Que la BCE annule la dette des pays européens ? "Inenvisageable", répond Christine Lagarde

Par latribune.fr  |   |  623  mots
(Crédits : FRANCOIS LENOIR)
Alors que 100 économistes ont demandé vendredi l'annulation des dettes publiques détenues par la BCE pour faciliter la reconstruction sociale et écologique après la pandémie, la présidente de la BCE a répondu dans le Journal du Dimanche qu'une telle annulation serait "une violation du traité européen qui interdit strictement le financement monétaire des États". Prévoyant une rebond du PIB européen de 6,5% en 2021, Christine Lagarde estime que l'activité ne reviendra pas à son niveau d'avant la crise avant mi-2022. Après crise, elle conseille de ne pas serrer d'un coup tous les robinets des politiques budgétaires et de politique monétaire, comme ce fut le cas dans le passé.

Christine Lagarde a renvoyé dans leurs buts les 100 économistes qui ont lancé vendredi un appel à annuler les dettes publiques détenues par la BCE pour faciliter la reconstruction sociale et écologique après la pandémie de Covid-19.

"Ce serait une violation du traité européen"

Une telle annulation est "inenvisageable" et serait "une violation du traité européen qui interdit strictement le financement monétaire des États", a souligné dans le Journal du Dimanche la présidente de la Banque centrale européenne (BCE).

"Cette règle constitue l'un des piliers fondamentaux de l'euro", a-t-elle expliqué. "Si l'énergie dépensée à réclamer une annulation de la dette par la BCE était consacrée à un débat sur l'utilisation de cette dette, ce serait beaucoup plus utile ! À quoi sera affectée la dépense publique ? Sur quels secteurs d'avenir investir ? Voilà le sujet essentiel aujourd'hui."

"Nous nous devons à nous-mêmes 25% de notre dette et si nous remboursons cette somme, nous devrons la trouver ailleurs, soit en réempruntant pour faire rouler la dette au lieu d'emprunter pour investir, soit en augmentant les impôts, soit en baissant les dépenses", expliquent au contraire les 100 économistes, parmi lesquels 50 Français, dont Thomas Piketty (École d'économie de Paris), l'ancien ministre belge Paul Magnette et l'ancien commissaire européen hongrois Andor Lazlo.

"Tous les pays de la zone euro émergeront de cette crise avec des niveaux de dette élevés", a estimé Christine Lagarde dans le JDD. Mais "il ne fait aucun doute qu'ils parviendront à la rembourser. Les dettes se gèrent dans le temps long. Les investissements réalisés dans des secteurs déterminants pour l'avenir engendreront une croissance plus forte".

"La reprise sera créatrice d'emplois, et donc fédératrice. Nous allons vers une autre économie, plus numérique, plus verte, plus engagée face au changement climatique et pour le maintien de la biodiversité", déclare-t-elle encore.

2021, l'année de la reprise

Dans l'immédiat, elle estime que "2021 sera une année de reprise. La reprise économique a été retardée, mais non battue en brèche. Elle est évidemment attendue avec impatience". Toutefois, "nous ne sommes pas à l'abri de risques encore inconnus", et "nous ne retrouverons pas les niveaux d'activité économique d'avant la pandémie avant mi-2022", a-t-elle prévenu. C'est pour cela que la BCE agira encore jusqu'à cette échéance.

Christine Lagarde table pour 2021 sur une croissance de la zone euro "aux alentours de 4%", après la baisse de 6,5% en 2020. "Tout dépendra de la politique de vaccination et du déroulement des campagnes, ainsi que des mesures économiques prises par les gouvernements en réponse aux conditions sanitaires", a-t-elle indiqué.

Pas de bulle immobilière

Interrogée sur les risques de la politique monétaire de la BCE, Christine Lagarde a répondu qu'elle ne voyait "pas de bulle immobilière à l'échelle de la zone euro mais des indicateurs de prix surévalués localement". Il est crucial de soutenir le crédit dans l'ensemble du système économique (...) la priorité consiste à donner aux entreprises l'accès aux financements dont elles ont besoin", a-t-elle précisé.

Après la crise, la présidente de la BCE conseille de ne pas "commettre les erreurs du passé comme de serrer d'un coup tous les robinets des politiques budgétaires et de politique monétaire".

"Il faudra, à l'inverse, apporter aux économies un accompagnement graduellement diminué, au fur et à mesure que la pandémie s'éloignera et que la reprise se manifestera. L'économie devra alors réapprendre à fonctionner sans les aides exceptionnelles rendues nécessaires par la crise. Je ne suis pas inquiète car la capacité de rebond est forte. Nos économies sont résilientes".