Coup dur pour la Russie, les Vingt-Sept s'accordent pour interdire la quasi-totalité des importations de pétrole russe

Par latribune.fr  |   |  1007  mots
(Crédits : DADO RUVIC)
Les dirigeants des 27 pays de l'UE ont trouvé un accord lundi qui devrait permettre de réduire de quelque 90% leurs importations de pétrole russe d'ici la fin de l'année afin de tarir le financement de la guerre menée par Moscou en Ukraine. Cet accord permet de mettre en place un sixième paquet de sanctions contre la Russie, lequel prévoit un élargissement de la liste noire de l'UE à une soixantaine de personnalités et l'exclusion de trois banques russes du système financier international Swift.

« En même temps ». C'est ce qui ressort de la décision de l'Union européenne de mettre en place un embargo sur le pétrole russe pour assécher les sources de financement de la "machine de guerre" de Moscou. Un accord qui risque néanmoins de faire grimper les prix du pétrole.

Réunis en sommet extraordinaire à Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne ont en effet trouvé un compromis en convenant d'interdire immédiatement plus des deux tiers des importations de pétrole russe et de mettre fin à celles-ci à 90% d'ici la fin de l'année tout en prévoyant des dérogations pour la Hongrie, fermement opposée à cet embargo en raison de son ultra-dépendance aux importations russes, et d'autres pays inquiets de l'impact économique de cette décision.

L'engagement de l'Allemagne et de la Pologne

Cet accord couvre pour l'instant "plus des deux tiers des importations de pétrole de Russie", a déclaré le président du Conseil, Charles Michel. Il va permettre de "supprimer une énorme source de financement à la machine de guerre" russe et exercer "une pression maximum" sur Moscou pour l'inciter à mettre fin à la guerre, a-t-il ajouté sur Twitter. Selon l'Elysée, ces deux-tiers correspondent au pétrole russe importé par bateau. Puis avec l'engagement de l'Allemagne et de la Pologne de mettre fin d'ici à la fin de l'année aux importations de pétrole russe acheminées par l'oléoduc de Droujba, l'embargo touchera 90% des importations.

 S'exprimant également sur Twitter, le président français Emmanuel Macron a souligné l'unité des Vingt-Sept et leur solidarité à l'égard du peuple ukrainien.

"La Russie fait le choix de poursuivre sa guerre en Ukraine. En Européens, unis et solidaires du peuple ukrainien, nous prenons ce soir de nouvelles sanctions. Nous avons décidé de mettre fin aux importations de pétrole russe à 90% d'ici fin 2022", a-t-il dit. Un tel volume est possible grâce à l'engagement volontaire de Berlin et Varsovie d'arrêter leurs importations par l'oléoduc de Droujba,", a précisé Ursula von der Leyen.

Exemption pour la Hongrie

Les importations par l'oléoduc de Droujba, qui alimentent aussi la Hongrie, seront exemptées dans un premier temps, ce qui a permis de lever le veto de Budapest qui bloquait depuis plusieurs semaines le 6e paquet de sanctions de l'UE contre l'invasion russe de l'Ukraine. Pays enclavé sans accès à la mer, la Hongrie dépend pour 65% de sa consommation du pétrole acheminé par cet oléoduc. Budapest a réclamé au moins quatre ans et près de 800 millions d'euros en financements européens pour adapter ses raffineries. Budapest a conditionné son feu vert à des garanties sur sa sécurité énergétique. En arrivant au sommet, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a réclamé des assurances en cas de coupure de l'oléoduc Droujba. Ursula von der Leyen a estimé que la capacité de l'oléoduc Adria, qui alimente également la Hongrie via la Croatie, pouvait être augmentée moyennant un délai de "45 à 60 jours environ" et "des investissements", qu'elle n'a pas chiffrés.

Des négociations doivent avoir lieu "dès que possible" pour mettre fin au reste des importations de pétrole russe de l'UE, a précisé l'Elysée. Ce compromis va permettre d'obtenir un vote à l'unanimité et de lancer un nouveau paquet de sanctions contre la Russie. En négociation depuis un mois, il prévoit aussi un élargissement de la liste noire de l'UE à une soixantaine de personnalités, dont le chef de l'église orthodoxe russe, le patriarche Kirill. Il comprend l'exclusion de trois banques russes du système financier international Swift, dont Sberbank, principal établissement du pays avec 37% du marché.

Coup dur pour la Russie

 Pour la Russie, le coup est rude. La facture des importations de pétrole russe (80 milliards d'euros) a été pour l'UE quatre fois plus importante que celle de gaz en 2021.

"Un embargo limité qui exclurait les oléoducs sera beaucoup moins douloureux pour la Russie de Poutine, car trouver de nouveaux clients approvisionnés par tankers est beaucoup moins difficile", a expliqué à l'AFP Thomas Pellerin-Carlin de l'Institut Jacques Delors.

Les dirigeants doivent aussi discuter de la nécessité d'assurer des liquidités de l'Ukraine pour continuer à faire fonctionner son économie (la Commission a proposé une aide allant jusqu'à 9 milliards d'euros en 2022) ainsi que de la sécurité alimentaire, en raison notamment du blocage des exportations de céréales ukrainiennes, alors que le continent africain redoute une crise.

La reconstruction de l'Ukraine, pour laquelle l'UE veut jouer le premier rôle, sera également à l'ordre du jour. Kiev a évalué récemment l'ampleur des destructions  (routes, infrastructures) à 600 milliards de dollars.

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Paris va renforcer ses livraisons d'armement à Kiev

La France "poursuivra et renforcera" ses livraisons d'armement à l'Ukraine, a annoncé lundi la nouvelle cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna, en visite à Kiev.Le président français Emmanuel Macron "a fait part de sa décision au président (ukrainien Volodymyr) Zelensky de poursuivre et même de renforcer (son) appui" militaire à l'Ukraine, a-t-elle déclaré, lors d'une conférence de presse avec son homologue Dmytro Kouleba.

"Cet appui se poursuivra", a affirmé la ministre, évoquant plus précisément "la livraison d'armements". Emmanuel Macron avait déjà annoncé fin avril l'envoi de matériel militaire à Kiev, notamment des canons automoteurs Caesar.

Catherine Colonna a indiqué que d'autres livraisons d'équipement militaire pourraient avoir lieu dans "les prochaines semaines", estimant à deux milliards de dollars le montant total de l'aide versée par la France, sur le plan militaire comme humanitaire.

"Pas plus que ses alliés, la France n'est en guerre contre la Russie mais notre engagement est fort en apportant à l'Ukraine des équipements de défense", a ajouté la ministre. L'objectif est de "rendre insoutenable le prix de la poursuite de cette agression pour la Russie".

(Avec AFP et Reuters)