Michael O'Leary (Ryanair) : "Le Brexit pourrait détruire l'Europe ! "

Par Patrick Cappelli  |   |  751  mots
Intervenu hier au Paris Air Forum organisé à la Maison de la Chimie par La Tribune, le bouillant patron de Ryan Air n'a pas mâché ses mots. L'Union européenne serait condamnée en cas de Brexit, mais il espère que les britanniques choisiront de rester. Selon Michael O'Leary, le low cost reste "révolutionnaire" et il se prépare une vaste consolidation du transport aérien. Les tentatives d'Air France et des compagnies traditionnelles dans le low cost sont selon lui, vouées à l'échec.

Très attendu, pour cette troisième édition du Paris Air Forum, l'événement annuel sur l'aéronautique et la défense organisé par La Tribune, Mihael O'Leary, le très atypique patron de la compagnie de low cost Ryan Air n'a pas failli à sa réputation. Actualité oblige, une question de la salle a évoqué l'éventualité d'un Brexit lors du référendum britannique du 23 juin prochain. Le patron irlandais n'y croit pas, restant convaincu que le remain (rester dans l'Europe) l'emportera ce  jeudi, même si selon lui « les partisans du Brexit sont les plus déterminés ». Le salut pourrait venir des jeunes générations, plus europhiles. Mais si le Brexit gagne, « l'Union Européenne est condamnée et ça pourrait être très difficile pour le Royaume-Uni à court terme ». Le scénario d'une sortie du Royaume-Uni de l'UE causerait "de très grands dommages" à l'économie britannique et européenne selon lui avec une possible récession de deux à trois ans. Mais, même en cas de remain, si le peuple britannique choisi de rester dans l'Europe, il faudra que cela change à Bruxelles, qui devra tenir compte de ce "wake-up call" pour se réveiller et se réformer.

La consolidation du marché aérien approche

S'agissant du secteur aérien et de la compétition entre les compagnies aériennes traditionnelles et les low cost, Michael O'Leary a estimé que les deux acteurs sont "comme chiens et chats" depuis l'arrivée des Easyjet ou Ryanair dans les années 90. Cette nouvelle concurrence a forcé les transporteurs nationaux à créer leurs propres filiales à bas coût. Mais pour le trublion irlandais, celles-ci sont condamnées à l'échec, tout comme leurs maisons mères.

En anglais, to be doomed veut dire être condamné, ou maudit. Et doomed  est un terme qui est revenu sans cesse dans la bouche de Michael O'Leary, le controversé patron de Ryan Air, lors du Paris Air Forum. Les compagnies nationales (legacy airlines en anglais) ? Doomed. Leurs filiales low cost ? Doomed. Easyjet, le concurrent taxé de « faux low cost »  par O'Leary ? Doomed. Les alliances type Star Alliance, Oneworld ou Skyteam ? Doomed. Bref, d'après le patron irlandais, seul deux ou trois compagnies nationales survivront d'ici dix ans, sans oublier bien sur Ryan Air.

Ryan Air veut doubler le nombre de ses passagers

Car l'ambitieux entrepreneur compte bien doubler rapidement le nombre de passagers transportés (de 90 millions, soit un peu plus qu'Air France KLM, à 180 millions) grâce à l'achat de nouveaux Boeing 737 MAX, qui offrent plus de sièges pour un coût inférieur car moins gourmands en carburant. Pour Michael O'Leary, Ryan Air et les autres low cost vont devenir les prestataires des compagnies nationales en transportant les passagers sur les courts trajets vers les hubs comme Charles de Gaulle, Heathrow ou Francfort pour alimenter les vols long courriers d' Air France, British Airways et Lufthansa. Pour le DG de Ryan Air, « les legacy (les compagnies traditionnelles) gagnent de l'argent sur les longs courriers mais en perdent sur les courts et moyens courriers. De plus en plus, elles vont demander aux low cost comme nous d'acheminer leurs clients depuis les provinces européennes vers les grands hubs ». Il estime que Ryan Air et Easyjet pourraient acheminer jusqu'à 65 % des passagers courts courriers des compagnies nationales .Un nouveau marché qui ne deviendra pas le « core busines » de Ryan Air selon son directeur général, mais va prendre de plus en plus d'importance.

"Tous les aéroports devraient être privatisés"

Si l'on en croit Michael O'Leary, le paysage aérien commercial aura bien bougé dans dix ans. Pour lui, les "fausses low cost" que sont les Germanwings, Transavia, Vueling ou Air Berlin ne sont pas viables. Pourtant, le patron de Ryan Air n'a aucune intention de racheter ces futurs canards boiteux : « nous venons de commander beaucoup de nouveaux appareils et réalisons beaucoup de profit. Nous n'avons aucune intention d'acquérir ces compagnies ». La stratégie de Michael O'Leary est plutôt simple : continuer à baisser ses prix pendant qu'Air France ou British Airways les augmentent sur leurs vols long courriers.

Pour conclure sa prestation très suivie, le patron atypique estime que « tous les aéroports français devraient être privatisés » et lance un avertissement : « le vrai danger, c'est le contrôle aérien. Les contrôleurs français en sont à leur 55ème grève en moins de dix ans ». Pour l'Irlandais volant, c'est clair, la France aussi est doomed.