éventuelle démission. "Est-ce que j'irai jusqu'au bout ? La réponse est oui".

"Je crois, avec chaque fibre de mon être, que le chemin que j'ai suivi est le meilleur pour mon pays", a déclaré Mme May, affirmant qu'elle agissait dans l'intérêt national et continuerait de le faire.

La clause de sauvegarde, nœud du problème

Les ministres démissionnaires ont notamment pointé du doigt la clause de "sauvegarde" ("backstop") instituée par le projet d'accord sur la sortie de l'UE. Elle prévoit le maintien de l'ensemble du Royaume-Uni dans une union douanière avec l'UE ainsi qu'un alignement réglementaire plus poussé pour l'Irlande du Nord, si aucun accord sur la future relation entre Bruxelles et Londres n'était conclu à l'issue d'une période de transition de 21 mois prévue après le Brexit, le 29 mars 2019, et prolongeable une fois.

Les détracteurs de l'accord estiment que cette mesure remet en cause l'intégrité territoriale du Royaume-Uni et fragilise en même temps la position de Londres pour les futures négociations commerciales avec Bruxelles.

"Je ne peux pas concilier les termes du projet d'accord avec les promesses que nous avons faites au pays dans notre programme des dernières élections", a déclaré Dominic Raab en annonçant sa démission.

Le Parti unioniste nord-irlandais DUP, dont les dix députés fournissent une majorité parlementaire à Theresa May, a dit se sentir "trahi". Il a exclu de soutenir le projet d'accord lorsque celui-ci sera soumis au vote crucial des députés de Westminster.

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Car l'étape décisive sera, en effet, le vote du parlement britannique en décembre. Si le projet d'accord est validé à cette étape, la chronologie des événements devrait pouvoir se poursuivre comme le montre le graphique de notre partenaire Statista ci-dessus, en quelques dates clés. Mais en cas de victoire du « non », le refus du parlement obligera le gouvernement britannique à présenter un nouveau plan pour le Brexit sous 21 jours.

Le risque de censure

Theresa May s'expose à une motion de censure que pourraient déposer les élus eurosceptiques de son propre Parti conservateur. Plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs assuré disposer des 48 signatures nécessaires pour organiser un vote de défiance - soit les 15% du groupe conservateur aux Communes. Theresa May serait renversée si 158 députés conservateurs, sur 315, votaient la censure.

Le chantre du Brexit Jacob Rees-Mogg mène la révolte et a écrit une lettre pour réclamer officiellement ce vote de défiance, selon un député membre du groupe qu'il préside, l'European Research Group (ERG). "Le projet d'accord de divorce présenté au parlement aujourd'hui s'avère pire qu'attendu et échoue à remplir les promesses faites à la nation par la Première ministre", a-t-il écrit.

De son côté, l'opposition travailliste estime que le gouvernement "se délite sous nos yeux" et que Theresa May n'a "plus aucune autorité".

Le projet d'accord "n'a le soutien ni du gouvernement, ni du Parlement, ni du pays", a asséné le chef de file du Labour, Jeremy Corbyn.

Le Parlement ne peut pas accepter "un choix par défaut entre un mauvais accord et pas d'accord du tout", a-t-il ajouté pendant le débat à la Chambre des communes.

L'hypothèse du "no deal" est toujours sur la table

À Bruxelles, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a confirmé que les dirigeants européennes prévoyaient de se réunir en sommet extraordinaire le 25 novembre pour entériner le projet d'accord sur le Brexit. Donald Tusk, qui s'est entretenu jeudi matin avec le chef des négociateurs européens, Michel Barnier, a évoqué un accord "juste et équilibré".

En France, le Premier ministre Édouard Philippe a fait part de son inquiétude face aux derniers développements politiques en Grande-Bretagne.

"Il n'a échappé à personne que l'actualité politique britannique pouvait nourrir un certain nombre de questionnements et d'inquiétudes sur la possibilité effective d'une ratification de cet accord", a dit le chef du gouvernement lors d'un discours à Dunkerque (Nord). "Nous devons donc nous préparer à l'hypothèse qui est toujours sur la table - que nous ne souhaitons pas, je le dis très clairement - d'une sortie sans accord", a-t-il ajouté.

(avec Reuters)