Brexit : le scénario catastrophe s'éloigne, la Banque d'Angleterre adopte l'attentisme

Par Romaric Godin  |   |  664  mots
Pas de changement de taux à Threadneedle Street
La banque centrale britannique a maintenu inchangé ses taux. La catastrophe attendue de l'après-Brexit n'a pas eu lieu, mais les autorités monétaires demeurent prudentes et se disent prêtes à agir si nécessaire dès novembre.

La Banque d'Angleterre (BoE) a décidé de ne pas bouger ce 15 septembre, mais elle conserve l'arme au pied. Après avoir baissé son taux directeur en août à 0,25 % et annoncé un nouveau programme de rachat d'actifs, la banque centrale britannique a estimé qu'elle n'avait pas à agir à nouveau. Mais elle prévient qu'en cas de dégradation de la situation au cours du deuxième semestre, elle pourrait à nouveau baisser ses taux. La réunion du 3 novembre, qui sera accompagnée d'un nouveau rapport sur l'inflation et de nouvelles perspectives macroéconomiques britanniques, sera donc décisive. Les analystes tablent en moyenne sur une baisse de 10 à 15 points de base (0,1 à 0,15 point de pourcentage) du taux directeur en novembre.

Pas de scénario catastrophe

En attendant, le comité de politique monétaire de la BoE fait le constat que les grandes peurs concernant les lendemains du vote du 23 juin en faveur du Brexit était en partie infondée. Si la confiance a violemment décroché en août, devant la surprise du résultat et l'incertitude du lendemain, la situation s'est largement stabilisée. Les consommateurs, notamment, ne se sont pas laissés impressionnés : les ventes au détail ont progressé en juillet et en août de plus de 6 % sur un an, soit un rythme supérieur à celui d'avant le 23 juin. Le chômage a continué de reculer. Quant à la chute de la livre sterling, elle n'a pas provoqué de choc inflationniste comme on le prévoyait : en juillet et en août, les prix britanniques ont progressé de 0,6 % sur un an, ce qui est à peine plus que les 0,5 % de juin.

Le scénario catastrophe ne s'est donc pas réalisé et la BoE a révisé à la hausse sa prévision de croissance au troisième trimestre à 0,2-0,3 % et non pas à 0 % comme en juillet. Le Royaume-Uni n'est pas menacé de récession dans l'immédiat. Sans doute l'action de la BoE en août n'y est-il pas pour rien. Les autorités monétaires ont rétabli en partie la croissance en agissant fortement (mais prudemment après avoir attendu de disposer des données nécessaires) le 5 août dernier. Les agents économiques ont donc cru à l'efficience de l'action monétaire. De même, après une courte période de flottement, le Royaume-Uni a disposé d'un gouvernement qui a montré de la détermination à accepter le vote et à réfléchir à une réponse économique au Brexit en annonçant des plans ambitieux de relance et de politique industrielle. Ces éléments ont sans doute largement rassuré et conduit à une « normalisation » des comportements. Autrement dit, comme le remarque les experts d'ING, « la BoE n'avait aucune raison de baisser à nouveau ses taux en septembre ».

Avenir incertain

L'avenir reste cependant incertain. L'économie du Brexit se joue évidemment à moyen et long terme. Les indices de confiance demeurent inférieurs à leurs niveaux de l'avant 23 juin et maints économistes sont préoccupés par la possibilité d'une baisse des dépenses des entreprises. La question de l'investissement et de la persistance de l'investissement étranger, si nécessaire au financement de l'économie britannique, reste posée. La BoE doit donc maintenir la confiance en se disant prête à intervenir si l'activité connaissait une nouvelle dégradation. De même, au-delà de la question conjoncturelle, c'est évidemment la nature des liens commerciaux futurs entre le Royaume-Uni et l'UE qui détermineront l'humeur des agents économiques britanniques. La BoE ne doit donc pas baisser la garde, mais force est de constater, pour le moment, que la réponse des autorités britanniques au Brexit, liant action publique et politique monétaire, a permis d'empêcher une catastrophe jugée inévitable par beaucoup. C'est une leçon pour la zone euro, qui refuse toujours ce type de policy mix, s'en tenant à un plan Juncker doublé mais peu efficace, à des appels aux «réformes » et à une politique monétaire isolée et condamnée à une fuite en avant.