Corruption au Parlement européen : des « allégations extrêmement préoccupantes », juge von der Leyen

Par latribune.fr  |   |  1134  mots
Dimanche une source judiciaire a confirmé des informations de presse selon lesquelles des « sacs de billets » avaient été retrouvés « dans l'appartement » de Eva Kaili, la vice-présidente du Parlement européen, exclue du parti socialiste grec (Pasok-Kinal). (Crédits : Reuters)
Il s'agit de la vingtième perquisition en quatre jours à Bruxelles, dans cette enquête impliquant le Qatar, la vice-présidente du Parlement européen et potentiellement d'autres eurodéputés, selon une source judiciaire. Ce lundi a eu lieu la première qui cible directement des locaux du Parlement. Dans le même temps, des perquisitions ont également eu lieu en Italie, ainsi que des arrestations : celles de l'épouse et de la fille de Pier-Antonio Panzeri, ancien eurodéputé socialiste italien désormais à la tête d'une ONG à Bruxelles. Face à la gravité de l'affaire qui ébranle l'institution, la présidente de la Commission européenne a réagi.

C'est une scène peu habituelle qui a eu lieu au coeur du pouvoir européen. Ce lundi, pour la première fois, la police belge a mené une perquisition au sein même de l'écrin politique de l'Union européenne, dans les locaux du Parlement. Cette perquisition a eu lieu dans le cadre d'une enquête - débutée il y a quatre mois - sur des soupçons de corruption pour influencer des décisions de cette institution de l'UE, a annoncé le parquet fédéral belge. Il s'agit de la vingtième perquisition en quatre jours en Belgique dans cette enquête impliquant le Qatar.

Aussi, le parquet fédéral a fait état de la saisie, au total, de plusieurs centaines de milliers d'euros en trois lieux différents, auprès de trois suspects. Parmi eux, la vice-présidente grecque du Parlement européen Eva Kaili. Originaire de Thessalonique, Eva Kaili est entrée en politique à 20 ans. En 2014, elle est élue au Parlement européen dans le groupe des Socialistes et Démocrates (S & D), un mandat qu'elle conserve lors du scrutin européen de 2019.

L'Autorité grecque de lutte contre le blanchiment d'argent a annoncé lundi geler tous les avoirs de la vice-présidente du Parlement. Mais elle n'est pas la seule éclaboussée par ce scandale.

Dans le détail: « 600.000 euros au domicile de l'un des suspects, plusieurs centaines de milliers d'euro dans une valise saisie dans une chambre d'un hôtel bruxellois et 150.000 euros environ dans un appartement appartenant à un député européen ».

Ouverture d'une enquête interne

L'affaire est d'une telle ampleur qu'elle a contraint les plus hautes personnalités européennes à réagir. « La démocratie européenne est attaquée », a affirmé lundi la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola.

« Il n'y aura aucune impunité (...) rien ne sera mis sous le tapis », a-t-elle promis dans l'hémicycle de Strasbourg, en annonçant une « enquête interne » pour examiner tous les faits liés au Parlement européen et faire en sorte que l'institution se réforme. Mme Metsola s'est montrée très affectée, évoquant « des jours parmi les plus longs de sa carrière ».

Eva Kaili, qui occupe une des 14 vice-présidences de l'institution, ainsi que trois autres personnes, ont été écrouées dimanche à Bruxelles, deux jours après avoir été interpellées dans le cadre d'une enquête visant d'importants versements d'argent qu'aurait effectués le pays organisateur du Mondial-2022 pour influencer la politique européenne.

Ces quatre suspects écroués comparaîtront mercredi devant la chambre du conseil de Bruxelles, juridiction chargée de statuer sur la prolongation de la détention provisoire.

