La BCE frappe fort

Par Romaric Godin  |   |  573  mots
La BCE a décidé de mesures fortes.
La BCE a décidé d'élargir de 20 milliards d'euros par mois ses rachats, à 80 milliards d'euros, et de les élargir à la dette privée. Les trois taux directeurs ont été abaissés. Le taux de dépôt est désormais à -0,4%.

La BCE sort le grand jeu. Dans un communiqué publié ce jeudi 10 mars, l'institution de Francfort a annoncé plusieurs mesures pour redresser les anticipations d'inflation. Le taux de dépôt, d'abord, sera abaissé de -0,3% à -0,4% après avoir été déjà abaissé de 10 points de base en décembre. Symboliquement, le taux de refinancement est abaissé officiellement à 0% au lieu de 0,05%, sanctionnant son inexistence factuelle. Quant au taux marginal, qui permet des refinancements hors des dates d'adjudication, il a aussi été abaissé de 0,3% à 0,25%. Mais c'est là aussi une mesure symbolique, surtout.

Le QE élargi à la dette privée

Mais la baisse du taux de dépôt, qui était attendue, est accompagnée de deux annonces plutôt fortement surprenantes. Le programme de rachats d'actifs (QE) est ainsi relevé de 20 milliards d'euros mensuels par mois à partir d'avril 2016, pour atteindre 80 milliards d'euros. C'est la fourchette haute des attentes. La date prévue pour la fin du QE étant toujours fixée à la fin mars 2017, ce sont 240 milliards d'euros au moins (le programme peut être élargi) qui seront rachetés. Le QE sera en tout de 1.680 milliards d'euros. Pour combler le manque de titres à racheter si l'on demeurait dans le cadre des dettes souveraines, la BCE a décidé une mesure très forte : le rachat de dette privée d'entreprises non financières notée en catégorie "investissement" par les agences.

Mesure choc

Il s'agit là d'une mesure choc. Pour la première fois, la BCE se lance dans le rachat de dette privée et elle le fait à grande échelle, avec un univers très large. Pour la première fois également, elle sort du canal habituel de transmission de sa politique monétaire par les banques. Elle agit donc directement sur l'économie réelle en favorisant l'émission de dette sur les marchés.

Nouveau TLTRO

Pour néanmoins répondre à la problématique des PME et des entreprises à risque, une nouvelle série, la troisième, de prêts à long terme (quatre ans) pour les banques, les TLTRO sera lancée. Le taux de ces prêts pourront être négatifs si les banques accordent davantage de prêts, sans doute pour soutenir les banques de la périphérie les plus fragiles et les inciter à prêter davantage.

Frapper fort

Mario Draghi devrait expliquer ces mesures dans sa conférence de presse qui débute à 14h30. Néanmoins, la BCE a donc décidé de frapper très fort en montrant qu'elle était prête à aller très loin dans la politique non conventionnelle. Son but est simple : convaincre qu'elle est déterminée à redresser l'inflation pour que les agents économiques reprennent confiance et que les anticipations d'inflation se redressent. En agissant directement sur l'économie réelle, la BCE prend acte des limites du système bancaire. Sera-ce néanmoins suffisant ? Dans un premier temps, l'euro a fortement reculé, passant après l'annonce de 1,0980 à 1,0840 dollar. Mais il est rapidement remonté au dessus de 1,11 dollar lorsque Mario Draghi a indiqué qu'il ne voulait pas remonter les taux "sauf si les faits changent."

Le succès de la BCE se mesurera donc à l'aune du temps. Vu l'ampleur des armes mises sur la table, cette fois la crédibilité de la BCE est réellement en jeu. En cas d'échec, la situation risque de lui échapper entièrement et un scénario à la japonaise ne sera pas à exclure.