Antitrust européen : Ursula von der Leyen confirme la nomination d'une lobbyiste américaine proche des Gafam

Par latribune.fr  |   |  655  mots
(Crédits : Reuters)
Malgré l'opposition de Paris, l'américaine Fiona Scott Morton, ex-lobbyiste d'Amazon, d'Apple et de Microsoft et ancienne cadre de l'administration Obama, sera bien confirmée par la Commission européenne comme économiste en chef de la direction de la concurrence. Un poste clé pourtant pour la régulation des géants de la tech alors que les procédures se multiplient contre les Gafam. Le Medef demande à son tour que la commission européenne renonce à cette nomination étrange.

Le bras de fer est pour l'heure perdu par Paris. La Commission européenne "ne voit pas de raison de reconsidérer" le recrutement de l'Américaine Fiona Scott Morton, ex-lobbyiste et ancienne cadre de l'administration Obama, à un poste clé pour la régulation des géants de la tech, a annoncé vendredi une porte-parole.

Le gouvernement français a demandé jeudi à l'exécutif européen de revenir sur ce choix, une requête reprise vendredi par les chefs des quatre principaux groupes politiques au Parlement européen qui dénoncent les risques de conflit d'intérêt et d'ingérence de Washington.

"La décision a été prise. Nous ne voyons pas de raison de la reconsidérer", a déclaré la porte-parole de la Commission, Dana Spinant, lors du point de presse quotidien.

L'exécutif européen, présidé par Ursula von der Leyen, avait annoncé mardi que Fiona Scott Morton, professeure d'économie à l'université de Yale, avait été choisie comme nouvelle économiste en chef à la Direction générale de la concurrence, l'antitrust européen.

La nomination a provoqué des réactions indignées, notamment en France. Des élus de tous horizons politiques ont épinglé ses anciennes fonctions de responsable de l'analyse économique à la division antitrust du ministère américain de la Justice, entre mai 2011 et décembre 2012, ou de consultante pour des grands groupes de la tech comme Amazon, Apple et Microsoft.

"La régulation du numérique est un enjeu capital pour la France et pour l'Europe. Cette nomination mérite d'être reconsidérée par la Commission", a réagi jeudi soir la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna.

Au Parlement européen, les chefs du groupe PPE (droite), l'Allemand Manfred Weber, du S&D (sociaux-démocrates), l'Espagnole Iratxe Garcia Perez, de Renew (centristes et libéraux), le Français Stéphane Séjourné, et des Verts, le Belge Philippe Lamberts (Verts), ont également écrit à la Commission pour lui demander "d'annuler cette décision".

"A l'heure où nos institutions font l'objet d'un examen minutieux face aux ingérences étrangères, nous ne comprenons pas que des candidats non-européens soient pris en considération pour un poste aussi stratégique et de haut niveau", expliquent-ils dans une lettre datée de vendredi, adressée à la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager.

La puissante Direction générale de la concurrence est chargée de veiller au bon fonctionnement de la concurrence dans l'Union européenne et d'enquêter notamment sur les abus de position dominante des géants du numérique, qui ont donné lieu à des amendes record ces dernières années.

La nomination de Mme Scott Morton survient au moment où l'UE doit mettre en oeuvre de nouvelles législations ambitieuses pour réguler ce secteur. Elle nourrit les critiques contre Ursula von der Leyen, considérée comme très atlantiste. Cette nomination intervient alors que les procédures se multiplient, en Europe, contre les abus de position dominante des géants de la tech américain. Le ministre français du numérique, Jean-Noël Barrot a demandé à la commission européenne de revoir cette nomination. Sans succès visiblement. Mais la pression demeure : vendredi soir dans un communiqué très irrité, le patronat français est entré dans le jeu : « au moment où il est impératif que l'Union européenne retrouve plus de souveraineté et une autonomie stratégique, dans la concurrence économique mondiale de plus en plus exacerbée à laquelle nous assistons, il est regrettable de retrouver dans l'administration bruxelloise toujours autant de naiveté et d'indifférence, voire de mépris pour l'opinion publique européenne à quelques mois de futures élections majeures pour l'avenir de l'UE. »  Le Medef souhaite ainsi s'associer à l'initiative transpartisane (RenewEurope, PPE, PSOE et le coprésident des Verts/ALE) du Parlement européen demandant à la Commission de revoir sa décision.