En plus de celles menées en Belgique, « des perquisitions ont également eu lieu dimanche en Italie » grâce au soutien d'Eurojust, indique encore le parquet. Ce week-end, une source gouvernementale italienne avait confirmé à l'AFP deux arrestations en Italie dans le cadre de cette enquête: celles de l'épouse et de la fille de Pier-Antonio Panzeri, ancien eurodéputé socialiste italien désormais à la tête d'une ONG à Bruxelles.

Dimanche une source judiciaire avait confirmé à l'AFP des informations de presse selon lesquelles des « sacs de billets » avaient été retrouvés « dans l'appartement » de Mme Kaili.

Von der Leyen veut mieux protéger les lanceurs d'alerte

L'institution est ébranlée et la présidente de la Commission européenne a aussi du prendre la parole.

« Ces allégations sont extrêmement préoccupantes. C'est une question de confiance dans les personnes au coeur de nos institutions. Cette confiance suppose des standards élevés d'indépendance et d'intégrité », a déclaré Ursula von der Leyen, rappelant avoir proposé la création d'« une autorité indépendante » sur les questions d'éthique dans les institutions de l'UE.

« Ces acteurs malveillants, liés à des pays tiers autocratiques, ont apparemment utilisé des ONG, des syndicats, des individus, des assistants et des députés européens comme des armes dans le but de soumettre nos processus. Leurs plans malveillants ont échoué », a-t-elle affirmé.

La présidente du Parlement européen souhaite également mieux protéger les lanceurs d'alerte.

« Nous protégerons ceux qui nous aident à dénoncer la criminalité et je m'emploierai à examiner nos systèmes de dénonciation pour voir comment ils peuvent être renforcés », a-t-elle déclaré.

« Nous allons lancer un processus de réforme pour voir qui a accès à nos locaux, comment ces organisations, ONG et personnes sont financées, quels liens ils entretiennent avec des pays tiers, nous demanderons plus de transparence sur les réunions avec des acteurs étrangers », a encore promis Mme Metsola.

ZOOM - Athènes gèle tous les avoirs de la vice-présidente Eva Kaili

L'Autorité grecque de lutte contre le blanchiment d'argent a annoncé lundi geler tous les avoirs de la vice-présidente du Parlement européen, la Grecque Eva Kaili, écrouée à Bruxelles pour son implication présumée dans un retentissant scandale de corruption en lien avec le Qatar.

La mesure qui vise l'élue, écartée du parti socialiste grec Pasok-Kinal à la suite de cette affaire, concerne « les comptes bancaires, les coffres, les sociétés et tout autre actif financier », selon le président de l'autorité anti-blanchiment, Haralambos Vourliotis, cité par un membre de la même organisation.

Les établissements bancaires grecs et les services de l'Etat compétents ont déjà été informés de cette mesure par l'Autorité de lutte contre le blanchiment d'argent, selon ce membre de cette institution.

Le gel des avoirs concerne également les membres de la famille proche de Mme Kaili, comme ses parents, selon la même source.

Dans le collimateur de l'Autorité figure également une société immobilière récemment établie dans le quartier athénien chic de Kolonaki, qui aurait été créée par la députée européenne de 44 ans et son compagnon italien, également écroué en Belgique.

L'interpellation d'Eva Kaili, élue européenne depuis 2014 et vice-présidente du Parlement européen depuis janvier, a suscité un vif émoi en Europe, en particulier dans son pays natal.

Cette ancienne présentatrice de télévision a été inculpée pour « corruption » dimanche à Bruxelles, et écrouée, dans l'enquête d'un juge belge portant sur de gros versements qu'aurait effectués le Qatar pour influencer des décisions au sein de cette grande institution de l'UE.

Mme Kaili n'a pas pu bénéficier de son immunité parlementaire car l'infraction qui lui est reprochée a été constatée « en flagrant délit », a expliqué la même source judiciaire. Cette source a confirmé des informations de presse selon lesquelles des « sacs de billets » ont été découverts dans l'appartement de l'élue socialiste grecque.

(avec AFP)