Inflation : la lutte sera « longue et cahoteuse » prévient la Fed, la BCE ne prévoit pas plus de « baisser la garde »

Le président de la Fed appelle à la prudence face à l'essoufflement de l'inflation, tout comme l'une des dirigeantes de la BCE, Isabel Schnabel. Ils rappellent que l'économie n'est pas sortie de la hausse des prix et que cela nécessitera des hausses de taux supplémentaires. Un avertissement que le FMI leur avait demandé de passer la semaine dernière.
Jerome Powell.
Jerome Powell. (Crédits : JONATHAN ERNST)

Le monde économique est averti. Selon le président de la Fed Jerome Powell, la route vers une sortie de l'inflation sera « longue, voire cahoteuse » ajoutant lors d'un discours à l'Economic Club de Washington que « si les données économiques devaient continuer d'être plus fortes que prévu (...) nous augmenterions certainement davantage les taux ».  « Son message, c'est qu'il y a encore du pain sur la planche », analyse Chris Low, l'économiste en chef de FHN Financial qui juge Jerome Powell « particulièrement franc ».

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La hausse des prix à la consommation se situe actuellement à 5,0% sur un an, selon l'indice PCE, privilégié par la Fed, qui veut la ramener autour de 2%. Au niveau macroéconomique, les chiffres de l'emploi en janvier aux Etats-Unis publiés vendredi ont en effet surpris par leur performance, qui ne traduit pas de ralentissement économique avec plus d'un demi-million d'embauches quand le consensus des analystes en attendait moins de 200.000. Le taux de chômage recule encore de son côté à 3,4%, son niveau le plus faible depuis mai 1969.

Désinflation réelle mais insuffisante

Jerome Powell s'est néanmoins réjoui du fait que le processus de « désinflation a commencé ». « C'est une bonne chose de voir le début d'une désinflation sans voir le marché du travail faiblir », a-t-il admis. D'après lui, la Fed doit « faire plus » et relever encore le coût de l'argent et en maintenant « une politique monétaire restrictive un certain temps », a-t-il insisté de nouveau. Jerome Powell anticipe que « l'inflation ralentisse de façon significative en 2023 » mais que la hausse des prix ne reviendra dans la cible de 2% que « l'année d'après ».

La Fed attend de voir notamment les prix fléchir dans le secteur des services, ce qui n'est pas encore le cas, a-t-il déclaré. La prochaine décision monétaire de la Fed est attendue le 22 mars, et l'institution aura reçu entre temps deux rapports mensuels supplémentaires sur le marché de l'emploi et de plusieurs nouvelles mesures d'inflation. Lors de sa réunion monétaire le 1er février, la Fed a rehaussé les taux pour la huitième fois d'affilée mais au rythme moindre d'un quart de point de pourcentage. Ces taux au jour le jour se trouvent désormais entre 4,50% et 4,75%.

En Europe, le ton des dirigeants monétaires est sensiblement le même. Même si l'inflation retombe de 10,4% en octobre à 8,5% en janvier pour le troisième mois consécutif, grâce à l'accalmie sur les tarifs de l'énergie et le déblocage de chaînes logistiques d'approvisionnement.

La BCE ne prévoit pas plus de baisser la garde

« On ne peut pas baisser la garde », parce que « ce qui nous dérange vraiment, c'est que l'inflation sous-jacente », c'est à dire excluant les prix d'énergie et des matières premières, « est toujours à un niveau extraordinairement élevé », a averti Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, lors d'un webinar organisé par l'organisme de réflexion sur la finance Finanzwende, alors que l'inflation « sous-jacente » stagne en janvier à plus de 5%, défiant l'action de la BCE. Ces données sont « beaucoup plus persistantes et c'est pourquoi elles sont particulièrement importantes pour l'évolution de l'inflation à moyen terme », a justifié Isabel Schnabel.

La BCE sera en mesure d'abaisser ses taux le jour où elle aura « des preuves solides que l'inflation, et en particulier l'inflation sous-jacente, revient vers notre objectif de 2% à moyen terme », a estimé Isabel Schnabel. Or, les consommateurs en zone euro, sondés par la BCE, voient eux l'inflation demeurer au-delà des 2% à moyen terme : leurs anticipations dans les trois années à venir « ont légèrement augmenté, passant de 2,9 % à 3,0 % », en inversant une baisse précédente, selon la dernière enquête mensuelle publiée mardi par l'institut monétaire.

Du côté de la Banque de France, le gouverneur François Villeroy de Galhau estime que la Banque centrale européenne « ramènera l'inflation vers 2% », niveau qui traduit la stabilité des prix, « d'ici la fin de 2024 ou 2025 », dans une interview au journal allemand Die Zeit.

Le FMI demande aux banques d'avertir les marchés

Les propos des dirigeants de banques centrales peuvent s'interpréter comme un avertissement aux marchés, jugés trop optimistes dans leurs projections économiques. Le Fonds monétaire international (FMI) recommande ainsi dans une adresse la semaine dernière aux banques centrales mondiales de faire comprendre aux marchés financiers qu'il est probable que les taux d'intérêt resteront élevés pour longtemps afin de ramener durablement l'inflation sous leur cible et d'éviter un rebond des prix.

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Cet avertissement intervient alors que la déconnexion entre les marchés financiers et le discours des banques centrales est frappante. Un net assouplissement des conditions financières est en effet observé depuis octobre, les investisseurs ayant pris le ralentissement récent de l'inflation comme le signal d'un prochain pivot sur la politique monétaire des banques centrales alors même que celles-ci poursuivent la remontée de leur taux d'intérêt.  Selon le FMI, l'histoire a montré qu'une inflation élevée mettait souvent du temps à se résorber en l'absence de mesures de politique monétaire « énergiques et décisives ».

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