Salaires : la BCE appelle les syndicats à être raisonnables pour ne pas alimenter l'inflation

Par latribune.fr  |   |  797  mots
Dans un article publié début janvier, la BCE estime que la hausse des salaires en zone euro devrait être « très forte » cette année. (Crédits : WOLFGANG RATTAY)
Le vice-président de la Banque centrale européenne suggère aux syndicats de modérer leurs revendications salariales face aux hausses de prix afin de ne pas alimenter la courbe de l'inflation et ne pas créer de « spirale salaires-prix ». Pour Luis de Guindos, cela entraînerait encore des augmentations de taux de l'institution, ce qui pèserait sur l'économie. Il préconise plutôt une action des pouvoirs publics afin de soutenir le pouvoir d'achat et atténuer ainsi l'impact de la hausse générale des prix.

Le spectre d'une « spirale inflationniste » pèse sur l'Europe. Depuis plusieurs mois déjà, la Banque centrale européenne (BCE) craint qu'une hausse des salaires, due à la hausse du coût de la vie, entraîne en retour une hausse des coûts de production pour les entreprises qui, pour éviter de réduire leurs marges bénéficiaires, la répercuteraient sur leurs produits, alimentant une nouvelle hausse des prix, et créant ainsi une boucle ressemblant à un cercle vicieux duquel il serait difficile de s'extirper sans une forte hausse des taux.

Pour la BCE, une « spirale salaires-prix » est à craindre...

Bref, une « spirale salaires-prix » qu'il faut « éviter », dixit le vice-président de la BCE, Luis de Guindos, dans une interview au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung ce jeudi 9 février.

Selon lui, « les syndicats pourraient être enclins à demander des augmentations de salaire excessives. Nous devons être prudents », affirme-t-il, ajoutant que « personne n'est gagnant » lorsque s'enclenche une boucle inflationniste entretenue par les hausses de salaires.

Ce discours intervient après la publication début janvier par la BCE d'un article dans lequel elle estime que la hausse des salaires en zone euro devrait être « très forte » cette année. Cette croissance va refléter « un certain rattrapage entre les salaires et les taux élevés d'inflation » observés depuis l'année 2021, note-t-elle.

Au deuxième trimestre 2022, le taux d'évolution annuel réel des salaires était négatif, à -5,2%, en zone euro, selon l'article. Cela pourrait amener les syndicats à « exiger des augmentations salariales plus importantes lors des prochains cycles de négociations », en particulier dans les secteurs à salaires modérés, ajoutent les auteurs.

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... analyse contredite par le FMI, au regard de la situation actuelle

Ce phénomène n'est cependant pas observé pour le moment. Les dernières négociations contractuelles ayant généralement abouti à une augmentation de salaire en moyenne de 3,8% pour 2022 et de 3,5% pour 2023, indiquait Philip Lane dans un blog publié sur le site de la BCE en fin d'année dernière.

Mais si une telle spirale arrivait, « la BCE devra augmenter les taux d'intérêt plus qu'elle ne l'aurait fait autrement », souligne-t-il, ce qui aurait pour conséquence de renchérir encore le coût du crédit et de peser davantage sur l'activité économique.

Reste que, si la crainte de la BCE s'appuie sur des précédents historiques comme la spirale inflationniste née lors du premier choc pétrolier en 1974, elle est contestée, au regard de la situation actuelle, par une étude publiée par plusieurs économistes du Fonds monétaire international (FMI). Ces derniers affirment en effet qu'augmenter les salaires n'induit pas systématiquement une spirale inflationniste.

Pour la BCE, les pouvoirs publics peuvent éviter des revendications salariales excessives

Pour autant, à la BCE, tout en admettant que les salariés sont en droit d'attendre une compensation, Luis de Guindos suggère que c'est aux pouvoirs publics de soutenir le pouvoir d'achat « en introduisant des aides ciblées pour atténuer l'impact de l'inflation ».

« Ainsi, les gens pourraient réduire leurs revendications salariales et la BCE n'aurait pas à resserrer autant sa politique monétaire. Tout le monde y gagnerait », estime le responsable.

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Une spirale des salaires compliquerait la lutte engagée par la BCE contre l'inflation au moment où celle-ci commence à ralentir dans la zone euro. La BCE a drastiquement resserré sa politique monétaire, relevant ses taux à cinq reprises depuis juillet pour un cumul de 3 points de pourcentage, un rythme inédit. Le but est de freiner la demande des consommateurs, en particulier, afin de juguler les hausses des prix.

Une inflation en baisse, mais rien n'est gagné

Ce qui semble porter ses fruits. De 10,4% en octobre, l'inflation a reculé en janvier pour le troisième mois consécutif, s'établissant à 8,5%, grâce à l'accalmie sur les tarifs de l'énergie et le déblocage de chaînes logistiques d'approvisionnement.

Après un nouveau relèvement très probable des taux directeurs de 0,50 point lors de la prochaine réunion de la BCE en mars, « d'autres hausses de taux ne sont pas à exclure », a assuré Luis de Guindos pour qui ce n'est pas le moment de baisser la garde.

Selon le responsable, la réouverture de l'économie en Chine, après les restrictions sanitaires, « entraîne une augmentation de la demande, pour l'énergie, les métaux et les produits de base. Cela peut générer davantage de pressions sur les prix ».

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(avec AFP)