« Qatargate » : Doha contre-attaque face au Parlement européen

Par latribune.fr (avec AFP)  |   |  805  mots
Les secousses du « Qatargate », provoquées par le séisme de l'arrestation de l'eurodéputée Eva Kaili pour des soupçons de corruption en lien avec le Qatar, ne sont pas prêtes de s'estomper. (Crédits : European Union 2022 - Source : E)
Le Qatargate va laisser des traces. Ebranlé par cette suspicion de corruption par le Qatar dans ses propres rangs, le Parlement européen tente de réagir mais s'expose aux menaces de Doha. Mais avec l'accroissement de ses capacités de production de gaz naturel liquéfié, l'émirat du Golfe peut allégrement jouer sur le boulevard laissé par l'arrêt des importations de gaz russe en Europe pour tenter d'imposer ses vues aux à Bruxelles et aux Vingt-Sept.

Après l'épisode du « Qatargate », avec la révélation d'une enquête et l'arrestation d'Eva Kaili, vice-présidente du Parlement européen, pour des soupçons de corruption en lien avec le Qatar, l'instance parlementaire européenne s'est empressé de prendre des mesures à l'encontre du petit mais puissant Etat du Golfe. A quelques heures de la finale du Mondial de foot que se déroule chez lui, ce dernier a vivement réagi aujourd'hui pour dénoncer « l'impact négatif » de ces mesures sur les relations entre Doha et Bruxelles et l'approvisionnement mondial en énergie.

Ebranlé par cette affaire, le Parlement européen souhaite limiter au plus vite l'influence qatarienne dans l'hémicycle - Eva Kaili est soupçonnée d'avoir été payée par le Qatar pour défendre les intérêts du riche émirat gazier. Jeudi à Strasbourg, les eurodéputés ont voté à la quasi-unanimité un texte dans lequel ils demandent « instamment la suspension des titres d'accès des représentants d'intérêts qatariens » le temps de l'enquête.

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Plusieurs dossiers en suspens

Se disant « consternés » par les actes de corruption et de blanchiment d'argent présumés, les eurodéputés ont aussi décidé de suspendre « tous les travaux sur les dossiers législatifs relatifs au Qatar », en premier lieu ceux concernant une libéralisation des visas pour le Qatar et le Koweït, ainsi que l'accord de ciel ouvert entre le Qatar et l'Europe. Celui-ci est désormais revu à l'aune de cette affaire Qatargate et pourrait être remis en question. Cet accord, qui avait suscité une levée de boucliers lors de sa validation par Bruxelles l'an dernier, avait ouvert la voie à une desserte illimitée du Vieux continent par Qatar Airways.

Cette séquence parlementaire n'a pas manqué de froisser Doha. Un diplomate qatari a ainsi tancé ces premières prises de décision : « La décision d'imposer au Qatar une restriction aussi discriminatoire, limitant le dialogue et la coopération avant la fin de la procédure judiciaire, aura un impact négatif sur la coopération régionale et mondiale en matière de sécurité, ainsi que sur les discussions en cours sur la rareté et la sécurité énergétiques mondiales. »

Le Qatar « rejette fermement » les accusations dont il fait l'objet, et regrette « les jugements fondés sur les informations inexactes révélées par des fuites sans attendre la conclusion de l'enquête », a encore affirmé le diplomate dans un communiqué. Doha rejette en premier lieu le caractère exclusif de ces mesures à l'encontre du Qatar, alors qu'il n'est pas le seul pays cité dans l'enquête ouverte par la Belgique.

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Des liens difficiles à défaire

L'émirat a aussi souligné ses liens « solides » avec de nombreux pays de l'Union européenne, exprimant sa « gratitude à ceux qui ont démontré leur engagement envers ces relations face à la vague d'attaques actuelle ». Il a en revanche dénoncé le manque de coopération du gouvernement belge, dont il a dit être un partenaire « proche » et « un important fournisseur » de gaz naturel liquéfié.

En effet, rompre les liens avec le Qatar - l'un des principaux producteurs de gaz naturel liquéfié (GNL) au monde et qui travaille à renforcer très fortement ses capacités de production - n'est pas chose aisée alors que les pays européens cherchent à tout prix des alternatives au gaz russe depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. C'est un volume annuel de pas moins de 150 milliards de mètres cubes qu'il leur faut combler. Fin novembre, l'Allemagne a ainsi signé deux accords pour renforcer ses approvisionnements de GNL en provenance de l'émirat pour une durée d'au moins quinze ans.

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A la présidente de parler

La décision d'appliquer ces premières sanctions est désormais entre les mains de la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, qui a d'ores et déjà annoncé des mesures plus structurelles pour l'an prochain : « Je suis en train de mettre au point un paquet de réformes d'ampleur qui sera prêt au début de l'année prochaine », a-t-elle déclaré lors d'un sommet européen à Bruxelles.

Cela pourrait comprendre le renforcement de la protection des lanceurs d'alerte, l'interdiction des groupes d'amitié non officiels avec des pays tiers, ainsi que des mesures sur « les activités d'anciens membres du Parlement européen, les inscriptions sur le registre de transparence, les personnes autorisées à entrer au Parlement européen ».