Grèce : Wolfgang Schäuble met la pression sur Merkel et Tsipras

Par latribune.fr  |   |  1245  mots
Le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble a laissé entendre samedi qu'il n'écartait pas l'éventualité d'une démission si la suite des négociations avec Athènes ne prenaient pas la tournure qu'il entendait. En Grèce, les banques rouvriront lundi, alors que se profilent les négociations sur un troisième plan d'aide.

Partisan d'une ligne dure à l'égard d'Athènes, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, grand vainqueur de ces derniers mois de négociations entre la Grèce et ses créanciers, a laissé entendre samedi qu'il n'écartait pas l'éventualité d'une démission si la suite des négociations avec Athènes ne prenaient pas la tournure qu'il entendait.

"L'impitoyable" ministre des Finances -le qualificatif vient de lui- s'est confié au magazine allemand Der Spiegel, dans son édition de samedi, sur les différences d'opinions apparues "ces dernière semaines" sur le dossier grec entre lui et la chancelière Angela Merkel. Le grand argentier allemand a reconnu "des divergences", constatant qu'Angela Merkel prône une ligne moins dure.

"Je pourrais aller chez le président et lui demander mon renvoi"

"Cela fait partie de la démocratie", a poursuivi M. Schäuble, réputé pour sa dureté face au gouvernement de gauche radicale d'Alexis Tsipras.

"Et puis on lutte ensemble pour trouver des solutions. Chacun a son rôle à jouer. Angela Merkel est chancelière, je suis ministre des Finances", poursuit-il, avant d'ajouter: "les politiques tirent leurs responsabilités de leurs fonctions. Personnes ne peut les contraindre. Si quelqu'un essayait, je pourrais aller chez le président [allemand Joachim Gauck] et lui demander mon renvoi".

"Vous y pensez?", questionne Der Spiegel. "Non, pourquoi dites-vous cela?", réplique le ministre, qui assure que "Mme Merkel et [lui ont] une constante": "nous savons que nous pouvons compter l'un sur l'autre".

Les Allemands massivement derrière Schäuble

Angela Merkel a jusqu'ici pu compter sur le poids et le crédit politiques de M. Schäuble auprès de sa majorité pour faire accepter les plans d'aide à Athènes par le Bundestag, où la grogne est montée parmi les conservateurs.

Vendredi, la chambre basse du Parlement allemand a ainsi donné son feu vert au lancement des négociations pour un troisième plan d'aide. Mais chez les conservateurs (CDU/CSU), 65 députés ont fait défection (60 non et cinq abstentions).

M. Schäuble, dont l'idée d'un "Grexit temporaire" lancée lors des négociations le week-end dernier avec Athènes avaient fait grincer des dents, a parlé devant le Bundestag de ce troisième plan comme d'une "dernière chance" qui ne marcherait que si "les Grecs mobilisaient toutes leurs forces". Il a été chaudement applaudi par le camp conservateur.

Wolfgang Schäuble, qui s'est décrit comme "impitoyable" dans sa gestion des deniers publics allemands, jouit d'une grande popularité auprès de ses compatriotes: début juillet, un sondage le créditait ainsi de 72% de satisfaits.

Remaniement en Grèce

Du côté d'Athènes, les nouveaux ministres du gouvernement grec ont prêté serment samedi après un remaniement destiné à affirmer l'autorité d'Alexis Tsipras, alors que la course d'obstacles continue pour bannir le risque d'une sortie de la zone euro.

M. Tsipras a en particulier remplacé trois ministres qui venaient de le désavouer au Parlement. Le remaniement, en comptant des jeux de chaise musicale internes à l'exécutif, porte au total sur dix maroquins.

Le Premier ministre issu de la gauche radicale, au pouvoir depuis six mois, a voulu faire preuve d'autorité après un vote extrêmement tendu dans la nuit de mercredi à jeudi, au cours duquel plusieurs ténors de son parti Syriza ont rejeté des réformes demandées par les créanciers. Mais selon plusieurs commentateurs, ce remaniement superficiel ne suffira pas à éviter des législatives anticipées, peut-être dès l'automne.

