Face à l'explosion des prix, Berlin veut geler les loyers pendant cinq ans

Par David Courbet, AFP  |   |  863  mots
Les Berlinois consacrent en moyenne un quart de leur salaire pour se loger. (Crédits : Reuters)
Alors que les loyers ont doublé en dix ans, la capitale allemande dévoile ce mardi 18 juin un projet pour geler les tarifs pendant cinq ans - une première en Allemagne. Comme Berlin, d'autres grandes métropoles s'efforcent de contenir la flambée des loyers, notamment Paris qui s'apprête à plafonner à nouveau les loyers à partir du 1er juillet.

Les loyers seront dès 2020 gelés et plafonnés durant cinq ans à Berlin, selon un document présenté ce mardi 18 juin par la mairie allemande qui a décidé d'agir avec fracas pour contrer la flambée des prix et la spéculation immobilière.

Le surnom de "ville pauvre mais sexy", qui pendant longtemps alla comme un gant à la capitale allemande, paraît de moins en moins justifié, même si les tarifs y restent encore nettement moins élevés qu'à Paris ou Londres. Les loyers ont doublé en dix ans dans la métropole de quatre millions d'habitants de plus en plus gentrifiée, où malgré sa très grande surface le manque de logement se fait de plus en plus sentir.

Entre 1,5 et 1,6 million de logements concernés

Le projet de législation qu'elle présente dans la journée prévoit un gel des loyers à partir de 2020 pour tous les logements anciens du parc privé, soit entre 1,5 et 1,6 million, selon l'Association de locataires de Berlin. Même en cas de modernisation des appartements, une augmentation du loyer de plus de 50 centimes au mètre carré sera à l'avenir soumise à l'approbation des autorités locales. Les logements sociaux et nouveaux appartements qui n'ont pas encore été loués ne seront pas a priori concernés.

« Nous voulons d'abord ramener le calme dans un marché qui est en sur-régime puis via un plafonnement faire en sorte d'avoir durablement des loyers abordables » dans la capitale, a déclaré à la chaîne de télévision publique Phoenix Katrin Lompscher, en charge du dossier au sein de la municipalité.

Cette initiative, qui fait écho à d'autres dans de nombreuses capitales internationales pour tenter de trouver une parade à la flambée des loyers, est défendue par la municipalité très à gauche de Berlin, composée des sociaux-démocrates, de la gauche radicale et des écologistes.

Les locataires estimant leur loyer trop élevé auront en outre le droit de le faire vérifier et de déposer un recours. Il pourra alors être abaissé au "loyer autorisé" par la loi qui s'appuie sur un indice locatif jusqu'à présent uniquement informatif. Quant aux locataires qui emménagent pour la première fois dans un appartement, ils seront également protégés : seul le dernier loyer en vigueur pourra être exigé si les lieux ne sont pas rénovés. Toute infraction à la loi serait passible d'une amende pouvant atteindre 500.000 euros pour les propriétaires.

Une pétition réclame l'expropriation de grands groupes immobiliers

Vendredi, une pétition aux 77.000 signatures demandant l'expropriation de grands groupes immobiliers possédant plus de 3.000 logements dans la ville a été remise aux autorités. Le débat sur ce sujet fait rage depuis des mois à Berlin. Et, début avril, des milliers de manifestants avaient à nouveau défilé à Berlin et d'autres villes du pays contre la "folie des loyers".

--

[Manifestation contre la hausse des loyers et la pénurie de logements à Berlin, le 6 avril 2019. Crédits : Reuters]

--

Les Berlinois consacrent en moyenne un quart de leur salaire pour se loger, selon le portail immobilier Immowelt, alors que seulement 18,4% d'entre eux sont propriétaires de leur logement, l'un des plus faibles taux d'Europe.

Cette thématique ne concerne pas seulement la capitale allemande. D'autres villes comme Munich, Hambourg ou Francfort connaissent également un marché immobilier tendu.

« La meilleure réponse, c'est de créer de nouveaux logements » estime Angela Merkel

Après plusieurs résultats électoraux catastrophiques, le parti social-démocrate, allié aux conservateurs d'Angela Merkel au gouvernement, cherche à s'emparer de ce sujet au plan national. « Nous aborderons cette question au sein de la coalition au cours des prochains jours et nous en ferons un enjeu », a affirmé l'un des dirigeants du SPD Thorsten Schäfer-Gümbel au Tagespiegel.

Mais la chancelière Angela Merkel a averti vendredi devant la fédération des locataires allemands qu'il ne fallait pas décourager « les groupes à investir dans le logement », estimant que « la meilleure réponse à la pénurie de logements est de créer de nouveaux logements ».

Les professionnels de l'immobilier sont également vent debout : la puissante association de défense des propriétaires Haus und Grund a appelé sur son site, compte à rebours à l'appui, les propriétaires berlinois à « augmenter (leur) loyer jusqu'au 17 juin » minuit.

Paris, deuxième manche pour l'encadrement des loyers

La ville de Paris s'apprête quant à elle à plafonner à nouveau les loyers à partir du 1er juillet - une mesure déjà en vigueur entre 2015 et 2017, mais qui avait été annulée par la justice. Cette réglementation est censée répondre à la flambée de l'immobilier parisien depuis dix ans : le prix de vente d'un appartement au mètre carré a bondi de moitié, une progression nettement supérieure à la moyenne du pays.

Ce plafonnement, que compte aussi remettre en place la ville de Lille, est distinct d'un encadrement qui existe depuis plusieurs années dans les principales grandes villes françaises et limitent les possibilités de hausse des loyers entre deux locataires.

Parallèlement, la ville de Paris s'oppose régulièrement à Airbnb dont elle envisage d'interdire les locations dans le centre.