Allemagne : hausse exceptionnelle de la production industrielle

Par Romaric Godin  |   |  673  mots
La production industrielle allemande a bondi comme jamais depuis plus de six ans en janvier.
La production industrielle allemande a connu une hausse de 3,3 % en janvier, du jamais vu depuis septembre 2009. Reste à savoir si cette tendance se confirmera dans les prochains mois.

L'industrie allemande montre une santé insolente et... inattendue. Alors que les « indicateurs avancés », les commandes à l'industrie et les indices de climat des affaires étaient en recul outre-Rhin, la production industrielle a bondi en janvier selon l'Office fédéral des Statistiques, Destatis. La hausse mensuelle de 3,3 % est la plus forte depuis septembre 2009, alors que le pays bénéficiait à plein de l'effet de rattrapage du coup d'arrêt de la crise de fin 2008. Le précédent point haut de l'indice de production industrielle atteint en mai 2015 est dépassé de 1,7 %. Autrement dit, le niveau de la production industrielle allemande de ce mois de janvier est un record absolu.

Plus qu'une simple correction

C'est dire si ce chiffre est exceptionnel. D'autant que le chiffre du mois de décembre a été révisé à la hausse de -1,3 % à -0,2 %. Certes, comme le souligne Maxime Sbaihi, économiste pour l'agence Bloomberg à Londres, l'Allemagne était « depuis deux trimestres en récession industrielle » : la production industrielle du pays s'était en effet contractée deux trimestres de suite de 0,2 % au 3ème trimestre 2015, puis de 0,5 % au 4ème trimestre 2015. Mais, l'ampleur de la hausse de janvier ne saurait s'expliquer par un simple effet de rattrapage. Sur les six derniers mois de l'année passée, le recul de la production industrielle a été de « seulement » 1,25 %. Or, en janvier, le niveau de la production industrielle est supérieur de 1,86 % à celui de juillet 2015...

D'où vient cette croissance ?

Comment alors expliquer cette forte hausse ? Les observateurs se perdent en conjectures. Maxime Sbaihi souligne l'effet important de la construction qui a bondi de 7 % sur le seul mois de janvier 2016. Un effet de l'hiver doux qui a favorisé les mises en chantiers en décembre. Mais cet effet saisonnier ne saurait constituer une explication satisfaisante, car la production manufacturière progresse de 3,2 % sur un mois. La production de biens d'investissement a ainsi progressé de 5,3 %, du jamais vu depuis août 2013 et celle de biens de consommation de 3,7 %. A quels marchés ces biens sont-ils destinés ? « Pour le moment, il est impossible de le savoir », avoue Maxime Sbaihi.

Ces chiffres sont donc désarmants. Certes, l'Allemagne dispose d'un quasi-monopole sur le marché des biens d'investissement, mais les entreprises allemandes ne montraient pas d'envie d'investir ces derniers temps, malgré une légère reprise, et la conjoncture mondiale n'est pas non plus cohérente avec de telles progressions. En zone euro, les marchés jusqu'ici porteurs marquent le pas. En janvier, la production industrielle espagnole a reculé de 0,1 % en janvier 2016, a-t-on appris ce mardi 8 mars. On sait la Chine confrontée à des surcapacités industrielles et les autres pays émergents plutôt en petite forme. La hausse des biens de consommation semble très forte, mais s'explique mieux, notamment par le bon de la production automobile (+ 7,6 %) qui a été un des éléments moteurs de ce très bon mois de janvier. Le pouvoir d'achat libéré par la baisse du pétrole a profité aux constructeurs allemands.

Une correction en février ?

Il faudra donc attendre pour comprendre ce chiffre. Mais Maxime Sbaihi, lui, appelle à la prudence contre tout excès d'optimisme. « Ce chiffre de la production industrielle est très volatil. Décembre avait fortement déçu, mais le chiffre a été révisé à la hausse. On ne peut pas exclure une révision à la baisse importante de ce chiffre de janvier », remarque-t-il. Il est vrai que, désormais, comme le souligne Dominic Bryant, économiste chez BNP Paribas dans une note, « la production industrielle est bien au-dessus désormais du niveau contenu dans les commandes. » Ce pourrait être un élément d'explication : l'industrie allemande a pris de l'avance sur ses commandes. Dans ce cas, une correction notable pourrait intervenir en février pour « lisser » ce chiffre. Dominic Bryant ne « serait pas surpris par un recul de 2 % le mois prochain. » Mais si cette statistique est confirmée et n'est pas fortement « corrigée », il faut s'attendre à un premier trimestre solide outre-Rhin. Chez Allianz, on table ainsi sur une croissance de 0,6 % entre janvier et mars.