Les ténors de l'UE veulent une zone euro plus intégrée

Par Aline Robert, Euractiv  |   |  1002  mots
Martin Schulz et Jean-Claude Juncker (photo) sont deux des "cinq présidents" européens à l'origine du rapport sur le futur de la zone euro.
Exclusif. Le « rapport des 5 présidents », qui doit être publié en juin, propose d'accélérer l'intégration de la zone euro, mais reste discret sur l'enjeu social.

Avançons, mais lentement. Le rapport sur le futur de l'Union économique et monétaire (UEM) des « 5 présidents », qu'EurActiv a consulté, fait preuve d'une ambition mesurée pour le futur de la zone euro : il met l'accent sur la gouvernance et la lutte contre l'évasion fiscale, mais reste vague sur les questions sociales.

Les présidents de la BCE, de la Commission, du Parlement européen, du Conseil européen et de l'Eurogroupe auraient dû se réunir vendredi 5 juin pour mettre la touche finale à ce document, qui fait écho à des travaux passés : un rapport semblable établi en 2012, et la communication Blueprint de la Commission.

>> Lire : Juncker veut renforcer l'intégration de la zone euro

Mais l'urgence de la crise grecque a paradoxalement entraîné un report de la rencontre, alors même que les grands chefs de l'UE doivent justement définir une méthode qui manque cruellement à la Grèce. A ce stade, le rapport s'intitule « Prochaines étapes pour une meilleure gouvernance économique de la zone euro ».

Un rapport de 3 présidents ?

Selon Martin Schulz, président du Parlement européen qui intervenait mercredi 3 juin à l'Assemblée nationale à Paris, ce rapport a surtout été concocté par les présidents de la BCE, de la Commission et lui-même.

"Les deux autres ont peu participé ; l'un [Donald Tusk, président du Conseil européen Ndlr] s'y intéresse peu, l'autre [Jeroen Djissoelbloem, président de l'Eurogroupe, Ndlr] a trop peur pour s'impliquer" a-t-il expliqué-, sans citer nommément les auteurs dilettantes.

L'Allemagne et la France soutiennent clairement le projet, dont elles ont publié leur propre mouture : d'une part au niveau des chefs d'État avec un document qui insiste sur la question de la gouvernance. Et d'autre part avec une tribune commune signée par les ministres de l'Economie des deux pays, jeudi 4 juin.

>>Lire : France et Allemagne poussent pour plus d'intégration économique en UE

L'euro, c'est formidable...

Le nouveau rapport insiste sur les bénéfices apportés par la monnaie unique, et sur le fait que l'euro est irrévocable, dans la mesure où « le succès de l'euro dépend du fait qu'il soit une réussite partout », sans quoi il ne serait pas une monnaie unique.

L'objectif des auteurs semble être de souligner que les États membres sont mieux lotis à l'intérieur qu'à l'extérieur de la zone euro, surtout en cas de chocs macroéconomiques. Une idée qui fait aujourd'hui débat au sein des États membres, notamment chez ceux qui subissent encore des plans d'austérité.

Convergence et lutte contre l'évasion fiscale : un plan en deux étapes

Dans une première phase, le texte propose d'intensifier la coopération entre les États en matière de politique économique afin de lutter contre les écarts de compétitivité. Une idée qui repose sur la perception générale que l'UEM est incomplète.

Si l'Union monétaire est là et bien là, et désormais assortie d'une véritable politique monétaire, les politiques budgétaires sont inefficaces en raison d'un manque de coordination. Cette première phase propose donc de mieux gérer les interdépendances d'un État à l'autre à l'aide de réformes des marchés du travail et de l'environnement économique, tout en garantissant la cohésion sociale, notamment en coordonnant les politiques fiscales afin d'éviter l'érosion des bases fiscales.

L'union budgétaire, enfin

Aux côtés de la politique monétaire unifiée, l'urgence est à l'harmonisation concrète des politiques budgétaires nationales, selon le rapport. En gros, si la Grèce se voit contrainte de baisser les salaires, il faut que dans le même temps, l'Allemagne puisse faire monter les siens, afin que la politique grecque ait un impact sur les arbitrages des entreprises. La Commission a déjà fait un effort en ce sens, en publiant depuis l'automne dernier une vision agrégée de la politique budgétaire européenne.

Dans une seconde phase, la convergence des pratiques économiques pourrait être gérée « à l'aide de standards communs décidés de façon démocratique ». C'est l'idée d'une collaboration avec les parlements nationaux qui ressort .

Pas d'accord sur le volet social

Le rapport évoque du bout des lèvres le volet social, en restant très vague. S'il insiste sur le fait que le social de l'UEM est un élément crucial de la convergence, il ne donne aucune piste concrète pour le réaliser.

Qu'il s'agisse d'assurance chômage européenne ou de revenu minimal, les idées ne manquent pourtant pas pour que les chocs asymétriques ne se traduisent pas par des coûts sociaux extrêmes, comme l'a montré la crise financière avec l'explosion massive du chômage dans certains pays.

>>Lire : L'idée d'une zone euro politique chemine en France

En matière financière, les présidents proposent de renforcer le financement du fonds de résolution unique, et de modifier également le Mécanisme européen de stabilité (MES), avant de lancer l'Union des marchés de capitaux. À moyen terme, un mécanisme de garantie des dépôts sera aussi à l'ordre du jour. Une assurance qui manque aujourd'hui à l'Union bancaire.

« C'est un rapport qui promet d'être creux, surtout après ceux d'Herman Van Rompuy, qui avait une vraie vision du futur de l'UE », regrette un spécialiste, tout en reconnaissant que l'heure n'est plus aux châteaux en Espagne.

>>Lire : Approfondir la zone euro, le débat qui fait pshitt

Les présidents ont en effet pour contrainte de présenter un rapport acceptable pour les chefs d'Etat, qui se pencheront dessus lors du prochain Conseil européen, le 25 juin.

Liens externes:

Commission européenne

Communication "Blueprint"

Conseil européen

Rapport des 4 présidents- 2012

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Par Aline Robert, EurActiv.fr

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