Plan de relance européen : quel coût pour le contribuable français ?

Par Avec AFP  |   |  849  mots
(Crédits : YVES HERMAN)
Pour surmonter la crise du coronavirus, la France devrait recevoir 40 milliards d'euros de subventions, tirés d'une dette inédite et commune aux pays membres de l'Union européenne. Si Emmanuel Macron a assuré que « ce n'est pas le contribuable français qui paiera », ses opposants estiment le contraire.

Qui remboursera les 40 milliards d'euros de subventions promis à la France dans le cadre du plan de relance européen signé par les 27 mardi 21 juillet ? La question reste en suspens. Le président de la République s'est voulu rassurant dès le soir même, s'exprimant sur TF1. « Nous avons créé pour la première fois de notre histoire un plan de relance que nous finançons ensemble par un endettement commun », précisant que « ce n'est pas le contribuable français qui le paiera ». Mais pour Nicolas Dupont-Aignan, député et président de Debout la France, ce sont bien les Français qui s'en acquitteront, jusqu'à « payer, avec leurs impôts, le double du montant ».

Ces projections semblent prématurées et omettent plusieurs paramètres macro-économiques, répondent plusieurs économistes interrogés par l'AFP. L'enveloppe prévue pour la France provient des 750 milliards d'euros bientôt empruntés sur les marchés financiers par la Commission européenne, qui devront être remboursés d'ici 2058. 390 milliards d'euros - dont 40 pour la France - seront distribués via des subventions aux pays les plus touchés par la pandémie de coronavirus, auxquels viennent s'ajouter si besoin 360 milliards disponibles sous forme de prêts. Pour rembourser la totalité de la dette, trois options s'offrent à l'UE, estime Shahin Vallée, spécialiste des questions d'intégration européenne : « Augmenter les ressources propres, augmenter la contribution des États, baisser les dépenses ».

Lire aussi : Climat, durée et conditions des prêts...: les principaux points du plan de relance européen

Nouvelles taxes

En consommant, les contribuables européens risquent de payer indirectement de nouveaux impôts. L'accord prévoit en effet l'instauration début 2021 d'une taxe sur le plastique non-recyclé. Avant 2023, l'UE doit également créer une taxe carbone sur les produits importés, une refonte du marché européen du carbone, ainsi qu'une taxe sur les géants du numérique. Au total, ces taxes pourraient rapporter entre 19,8 et 33,1 milliards d'euros chaque année, selon les estimations cumulées de la Commission européenne.

Comme Emmanuel Macron, le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton a assuré que « ce ne sont pas les Européens qui vont payer ». Ces présentations sont « malhonnêtes », considère Shihan Vallée. « On emprunte en commun et on est en train de créer des impôts européens communs ». Avec une taxe aux frontières, « les citoyens ne paient pas eux-mêmes l'impôt mais paient des produits importés plus chers », explique-t-il. « Dire que cela ne coûte rien au contribuable, c'est "jouer sur les mots" ».

Lire aussi : Le plan de relance européen "aurait pu être meilleur" selon Christine Lagarde (BCE)

Contributions difficiles à prévoir

Le remboursement commencera à la fin du cadre financier européen pour la période 2021-2027. Impossible de donner de chiffres « factuels », car « on ne connaît pas les contributions des pays au budget de l'UE après 2027 », estime Francesco Saraceno de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). « La France contribue pour 17% au budget de l'UE. Elle recevrait 40 milliards de subventions. Sauf impôts européens, elle devra rembourser... 66 milliards ! », a pourtant estimé le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon. Pour Marine Le Pen, la France sera « un contributeur déficitaire » à ce plan de relance.

Ces raisonnements, comme celui de Nicolas Dupont-Aignan, sont « valables compte tenu de la répartition classique du budget européen », mais prématurés selon les économistes de l'OFCE contactés par l'AFP. « On ne connaît pas la clé de répartition qui sera appliquée dans les années à venir », explique Jérôme Créel. Celle-ci dépendra aussi « des trajectoires de croissance de chaque pays », complète Raul Sampognaro. Aujourd'hui, les recettes de l'UE proviennent à 77% des contributions des États membres. En 2019, la France était la deuxième contributrice au budget européen.

Lire aussi : La Bourse de Paris revigorée par le plan de relance européen

Gains macroéconomiques omis

Estimer les futures contributions versées est « purement comptable », selon Shahin Vallée. « Si l'Italie sombre économiquement aujourd'hui, la France sombre avec », estime ce chercheur, pour qui « en termes macro-économiques » la France « recevra bien plus que celle qu'elle paiera dans le cadre de cette dette commune ».

L'objectif du plan est de maintenir et de relancer les économies de l'UE les plus éprouvées par la crise. « On va perdre quelques milliards directement, mais pour les regagner indirectement », juge Jérôme Créel.

Autres options

« Couper dans les dépenses du budget européen » est aussi une possibilité, selon Shihan Vallée. « C'est peut-être le projet de certains États ». Pour satisfaire les pays partisans d'un plan relance restreint, des fonds dédiés au projet de budget ont déjà disparu ou été fortement réduits. Le remboursement pourrait aussi se faire via une nouvelle émission de dette d'ici 2058... qui ne ferait que « repousser l'équation », d'après Jérôme Créel.

Lire aussi : Plan européen : la France pourra demander 40 milliards d'euros de subventions