Ukraine : menace d'intervention russe à "tout moment", Washington ordonne l'évacuation des familles de diplomates

Par latribune.fr  |   |  1032  mots
(Crédits : KEVIN LAMARQUE)
Le gouvernement américain a ordonné dimanche aux familles des diplomates américains en poste à Kiev de quitter le pays "en raison de la menace persistante d'une opération militaire russe", et déconseillé aux Américains de se rendre en Russie. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken discutera lundi de la situation avec les membres de l'UE à Bruxelles.

Article mis à jour le 24 janvier à 12 heures

La tension monte d'un cran en Ukraine. Alors que la rencontre entre les chefs de la diplomatie russe et américaine vendredi à Genève n'a débouché sur aucun résultat tangible, la menace d'une opération militaire russe en Ukraine a poussé les Etats-Unis à ordonner dimanche soir l'évacuation des familles du personnel de leur ambassade à Kiev. Celle-ci reste néanmoins ouverte et la chargée d'affaires Kristina Kvien "reste en Ukraine", selon les autorités américaines. Quant aux citoyens américains se trouvant en Ukraine, ils doivent  envisager de quitter le pays immédiatement. Washington déconseille par ailleurs les voyages en Russie, une mesure justifiée, par "la possibilité d'un harcèlement des citoyens américains", en particulier par la police russe, et "une application arbitraire des lois locales". Début décembre, le nombre d'Américains sur le sol ukrainien était évalué entre 10.000 et 15.000 par la sous-secrétaire d'Etat américaine Victoria Nuland.

La Russie pourrait intervenir en Ukraine "à tout moment"

La situation "est imprévisible et peut se détériorer à tout moment", assure le ministère américain des Affaires étrangères dans un communiqué. " L'ambassade des États-Unis à Kiev a de son côté prévenu que "la Russie pourrait lancer une offensive militaire à tout instant et le gouvernement américain ne serait alors pas en mesure d'évacuer ses citoyens".

Londres a suivi le mouvement et annoncé le retrait d'une partie du personnel de son ambassade à Kiev.

Moscou ni toute volonté d'intervenir en Ukraine, mais soutient les revendications des séparatistes pro-russes des républiques autoproclamées de Lougansk et Donetsk dans le Donbass (est) et a massé plus de 100.000 soldats, des chars et de l'artillerie aux frontières avec l'Ukraine. Des manœuvres qui suscitent des inquiétudes en Occident qui a menacé d'imposer de sévères sanctions économiques à Moscou en cas d'invasion de l'Ukraine.

Le New York Times a rapporté dimanche que le président américain Joe Biden envisageait de déployer plusieurs milliers de soldats dans les pays d'Europe de l'Est alliés de l'Otan et dans les pays Baltes. Le Pentagone s'est abstenu de tout commentaire, notant toutefois que son porte-parole, John Kirby, avait déclaré vendredi :

"Nous allons faire en sorte de proposer plusieurs plans à nos alliés afin de les rassurer, particulièrement en ce qui concerne le flanc est de l'Otan."

En tout cas, le ministre ukrainien de la Défense a annoncé dans un tweet l'arrivée de 80 tonnes d'armements "de nos amis aux Etats-Unis". "Et ce n'est pas fini", a ajouté Oleksii Reznikov. Par ailleurs, l'Otan a annoncé placer des forces en attente et envoyer des navires et des avions de combat pour renforcer leur défense en Europe de l'Est face aux activités militaires de la Russie aux frontières de l'Ukraine

Bruxelles prépare des sanctions

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken discutera ce lundi en visioconférence avec les membres de l'UE à Bruxelles pour leur rapporter le contenu de sa discussion qu'il a eue vendredi avec son homologue russe Sergueï Lavrov. Russes et Américains sont convenus d'un nouveau rendez-vous. Pour rappel, la Russie exige un engagement écrit sur le non-élargissement de l'Otan à l'Ukraine et à la Géorgie et demande un retrait des forces et des armements de l'Alliance atlantique des pays d'Europe de l'Est ayant rejoint l'Otan après 1997, notamment de Roumanie et Bulgarie. Des demandes jugées inacceptables par les Occidentaux.

Pour autant, en Europe, on se déclarait surpris par les dernières annonces de Washington.

"Le secrétaire Blinken nous expliquera les raisons de cette annonce. Nous n'allons pas faire la même chose, car nous ne connaissons pas les raisons spécifiques", a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

"Je ne pense pas qu'on devrait dramatiser dans la mesure où les négociations se poursuivent et elles se poursuivent. Nous n'avons pris aucune décision pour demander le départ des familles de nos diplomates d'Ukraine, à moins que Blinken ne nous fournisse des informations justifiant un tel mouvement", a ajouté Josep Borrell. La décision de Washington a été jugée "prématurée" et "excessive" par les autorités ukrainiennes.

 "Il ne faut pas se mettre dans la logique d'une guerre. Il faut éviter la guerre", a estimé le doyen des ministres des Affaires étrangères de l'UE, le Luxembourgeois Jean Asselborn

L'Europe se prépare néanmoins à prendre des sanctions économiques contre Moscou.

"Nous espérons qu'une attaque n'aura pas lieu. Mais si c'est le cas, nous sommes prêts a répondre par des sanctions économiques et financières massives", a affirmé jeudi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Une position qui sera réaffirmée ce lundi. Une série d'options ont été préparées par la Commission et seront soumises aux ministres. Elles s'ajouteront aux mesures de rétorsion approuvées après l'annexion de la Crimée en 2014. La réduction des achats de gaz et de pétrole, respectivement 43% et 20% de l'approvisionnement de l'UE, et qui financent largement le budget russe, est sur la table, a confié à l'AFP une source européenne.

"Nous réaffirmons notre solidarité avec l'Ukraine et nos partenaires européens qui sont menacés par la Russie. Et bien sûr, nous continuons à défendre le principe fondamental selon lequel l'Ukraine est libre de décider en tant qu'État souverain (...). Pour être très claire, nous voulons un dialogue (avec la Russie). Nous voulons que les conflits soient résolus dans les organes prévus à cet effet. Mais si la situation se détériore, s'il y a de nouvelles attaques contre l'intégrité territoriale de l'Ukraine , nous répondrons par des sanctions économiques et financières massives", avait expliqué jeudi la présidente de la Commission européenne

"L'Union européenne est de loin le premier partenaire commercial de la Russie et de loin son premier investisseur. Cette relation commerciale est importante pour nous. Mais elle est bien plus importante pour la Russie", avait-elle souligné.

 (avec AFP et Reuters)