Les eurodéputés plaident pour un gel des négociations d’adhésion avec la Turquie

Par Georgi Gotev, Euractiv  |   |  922  mots
De nombreux eurodéputés ont fait part de leurs préoccupations concernant la façon dont le référendum turc, qui soutenait l'extension des pouvoirs présidentiels, a été organisé. Ils ont qualifié ce référendum d'« injuste ». D'après eux, il est temps de réévaluer les relations entre l'UE et la Turquie et d'ouvrir un nouveau chapitre.
Pour les eurodéputés, la récente extension des pouvoirs présidentiels en Turquie constitue une énième raison de suspendre le processus d’adhésion d’Ankara.

Johannes Hahn, commissaire à l'élargissement, a récemment invité les gouvernements européens à envisager de modifier leurs relations avec la Turquie après le référendum qui a renforcé les pouvoirs de son président, Recep Tayyip Erdoğan.

Ce vendredi 28 avril, les ministres européens des Affaires étrangères sont réunis à Malte pour discuter d'un nouveau format de relations avec la Turquie, dans le but de mettre fin aux frustrations mutuelles et de renforcer la coopération entre les deux entités.

"Une pleine intégration de la Turquie dans l'UE n'est pas réaliste"

Le 26 avril, le commissaire Johannes Hahn avait rencontré les eurodéputés sur cette question. À l'ouverture du débat, le président du Parlement européen, Antonio Tajani, a enjoint la Turquie de respecter les droits fondamentaux, qui sont à la base de la construction européenne.  Il a souligné que « l'Europe [n'était] pas un continent islamophobe et qu'elle ne [fermait] pas la porte à la population turque ».

Le député allemand Manfred Weber (CSU), dirigeant du Parti populaire européen (PPE) déclarait ainsi :

« Il est temps de changer notre relation avec la Turquie. Une pleine intégration du pays dans l'UE n'est pas réaliste. Nous devons mettre fin à cette hypocrisie. »

De nombreux eurodéputés ont fait part de leurs préoccupations concernant la façon dont le référendum turc, qui soutenait l'extension des pouvoirs présidentiels, a été organisé. Ils ont qualifié ce référendum d'« injuste ». D'après eux, il est temps de réévaluer les relations entre l'UE et la Turquie et d'ouvrir un nouveau chapitre.

Si certains eurodéputés n'envisage pas que la Turquie puisse devenir un membre à part entière de l'UE, d'autres pensent qu'il suffirait de suspendre les négociations afin de laisser au pays la possibilité de changer le cours des événements.

Kati Piri, une députée néerlandaise (PvdA) qui surveille de près la situation en Turquie, a critiqué l'idée de donner plus de pouvoir à Recep Tayyip Erdoğan. D'après certains critiques, une telle mesure mettra la démocratie en péril et étouffera la liberté d'expression en Turquie.

Intégration impossible

« Avec une telle constitution, la Turquie ne pourra jamais devenir membre de l'UE. Il est donc inutile de continuer les discussions sur l'intégration. Si les changements constitutionnels entrent en vigueur tels quels, l'UE devrait officiellement suspendre les pourparlers d'adhésion », a indiqué l'eurodéputée du groupe S&D.

D'autres membres du Parlement ont partagé son point de vue, affirmant que l'UE devait à présent forger une relation différente avec la Turquie en matière de commerce, de sécurité et d'immigration.

« Ce sera peut-être une relation plus complexe, mais au moins elle sera plus honnête. Plus prudente. Plus critique. Elle se concentrera davantage sur la coopération et non plus sur l'objectif lointain d'une adhésion à l'UE », a déclaré pour sa part Syed Kamall, un conservateur britannique (CRE).

Kati Piri a précisé qu'il n'y aurait aucune suspension tant que la « constitution autoritaire » n'entrerait pas en vigueur, soit après les prochaines élections turques, en 2019.

D'après des représentants politiques à Bruxelles, le président turc pourrait faire entrer les réformes en vigueur rapidement pour augmenter ses pouvoirs, même s'il a assuré qu'il n'en était pas question pour l'instant.

La plupart des législateurs européens ont reconnu que la candidature de la Turquie à l'adhésion européenne devrait seulement être suspendue et pas complètement annulée.

« Je ne veux pas enlever cette perspective au peuple turc », a indiqué Kati Piri. « La Turquie devrait rester un État candidat, mais nous négocions actuellement avec le gouvernement. Or, il est apparu clairement au cours des deux dernières années que le gouvernement ne souhaitait pas respecter les critères requis. »

Kati Piri a ajouté attendre que les ministres européens des Affaire étrangères demandent, le 28 avril, une évaluation officielle de la situation à la Commission européenne. À l'issue de cette évaluation, les dirigeants européens pourront prendre de nouvelles décisions lors de leur sommet de juin.

600 millions de fonds suspendus

L'une des conséquences d'une suspension du processus d'adhésion serait le gel du versement annuel de 600 millions de fonds de pré-adhésion à la Turquie.

Les eurodéputés ont préconisé que Bruxelles ouvrirait des négociations pour l'instauration d'une relation moins étroite, à savoir un « accord d'association », ou pour renforcer l'union douanière déjà en place entre la Turquie et l'UE.

Une union douanière étendue, plus d'échanges, y compris universitaires, et une coopération sur la sécurité et l'immigration comptaient parmi les idées proposées par les eurodéputés pour l'avenir des relations avec la Turquie. Certains ont également préconisé le maintien du soutien des forces démocratiques en Turquie, étant donné que des millions de Turcs veulent faire partie de l'UE.

La commission affaires étrangères du Parlement européen devrait commencer les discussions sur sa résolution annuelle sur les progrès de la Turquie le 2 mai. Le projet de résolution pour 2016, préparé par Kati Piri, invite également l'UE à « suspendre les pourparlers d'adhésion avec la Turquie si la réforme constitutionnelle entre en vigueur telle quelle ».

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Par Georgi Gotev, Euractiv.com (traduit par Emilie Buffet)

(Article publié le vendredi 28 avril 2017 à 9:59)

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