Le Covid-19 relance le débat sur la semaine de quatre jours en Allemagne

En Allemagne, l'idée de ramener la semaine de travail à quatre jours refait surface comme remède pour maintenir l'emploi pendant et après la crise sans précédent causée par le Covid-19. Un sujet très controversé du côté des entreprises, qui ne se limite toutefois pas au territoire germanique.
(Crédits : MATTHIAS RIETSCHEL)

La hausse du chômage dans la première puissance européenne, passé d'environ 5% avant la crise liée au Covid-19 à 6,4% en juillet, fait émerger de nombreuses idées pour tenter de sauvegarder un maximum d'emplois. Dernière en date lancée par le président du puissant syndicat de la métallurgie IG Metall, Jörg Hofmann : l'instauration de la semaine de travail à quatre jours. Elle est au cœur d'un débat national dans un contexte où, dans un rapport publié fin juin, le comité des sages économiques qui conseille le gouvernement allemand prévoit que le chômage « continue à augmenter dans les prochains mois », avant de repartir « lentement à la baisse au cours de l'année 2021 ».

Jörg Hofmann n'est pas le seul à évoquer cette mesure. Le ministre social-démocrate du Travail, Hubertus Heil, a lui-même jugé mercredi 19 août dans le groupe de presse régional Funke qu'« un temps de travail réduit avec compensation salariale partielle peut être une mesure appropriée ». L'idée est qu'en travaillant moins, les salariés se partageraient davantage un nombre d'emplois qui tend à fondre. Le parti d'extrême-gauche Die Linke va lui plus loin en défendant une « réduction générale de la durée du travail à 30 heures » sans perte de salaire.

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Réponse aux changements

Le patron d'IG Mettal argumente dans le quotidien Süddeutsche Zeitung que la semaine de travail de quatre jours serait une « réponse aux changements structurels dans des secteurs tels que l'industrie automobile », confrontée au défi de la voiture électrique, de même qu'à « l'accélération du numérique du fait de la pandémie ». Lui aussi plaide « une certaine compensation » côté salaires de la part des employeurs, pour ne pas causer de perte importante de pouvoir d'achat.

IG Metall n'en est pas à son premier combat sur le temps de travail. En 1995, il est parvenu à imposer les 35 heures hebdomadaires dans l'industrie et, en 2018, il a obtenu le droit pour les salariés le désirant de ne travailler que 28 heures par semaine pendant deux ans, avec une perte de salaire limitée. Sa proposition de semaine de travail à quatre jours est soutenue par 60% des Allemands, selon une enquête Yougov publiée mercredi.

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Chiffon rouge

Les employeurs qualifient de leur côté cette mesure de chiffon rouge. Cela ne fera qu'« empirer le choc énorme de productivité » subi en ce moment, selon Steffen Kampeter, directeur de la fédération patronale BDA. « Plus la crise du coronavirus dure, plus nous devons trouver des solutions intelligentes qui ne se bornent pas à distribuer des compensations salariales et des subventions », estime un responsable du parti conservateur d'Angela Merkel proche des PME, Carsten Linnemann, au magazine Wirtschaftswoche.

Plusieurs grandes entreprises allemandes comme Bosch, ZF Friedrichshafen et Daimler viennent de conclure des accords de réduction du temps de travail, tandis que des discussions sont en cours chez Continental ou Airbus. Mais dans ces cas, les employés doivent faire des sacrifices financiers importants. Ces entreprises prennent en effet pour modèle la semaine de quatre jours mise en place par Volkswagen au début des années 1990 pour sauver 30.000 emplois menacés, alors que le groupe était en crise. Les salariés avaient dû renoncer à 10% de salaire.

Dans l'automobile, fortement frappée par la crise, la semaine des quatre jours compensée ne serait « ni opportune ni économiquement viable compte tenu de la situation » du secteur, renchérit Wilfried Porth, directeur des ressources humaines de Daimler.

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Un débat aussi hors Allemagne

Le gouvernement d'Angela Merkel veut au bout du compte laisser les partenaires sociaux trancher la question, comme le veut la tradition sociale en Allemagne. Si le chômage ne reflue pas rapidement, le débat sur la baisse du temps de travail pourrait devenir un sujet majeur de la campagne électorale en vue des prochaines législatives de fin 2021.

Le débat n'est toutefois pas circonscrit qu'à l'Allemagne. En France, outre l'élargissement du dispositif de chômage partiel, la possibilité existe de signer des accords de « performance collective » pour aménager le temps de travail dans le but de sauver l'emploi, mais au prix de sacrifices salariaux, ce qui fait débat. Autre exemple en Autriche, où le parti social-démocrate a proposé, selon la chaîne publique ORF, un programme de réduction du temps de travail de 20% avec baisse en parallèle de 5% du salaire net.

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Commentaires 4
à écrit le 22/08/2020 à 23:35
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Quand on voit les avantages "climat" pour les uns et "économique" pour les autres, il peut y avoir un selfie!

à écrit le 21/08/2020 à 8:32
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Ce serait étonnant que cette mesure soit mise en application étant donné que pour l'oligarchie allemande " le travail libère ".

à écrit le 21/08/2020 à 8:22
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et surtout le silence complet des dirigeants Français opposé aux 35 heures qui il y encore quelque semaine demandé son annulation. maintenant je voudrais lire le programme des verts et leur vision du retour aux pleine emploi

à écrit le 20/08/2020 à 21:00
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Pour une fois avec ses 35 heures, la France était en avance...trop!

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