L'Allemagne est tombée en récession en 2023, craintes pour 2024

Par latribune.fr  |   |  1142  mots
Le gouvernement d'Olaf Scholtz fait aujourd'hui face à un fort ralentissement économique dans le pays. Parmi les conséquences attendues, la hausse du chômage. (Crédits : JOHANNA GERON)
L'activité économique du pays s'est contractée de 0,3% en 2023 selon les chiffres de Destatis, publiés ce lundi. Un coup de frein qui s'explique par la crise de l'énergie, le ralentissement de la demande et des difficultés à l'export. La récession pourrait avoir des conséquences sur le chômage dans le pays.

C'est acté, l'économie allemande est bien entrée en récession en 2023, avec une chute de 0,3% du produit intérieur brut (PIB), a indiqué lundi l'institut Destatis. Ce recul attendu du PIB de la première économie européenne succède à une croissance de 1,8% en 2022, selon des données corrigées des variables de prix.

A noter, au dernier trimestre 2023, le PIB est estimé en recul de 0,3% par rapport au trimestre précédent, selon une estimation préliminaire de Destatis. En données corrigées des variables de calendrier et de prix, le PIB annuel chute de 0,1%. Des résultats toutefois un peu meilleurs que les prévisions du gouvernement et du FMI, qui prévoyaient respectivement une chute de 0,4% et de 0,5% durant l'année.

Moins bien que la moyenne de l'UE

Reste que la nouvelle est inquiétante. Le pays fait nettement moins bien que la moyenne de l'UE, qui devrait atteindre une croissance 0,6% en 2023, selon les dernières prévisions de la Commission européenne, avec des hausses marquées pour la France, l'Espagne ou l'Italie. La troisième économie mondiale est également à la traîne des autres grands pays industriels, comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni.

« L'évolution économique globale a marqué le pas dans un environnement toujours marqué par les crises, notamment la crise énergétique et les tensions géopolitiques », a commenté Ruth Brand, la présidente de l'institut Destatis.

Crise de l'énergie

A l'origine de la contraction de la première économie européenne : la crise de son puissant secteur industriel, qui représente environ 20% de la richesse produite dans le pays. La production reste inférieure de plus de 9% à son niveau d'avant la pandémie, près de quatre ans après le début de la pandémie de Covid-19, en raison d'une conjonction de facteurs.

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Le secteur a été d'abord plombé tout au long de l'année par une demande intérieure atone, en raison de l'inflation et des hausses de taux d'intérêt de la Banque centrale européenne (BCE). En effet, sur l'ensemble de l'année 2023, l'inflation a progressé de 5,9% en Allemagne, après 6,9% en 2022, qui était la valeur la plus élevée depuis le choc pétrolier de 1973. De leur côté, les taux directeurs sont passés de 0% début 2022 à 4-4,75% aujourd'hui, renchérissant le coût de l'endettement.

La branche a aussi été pénalisée par des exportations moins dynamiques, sur fond de tensions géopolitiques et de plus faibles demandes en produits allemands en Chine et aux Etats-Unis. Mais surtout, les prix de l'énergie restent relativement élevés pour l'industrie face à ses concurrents internationaux. Certaines activités les plus énergivores, comme la chimie, peinent à retrouver leur niveau de production d'avant la guerre en Ukraine. « L'année 2023 a été turbulente, avec une économie en mode crise permamente », résume Carsten Brzeski, analyste pour la banque ING.

Chômage et crise budgétaire

Et les conséquences de la récession commencent déjà à se voir. En difficulté, les entreprises recrutent moins et le chômage remonte en Allemagne et se rapproche désormais des 6%. Son taux atteignait, en effet, 5,9% en décembre dernier, soit une hausse de 0,1 point par rapport au mois précédent (qui a été révisé à la baisse à 5,8%). Autrement dit, le nombre de chômeurs a augmenté de 5.000 sur un mois, en données corrigées des variations saisonnières (CVS). En données brutes, le nombre de chômeurs grimpe à 2,64 millions, en hausse d'environ 31.000 sur un mois et de 183.000 par rapport à décembre 2022, a détaillé l'Agence pour l'emploi début janvier.

Tensions dans la coalition au pouvoir

Le gouvernement a donc un rôle central pour maintenir son économie à flot, mais là encore, les crises se succèdent. Pour rappel, la Cour constitutionnelle allemande a annulé mi-novembre le transfert de 60 milliards d'euros de crédits inutilisés provenant de la pandémie, dans une enveloppe dédiée à des investissements verts et un soutien à l'industrie.

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Elle avait estimé que le gouvernement d'Olaf Scholz avait enfreint les strictes règles budgétaires, en effectuant cette réaffectation des dépenses. Résultat, les budgets 2023 et 2024 devaient être revus. Cette décision a provoqué la zizanie entre les trois partis de la coalition du gouvernement allemand, les formations de gauche (sociaux-démocrates et écologistes), favorables à des dépenses publiques accrues, et le Parti libéral (FDP), partisan de la rigueur.

Mais après plusieurs semaines de tension et d'âpres négociations, les trois partis sont parvenus à un accord mercredi 13 décembre, selon des sources gouvernementales auprès de l'AFP. Les détails de cet accord ne sont pas connus pour le moment, mais une conférence de presse est programmée pour la mi-journée.

Une récession qui pourrait se prolonger en 2024

Si 2023 a donc été particulièrement morose pour les Allemands 2024 pourrait ne pas être de meilleure facture si l'on en croit l'Institut économique IW. Ce dernier table en effet sur une baisse du produit intérieur brut (PIB) de 0,5% en 2024 pour la première puissance européenne. Les experts ont considérablement révisé à la baisse leur prévision puisqu'en septembre dernier, ils anticipaient encore une croissance de 0,9%.

« 2024 aurait pu être une année de reprise pour l'économie allemande. Mais les conditions générales restent mauvaises », justifie l'institut de Halle ce mercredi 13 décembre.

Les prévisions de l'IW sont en revanche plus pessimistes que celles du gouvernement allemand. Ce dernier prévoit une reprise de la croissance à +1,3% l'an prochain. De son côté, le Fonds monétaire international (FMI) présage un rebond de 0,9% pour la croissance allemande. La reprise à venir serait favorisée par un recul progressif de l'inflation - attendue à 2,6% en 2024, puis 2% en 2025, contre 6,1% en moyenne cette année - et un marché du travail robuste.

« Grâce à la hausse des salaires réels, la consommation privée devrait redémarrer. Avec la reprise attendue des exportations, le PIB devrait croître », avance de son côté Fritzi Köjler-Geib, président de la banque publique KfW.

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L'espoir est notamment porté par la hausse de +3,7% des exportations entre octobre et novembre 2023, en données corrigées des variations saisonnières (CVS) a indiqué l'Office de statistique Destatis, dans un communiqué le 8 janvier. C'est bien au-dessus des prévisions des économistes interrogés par l'agence Reuters, qui tablaient sur une hausse de +0,3%. Surtout, cette augmentation met fin à quatre mois de recul de l'indicateur bien que, sur un an, il reste en baisse de 5%. Reste maintenant à attendre les chiffres de décembre.

(Avec AFP et Reuters)