L'UE adopte la directive controversée sur le "secret des affaires"

Par latribune.fr  |   |  651  mots
Sur les 652 eurodéputés présents à Strasbourg, 503 se sont prononcés en faveur de cette directive, 131 contre et 18 se sont abstenus.
La directive européenne sur la protection du "secret des affaires" a été adoptée à une large majorité jeudi par le Parlement européen, au grand dam de journalistes, de lanceurs d'alerte, d'ONG et de syndicalistes, échaudés par le scandale des "Panama Papers".

"En plein scandale des Panama Papers, l'urgence n'était pas de protéger les secrets d'affaires, mais bien les lanceurs d'alerte." dénonce déjà jeudi, Pascal Durand, eurodéputé des Verts et porte-parole sur les questions de transparence et de démocratie.

Lancée fin 2013 par le commissaire européen au Marché intérieur, le Français Michel Barnier, cette directive vise à instaurer un socle juridique européen pour lutter notamment contre l'espionnage industriel et protéger l'innovation. Mais elle a provoqué une levée de boucliers de nombreuses organisations syndicales et ONG européennes, inquiètes pour le respect des libertés fondamentales. Une pétition, lancée sur change.org par la journaliste de France 2 Elise Lucet, a notamment recueilli 530 000 signatures. Mercredi, elle exhortait sur Twitter les députés européens à rejeter la directive.

 "Défendre notre compétitivité"

Sur les 652 eurodéputés présents à Strasbourg, 503 se sont prononcés en faveur de cette directive, 131 contre et 18 se sont abstenus.

"Lutter contre l'espionnage économique et industriel, le pillage dont sont victimes nos entreprises européennes, protéger notre innovation et notre recherche, défendre notre compétitivité européenne, tels sont les principaux objectifs", avait défendu mercredi devant ses pairs l'eurodéputée française PPE (droite et centre-droit) Constance Le Grip, rapporteuse du projet.

 Selon elle, ce texte "équilibré (...) protège à la fois le savoir-faire des professionnels, le patrimoine immatériel des entreprises, mais aussi les libertés fondamentales et l'exercice du métier de journaliste et des activités des lanceurs d'alertes". Sur ces deux derniers points, même son de cloche du côté de Sylvie Guillaume, eurodéputée PS du Sud-Est.

Avec cette directive, "il s'agit de promouvoir la confiance des milliers d'entreprise, la plupart des PME, qui innovent tous les jours", avait aussi plaidé mercredi le commissaire européen à l'Elargissement, l'Autrichien Johannes Hahn.

Scandales sanitaires

Mais les eurodéputés Verts étaient farouchement opposés à ce texte et ont réclamé en vain au moins le report du vote. "Ce texte va rendre de facto plus difficile la tâche des lanceurs d'alerte et des journaux", s'est emporté Philippe Lamberts, coprésident du groupe Verts-ALE juste avant le vote. Principal reproche des détracteurs: la directive européenne "fait porter la charge de la preuve sur les lanceurs d'alerte et pas sur les entreprises", selon Philippe Lamberts.

Pour Michèle Rivasi, vice présidente Verts-ALE, "cette directive qui élargit de manière inconsidérée la définition du secret d'affaires risque d'avoir un impact négatif sur l'accès à l'information pourtant crucial dans les domaines sanitaires et de l'environnement. Des logiciels truqués de Volkswagen au tabac, en passant par l'amiante ou les denrées alimentaires, les scandales sanitaires ne manquent pourtant pas pour démontrer le caractère fondamental de la transparence aussi bien pour les consommateurs que pour le travail scientifique indépendant."

L'adoption de cette directive survient en effet quinze jours avant l'ouverture du procès, le 26 avril à Luxembourg, du lanceur d'alerte Antoine Deltour, à l'origine des révélations "LuxLeaks". Antoine Deltour et deux autres hommes, dont le journaliste français Edouard Perrin, sont inculpés pour avoir divulgué des centaines de documents confidentiels sur le traitement fiscal des multinationales installées au Luxembourg.

Ces documents concernaient des rescrits fiscaux accordés par l'administration et négociés par la firme PwC pour le compte de ses clients.