Le plan d'aide, "déjà un échec" ?

En attendant, M. Tsipras a conforté  la place du ministre des Finances Euclide Tsakalotos, homme aux idées de gauche très affirmées, mais négociateur pondéré. Il avait remplacé le virulent Yanis Varoufakis, démissionnaire le 6 juillet et désormais porte-voix des frondeurs.

M Varoufakis, qui sera l'invité d'honneur de la rentrée politique de l'ancien ministre français Arnaud Montebourg, lui aussi critique du gouvernement, le 23 août, a déclaré samedi à la BBC que le nouveau plan d'aide à la Grèce, pas encore finalisé, était "déjà un échec".

La volonté affichée du Premier ministre de prendre ses distances avec l'aile la plus radicale de son parti et le vote positif de la Vouli ont rétabli un calme précaire avec les partenaires européens et les créanciers, mais sans garantie quant à une survie financière à long terme.

Une aide d'urgence déjà épuisée ou presque

La Grèce va recevoir un versement d'urgence de 7 milliards d'euros qui, à peine versé, sera aussitôt englouti, ou presque. Athènes doit rembourser lundi plus de 4 milliards d'euros à la Banque centrale européenne et effacer une ardoise conséquente auprès du Fonds monétaire international.

Une nouvelle course contre la montre est déjà engagée pour, au-delà de cette aide provisoire, mettre sur pied le troisième plan d'aide promis à la Grèce, de plus de 80 milliards d'euros sur trois ans. Idéalement avant le 20 août, échéance d'un lourd remboursement à la BCE.

Athènes n'en a pas fini de devoir prouver sa bonne volonté: ses députés doivent valider mercredi au plus tard une réforme de la justice civile et transposer une directive européenne sur les banques.

Les banques grecques rouvrent lundi

La santé du secteur bancaire grec reste une grande inconnue, alors que les guichets rouvriront lundi. Les portes des banques, fermées depuis le 29 juin, seront plus entrebâillées que largement ouvertes. Le plafond de retrait quotidien de 60 euros en liquide reste en place pour éviter une ruée bancaire, ainsi que les contrôles de capitaux. Mais les Grecs pourront retirer de plus grosses sommes à condition de ne pas dépasser 420 euros par semaine et utiliser leurs cartes de crédit à l'étranger, ce qui était interdit depuis trois semaines.

Il y a urgence à rétablir la circulation de l'argent. Le contrôle des capitaux aurait déjà coûté 3 milliards d'euros à la Grèce, hors secteur du tourisme, selon Kathimerini.

Les restrictions ont sabordé la période des soldes, généralement faste pour le commerce de détail, et gelé des importations nécessaires à la bonne marche de l'économie. Selon la chambre de commerce et d'industrie à Athènes, citée par le quotidien, quelque 4.500 containers sont bloqués au port, faute de règlement.

De douloureuses réformes appliquées dès lundi

Un autre test sera la mise en oeuvre lundi d'augmentations de TVA controversées votées par le Parlement, dans un pays où la fraude fiscale est importante. Les denrées non périssables, les restaurants et les transports publics seront davantage taxés.

Mais éloigner définitivement le spectre d'un "Grexit" ne dépend pas seulement d'Athènes: ses créanciers doivent accorder leurs violons.

Le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble continue à défendre sa proposition d'une exclusion temporaire du pays de l'euro. C'est selon lui la condition préalable pour alléger la dette gigantesque de la Grèce, qui représente près de deux années de produit intérieur brut.

Le FMI et la BCE, soutenus par des pays comme la France, jugent au contraire que cet allègement de dette, revendication majeure de Syriza, doit être planifié dans le cadre du nouveau plan d'aide et en maintenant la Grèce dans la zone euro.