Embargo sur le pétrole russe : le refus de Viktor Orban (Hongrie) déstabilise l'UE

Par latribune.fr  |   |  961  mots
Viktor Orban a jugé vendredi que Bruxelles avait franchi "une ligne rouge" en voulant interdire les importations de pétrole russe car son pays est au plan énergétique ultra-dépendant de la Russie. (Crédits : BERNADETT SZABO)
La Hongrie, qui a voté les cinq premières salves de sanctions à l'encontre de la Russie, dit "Stop!" par la voix de son Premier ministre nationaliste, Viktor Orban, qui a jugé vendredi que Bruxelles avait franchi "une ligne rouge" en voulant interdire les importations de pétrole russe. En réalité, la Hongrie bénéficiera de dérogations tout comme la Slovaquie et désormais la République tchèque. Mais ces trois pays veulent plus.

Le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban ne décolère pas: il a jugé vendredi que Bruxelles avait franchi "une ligne rouge" en voulant interdire les importations de pétrole russe et ce qui a "porté atteinte" à l'unité européenne affichée depuis le début de la guerre en Ukraine.

« La présidente de la Commission [Ursula von der Leyen] a volontairement ou non attaqué l'unité européenne », a-t-il déclaré dans une interview à la radio. « J'ai dit oui aux cinq premiers paquets de sanctions, mais nous avons clairement signifié dès le début qu'il y avait une ligne rouge: l'embargo sur l'énergie. Ils ont franchi cette ligne (...), il y a un moment où il faut dire stop », a-t-il ajouté.

Au chapitre des obstacles qui entravent la décision par l'UE d'un embargo sur les importations de pétrole russe, il y a la situation des pays ultra-dépendants de la Russie, comme la Hongrie et la Slovaquie.

Pour le gouvernement hongrois, l'embargo européen progressif sur le pétrole russe tel que proposé actuellement par la Commission européenne « détruirait complètement la sécurité énergétique » du pays.

Une nouvelle mouture du projet d'embargo européen sur le pétrole russe avec des modifications demandées par plusieurs Etats membres est discutée ce vendredi à Bruxelles, mais la Hongrie bloque la proposition, ont indiqué plusieurs sources diplomatiques à l'AFP.

"Si aucun accord n'est trouvé ce week-end, je devrais convoquer une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de l'UE la semaine prochaine, après la journée de l'Europe", a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

Viktor Orban bloque l'unanimité requise pour le vote du 6e paquet de sanctions

« La Hongrie a un problème et ils (les ambassadeurs) doivent le résoudre. Des clarifications techniques sont nécessaires, et cela prendra un certain temps. Cela va se poursuivre pendant le week-end pour le travail technique, pas politique », a expliqué un diplomate européen informé des discussions.

De fait, en durcissant le ton, le Premier ministre hongrois Viktor Orban bloque la proposition de la Commission européenne d'interdire les achats de pétrole et de produits pétroliers à la Russie d'ici à la fin de l'année et par là même, l'unanimité des 27 obligatoirement requise pour l'adoption des sanctions.

Les négociations menées au niveau des ambassadeurs des Etats membres vont être "compliquées", a confié un diplomate.

Hongrie et Slovaquie jugent les durée des dérogations insuffisantes

Pour entrer dans le détail de ce conflit interne à l'UE, il faut rappeler que la proposition soumise mercredi 4 mai aux Etats membres prévoyait un arrêt des importations de brut très rapidement, dans les six mois, d'ici à la fin 2022 pour les produits raffinés.

Mais, surtout, elle prenait déjà en compte le problème de la Hongrie et la Slovaquie, deux pays enclavés et dépendants des livraisons par l'oléoduc Droujba, en leur accordant spécifiquement une dérogation d'une année jusqu'à la fin 2023.

Mais cette durée a été jugée insuffisante tant par la Hongrie que par la Slovaquie. De plus, la République tchèque s'est ajouté au tandem, demandant également à bénéficier d'une dérogation.

Extension des durées de dérogations pour les trois pays anti-embargo

Pour résoudre cette opposition, Bruxelles a porté cette dérogation jusqu'à fin 2024 dans la nouvelle mouture du projet discuté ce vendredi 6 mai, la République tchèque se voyant également accorder cette possibilité, a-t-on indiqué.

En 2021, la Russie a fourni 30% du brut et 15% des produits pétroliers achetés par l'UE. Les trois pays qui demandent une dérogation représentent "un faible pourcentage" des achats, a souligné la Commission.

Patriarche Kirill: la question religieuse s'invite aux négociations

Autre objet de contestation par des États-membres : l'inscription du chef de l'Eglise orthodoxe russe, le patriarche Kirill, soutien affiché à l'offensive russe, au nombre des nouvelles personnalités figurant sur la liste noire de l'UE.

Et pourtant, le patriarche Kirill, "un allié de longue date du président Vladimir Poutine, est devenu l'un des principaux soutiens de l'agression militaire russe contre l'Ukraine": il revendique environ 150 millions de fidèles dans le monde, principalement en Russie, a multiplié les sermons soutenant l'offensive du Kremlin en Ukraine.

Le 6e paquet sera-t-il effectif le 9 mai, date doublement symbolique?

Le sixième paquet de sanctions contre la Russie vise aussi le secteur financier avec l'exclusion de la plus importante banque russe, la Sberkank (37% du marché russe), et de deux autres établissements bancaires du système financier international Swift. Et trois canaux télévisés russes, dont Russia 24 et Russia RTR, seraient interdits de diffusion dans l'UE, selon le document consulté par l'AFP.

"Les pays qui hésitent aujourd'hui ne sont pas encore prêts", a reconnu vendredi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. "Ils n'ont pas d'accès à la mer et nous discutons avec eux pour trouver des solutions (...) afin qu'ils aient la garantie d'avoir une sécurité pour leurs approvisionnements avec suffisamment de pétrole livré", a-t-elle expliqué dans une intervention en visioconférence pour un congrès organisé par le quotidien allemand FAZ.

L'objectif est une entrée en vigueur du sixième train de sanctions européennes pour la célébration de la 72e journée de l'Europe le 9 mai.

Cette date est également célébrée en Russie comme le "jour de la Victoire" sur l'Allemagne nazie, célébrée avec de grands défilés militaires sur la place Rouge (comme celui du 9-mai 2015, ci-dessous).