Pour s’affranchir du gaz russe, l'Allemagne songe à prolonger ses centrales nucléaires

Par latribune.fr  |   |  768  mots
La ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock ouvre la porte à un prolongement des dernières centrales nucléaires en fonctionnement. (Crédits : ANNEGRET HILSE)
Le débat sur le maintien des dernières centrales nucléaires agite la classe politique et la coalition au pouvoir, qui s'inquiète de la précarité énergétique dans laquelle s'apprête à plonger le pays cet hiver. Même les écologistes semblent ouverts à cette possibilité dans une situation d'urgence. Un tel virage marquerait une rupture spectaculaire avec la décision d'Angela Merkel de sortir du nucléaire en 2011.

L'Allemagne s'apprête-t-elle à faire volte-face sur la question du nucléaire ? Un prolongement des dernières centrales en fonctionnement outre-Rhin est désormais ouvertement envisagé par le gouvernement. Un scénario qui aurait paru impossible avant le déclenchement de la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui a débuté ces derniers mois.

En plein réflexion autour de cette question, le gouvernement allemand a indiqué lundi qu'il trancherait « dans les prochaines semaines » sur une possible prolongation des dernières centrales nucléaires, censées s'arrêter en fin d'année. Avant de trancher, Berlin dit attendre le résultat « d'un stress-test qui est en cours » pour connaître le niveau de sécurité actuel des centrales.

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Le retour au nucléaire constituerait un virage spectaculaire dans la politique énergétique allemande, construite depuis une décennie sur l'arrêt du nucléaire, le gaz et l'augmentation du renouvelable. Sous l'émotion de la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, la précédent chancelière Angela Merkel avait décidé de sortir son pays de cette source d'énergie très peu carbonée.

Le débat occupe la classe politique allemande et la coalition

Ce choix d'Angela Merkel de 2011 a longtemps été plébiscité par les écologistes, membres de la coalition gouvernementale du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, la lutte contre l'atome étant un pilier du programme des Verts allemands depuis la Guerre froide.

Mais la raréfaction des livraisons de gaz russe, et leur arrêt attendu dans les prochains mois dans un contexte de sanctions économiques vis-à-vis de la Russie, ont plongé le pays dans une situation de grande précarité énergétique à l'approche de l'hiver. Avant la guerre en Ukraine, l'Allemagne importait près de 55% de son gaz de Russie.

Le ministre de l'Economie Robert Habeck, issu des rangs écologistes, a tiré la sonnette d'alarme le mois dernier en reconnaissant que la situation énergétique du pays était d'une gravité inédite. « Nous sommes déjà dans une situation où l'Allemagne n'a jamais été. Rien que si les livraisons de gaz russe restent aussi faibles qu'elles le sont actuellement, nous courons à la pénurie de gaz », a-t-il expliqué en reconnaissant que son gouvernement s'apprêtait à faire des « choix de société très difficiles ».

A droite, la prolongation des centrales nucléaires est défendue par les conservateurs allemands. « Je peux déjà l'anticiper, vous verrez que les centrales nucléaires seront prolongées en fin d'année », a martelé ce week-end leur chef Friedrich Merz. Au sein même de la coalition gouvernementale, les Libéraux du FDP soutiennent aussi cette option. « La durée de vie des centrales nucléaires devrait être prolongée jusqu'au printemps 2024. C'est la période pendant laquelle nous risquons de manquer d'énergie », a lancé dans Bild mardi un poids lourd des libéraux, Michael Kruse.

Dimanche, la vice-présidente écologiste du Bundestag Katrin Göring-Eckardt a concédé qu'en cas de réelle situation d'urgence utiliser les dernières barres de combustible des centrales nucléaires encore en service, ce qui permettrait de prolonger leur durée d'exploitation, était une option possible. Même la ministre des Affaires étrangères, l'écologiste Annalena Baerbock, a admis que la « situation d'urgence » que connaît l'Allemagne obligeait à « réfléchir à toutes les solutions ».

Si l'Allemagne venait à maintenir ses dernières centrales nucléaires en fonctionnement, cela ne serait pas la première incohérence dans son ambition de réduire ses émissions carbone. Le pays a déjà annoncé qu'il aurait davantage recours au centrale à charbon pour réduire sa dépendance au gaz russe.

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Accord de principe entre la Belgique et Engie pour prolonger 2 réacteurs

Les deux réacteurs nucléaires belges dont la durée de vie doit être prolongée de dix ans pour renforcer l'indépendance énergétique seront exploités dans une coentreprise à créer entre l'Etat belge et le groupe français Engie, selon « un accord de principe » annoncé conjointement vendredi. Les deux parties négocient âprement les conditions de cette prolongation annoncée en mars, sur fond de limitation de la dépendance aux hydrocarbures russes consécutive à la guerre en Ukraine. Elles comptent aboutir « à un accord définitif d'ici à la fin de l'année et le soumettre à la Commission européenne », ont précisé vendredi dans un communiqué le Premier ministre Alexander De Croo et la ministre de l'Énergie Tinne Van der Straeten.

(avec AFP)