Semaine à quatre jours : les expériences se multiplient dans les entreprises européennes

Par latribune.fr  |   |  1280  mots
Le secteur industriel, comme en Espagne, est le plus réticent à adopter la semaine de quatre jours. (Crédits : Darren Staples)
Le gouvernement espagnol a lancé en fin de semaine dernière un programme pilote destiné à aider les PME du secteur industriel à réduire le temps de travail hebdomadaire de leurs salariés sans baisser leurs salaires, dans le but de stimuler la productivité. En Italie, la banque Intesa Sanpaolo, le plus gros employeur privé d'Italie, avec 74.000 salariés, a par ailleurs annoncé vouloir proposer à ses salariés la semaine de quatre jours avec un salaire inchangé. Partout, en Europe, et même au-delà, des gouvernements ou des entreprises se penchent sur cette organisation du travail.

Travailler quatre jours sans toucher au salaire, c'est ce que cherche à encourager dans les entreprises des gouvernements européens à la faveur de différents programmes pilotes. Le dernier en date, en Espagne, annoncé vendredi dernier, sera testé durant deux ans dans des PME du secteur industriel souhaitant tester des réformes d'organisation susceptibles de « générer une hausse de productivité qui compense les surcoûts salariaux ».

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Les entreprises intéressées devront s'engager à réduire d'au moins 10% le temps de travail hebdomadaire de leur salariés, sur une période de deux ans. Cette mesure devra toucher au minimum 25% de leurs employés. Elles recevront en retour des aides de l'Etat, destinées à compenser l'impact engendré par la baisse du temps de travail sur leur production, mais aussi les surcoûts créés par la mise en place de cette nouvelle organisation. L'objectif est d'analyser l'effet de disposer à terme d'un nombre d'entreprise ayant « une représentativité statistique suffisante » pour analyser l'effet de cette mesure sur la productivité, avant d'éventuellement l' »étendre au reste de l'économie ». Ces dernières années, plusieurs grandes entreprises ont déjà testé voire adopté la semaine de quatre jours en Espagne, à l'image du géant des Télécoms Telefonica ou du groupe de prêt-à-porter Desigual, mais rarement dans le secteur industriel et souvent avec une baisse de salaire.

La banque italienne Intesa Sanpaolo veut concilier « vie professionnelle » et « vie privée »

En Italie, aussi, ça bouge. La banque Intesa Sanpaolo, le plus gros employeur privé d'Italie, avec 74.000 salariés a annoncé vouloir proposer à ses salariés la semaine de quatre jours avec un salaire inchangé, devenant ainsi la première grande entreprise en Italie à adopter ce nouveau modèle d'organisation du travail.

Ce dispositif, réservé aux employés en Italie, « répond à la nécessité de concilier l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et vise à « rendre la banque encore plus dynamique », commente Intesa Sanpaolo dans un communiqué. A partir de janvier, les salariés de la banque qui le souhaitent pourront travailler neuf heures par jour au lieu de sept heures et demie en échange d'un jour de congé supplémentaire pendant la semaine. En adoptant ce dispositif, le temps de travail se réduit ainsi à 36 heures par semaine, contre 37 heures et demie jusqu'ici.

En Europe, on ne manque pas d'idées pour passer à quatre jours de travail

Au delà de l'Espagne et l'Italie, de nombreux gouvernements et entreprises en Europe travaillent à mettre en œuvre la semaine à quatre jours. Le Parlement belge a ainsi voté fin septembre une réforme du marché du travail incluant la possibilité pour les salariés d'effectuer leur temps plein sur quatre jours au lieu de cinq. Il ne s'agit pas de réduction du temps de travail, qui oscille en Belgique entre 38 et 40 heures hebdomadaires selon les conventions collectives.

En France, quelques entreprises se sont lancées. Dernières en date, le groupe informatique LDLC (un millier de salariés), la plateforme dédiée à l'univers du travail Welcome to the Jungle ou encore le fournisseur d'électricité Elmy. Tous secteurs confondus, la semaine de quatre jours n'a été adoptée que par 5% des entreprises.

