L'inflation faible persiste en zone euro

Par Romaric Godin  |   |  672  mots
L'inflation s'est à nouveau affaiblie en mars.
Les prix ont augmenté de 1,5 % en mars en zone euro sur un an, après une hausse de 2 % en février. Plus inquiétant : l'inflation sous-jacente s'affaiblit pour revenir à son niveau de mai 2016, traduisant la persistante faiblesse de la demande.

L'inflation de la zone euro ne sera pas restée longtemps au niveau de l'objectif de moyen terme de la BCE. Après avoir atteint 2 % sur un an en février 2017, ce taux est ainsi redescendu brutalement à 1,5 % en mars, selon les données préliminaires d'Eurostat. Cet affaiblissement s'explique principalement par la réduction du rythme de hausse des deux éléments qui font véritablement bouger l'inflation de l'union monétaire : les aliments non transformés et le prix de l'énergie.

L'inflation sous-jacente s'affaiblit

Certes, ces deux données, qui pèsent pour 16 % environ ensemble de l'indice, impriment encore un rythme de hausse des prix notable sur un an : 3 % pour les aliments non transformés et 7,3 % pour l'énergie. Mais ce rythme s'explique principalement par un effet de base, autrement dit par le niveau très faible des prix de ces biens en mars 2016. Mais sur un mois, le rythme se réduit notablement de 2 points pour l'énergie et de 2,3 points pour les aliments non transformés.

Or, le reste de l'indice demeure frappé d'atonie. Pire même, loin de se transmettre aux autres biens et services, le renchérissement de l'énergie s'accompagne d'un affaiblissement notable du taux d'inflation sous-jacent, celui qui exclut les éléments « volatils » comme l'énergie, l'alimentation et le tabac. Ainsi, ce taux recule de 0,2 point en mars à 0,7 % sur un an contre 0,9 % enregistré entre décembre 2016 et février 2017. Il faut remonter à avril 2016 pour rencontrer un taux d'inflation sous-jacente aussi faible en zone euro.

Faiblesse de la demande

Dans le détail, on constate que si les prix industriels se stabilisent à son niveau très faible de 0,2 % de février (le plus faible depuis mai 2015), le prix des services s'affaiblit notablement à 1 % contre 1,3 % en février. C'est là aussi le plus faible niveau depuis mai 2016. Ces deux éléments reflètent avec éclat la faiblesse fondamentale de la demande en zone euro. Faute de dynamique salariale réelle, le renchérissement de l'énergie a entraîné une perte de pouvoir d'achat qui a conduit à un affaiblissement de la demande, notamment dans le domaine des ventes au détail. Les chiffres des ventes au détail en Allemagne en février, publiés par Destatis ce 31 mars, le prouvent : elles ont reculé sur un an de 2,1 %.

Il est donc absolument impossible pour les entreprises de transférer le renchérissement de l'énergie sur le consommateur, sauf à prendre le risque de voir la demande s'affaiblir davantage. Ce chiffre de l'inflation de mars montre donc que la tendance désinflationniste continue à être à l'œuvre en zone euro au-delà des évolutions parfois chaotiques du taux d'inflation global et de l'évolution du prix du pétrole. Il prouve aussi que compter sur un renchérissement de l'énergie pour sortir de cette désinflation est un leurre perdant qui peut déboucher sur une tendance désinflationniste renforcée, ce qui s'est produit en mars.

La BCE droit dans ses bottes, mais insuffisante

Rien ne justifie donc que la BCE ne baisse la garde. Sortir de la politique actuelle de soutien à l'activité conduirait à renforcer la tendance désinflationniste et à désinciter encore davantage les entreprises à investir. Avant la réunion du Conseil des gouverneurs du 27 avril, ce chiffre donne donc des arguments à Mario Draghi pour tenir le cap. Mais il montre aussi les limites de la politique de la BCE engagée depuis maintenant près de trois années. La seule politique monétaire n'a pas montré sa capacité à agir suffisant sur la demande en zone euro. Le chiffre de l'inflation sous-jacente en mars prouve que la politique consistant à laisser la gestion de l'inflation à la seule BCE est inefficace. La demande d'octobre 2016 de la Commission européenne de relancer l'activité par de la dépense publique à hauteur de 0,5 % du PIB semble plus que jamais d'actualité. Elle a cependant été rejetée par l'Eurogroupe, laissant la zone euro accumuler les excédents extérieurs et l'inflation faible. Une situation qui pourrait peser sur son avenir à moyen terme.