Au Royaume-Uni, un test de la semaine de quatre jours lancé en juin pour six mois, donne des résultats pour l'instant positifs, selon des données de mi-parcours publiées fin septembre. Plus de 70 entreprises se sont inscrites pour cette expérimentation, qui permet à plus de 3.300 salariés de travailler un jour de moins par semaine tout en conservant le même salaire. 86% des entreprises répondantes déclarent qu'elles envisageraient « probablement » ou « extrêmement probablement » de conserver la semaine de quatre jours à l'issue de la période d'essai.

En Allemagne, ce sujet ne fait pas vraiment débat en Allemagne, où l'organisation du temps de travail et les salaires sont en général négociés directement entre syndicats et entreprises par branches d'activité, sans que le gouvernement n'intervienne. Il existe toutefois des initiatives de petites entreprises, notamment dans l'artisanat, d'une semaine de quatre jours pour attirer les candidats. La chaîne de magasins de bricolage Hornbach a récemment annoncé vouloir donner à ses salariés plus de flexibilité en leur proposant « un temps de travail sur mesure ».

Un phénomène d'ampleur mondial

Interrogé par l'AFP il y deux mois à donner son éclairage, Andrea Garnero, spécialiste du marché du travail à l'OCDE, estime que la semaine de quatre jours ne peut être la « solution uniforme » à la revendication d'une meilleure organisation du temps de travail. que le retour de ce sujet  « a commencé un peu avant la crise Covid et s'est accéléré, bien au-delà de l'Europe ». Il explique : « Au Japon, Microsoft était pilote, Unilever en Nouvelle-Zélande, plutôt des grosses boîtes. On n'en parle pas seulement en Europe continentale, mais aussi dans des pays dits libéraux auxquels on ne pensait pas forcément ». Pour l'économiste, « l'organisation de la semaine optimale n'est écrite nulle part, on peut penser à diverses organisations du travail, mais l'important est de procéder au cas par cas en respectant les spécificités des secteurs et des entreprises, en passant par la négociation collective plutôt que par la loi ». Et de rappeler que ces expérimentations prennent des formes très variées selon les pays et les secteurs: une réduction du temps de travail, avec ou sans perte de salaire, ou des journées plus longues pour avoir un jour de travail en moins.

« En Belgique par exemple, le gouvernement vient d'adopter la semaine de quatre jours en allongeant les journées de 8 heures à 9 heures 30. Les syndicats sont mécontents car ce n'est pas leur idée des quatre jours, ça coupe l'herbe sous le pied d'une réduction du temps de travail » fait-il valoir.

France : 45% des salariés ont travaillé en « horaires atypiques »

45% des salariés, soit 10,4 millions de personnes, ont travaillé en 2021 au moins une fois par mois en « horaires atypiques », c'est-à-dire, le soir, la nuit ou le week-end, selon une étude publiée fin octobre par la Dares. Le travail le samedi est la modalité la plus fréquente, avec 36% des salariés qui travaillent au moins un samedi. Le travail le soir (entre 20H et minuit) concerne 25% des salariés, le dimanche 20%. Enfin, 10% des salariés travaillent la nuit (entre minuit et 05H) selon cette enquête de la direction des statistiques du ministère du Travail.

Les non-salariés travaillent encore plus souvent en horaire atypique : 45% travaillent le soir, 71% au moins un samedi, et 41% au moins un dimanche. Les cadres travaillent davantage le soir, les employés plus souvent le week-end et les ouvriers la nuit. Les femmes sont moins concernées par le travail le soir (23% contre 28%) et la nuit (6% contre 14%), mais davantage par celui du week-end (37% le samedi et 21% le dimanche contre 34% et 19%). La pratique des horaires atypiques est particulièrement répandue dans trois secteurs d'activité qui répondent à un besoin de continuité de la vie sociale : l'hébergement-restauration (65% des salariés), le commerce (59%) et le transport-entreposage (56%).

Elle est aussi plus fréquente pour les salariés de la fonction publique car ils assurent la protection et la sécurité des personnes et des biens, ainsi que la permanence des services de soin. En moyenne, les salariés qui pratiquent au moins un horaire atypique ont une organisation de leurs horaires de travail plus contraignante que les salariés aux horaires standards. Leur travail est davantage contrôlé par un dispositif (pointeuse, badge).

 (Avec AFP)