Veto au budget européen : l'axe Varsovie-Budapest vacille

Par Peter Murphy, AFP  |   |  688  mots
Pour Viktor Orban (en photo), il n'est pas question de céder sur un principe clé, à savoir lier le budget de l'UE à des questions politiques sur l'État de droit. (Crédits : POOL)
La Hongrie a rappelé à l'ordre ce vendredi son allié polonais, après que ce dernier a esquissé un désir de compromis avec Bruxelles au sujet de la conditionnalité des fonds européens au respect de l'État de droit. Bien que la Pologne ait rectifié le tir, le premier ministre hongrois Viktor Orban apparaît de plus en plus isolé.

Le Hongrois Viktor Orban a douché ce vendredi les espoirs européens de compromis rapide sur le plan de relance de l'UE au lendemain d'un premier fléchissement de son allié polonais, à qu'il a rappelé ce même jour sa promesse de faire front commun.

Varsovie et Budapest opposent leur veto à la décision permettant de financer ce massif plan de relance (750 milliards d'euros), refusant que l'octroi des fonds européens soit conditionné au respect de l'État de droit.

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Toutefois, la Pologne a fait jeudi un pas inédit vers Bruxelles: "on peut trouver un compromis même sans rouvrir la discussion" sur ce mécanisme, a déclaré le vice-Premier ministre, Jaroslaw Gowin.

"La Pologne ne soulève pas la moindre objection à une formulation du principe de conditionnalité liant l'allocation de fonds budgétaires complets à leur utilisation transparente et équitable", a-t-il ajouté.

Selon lui, Varsovie voudrait juste avoir la certitude que l'accord ne soit jamais utilisé pour faire pression sur des sujets n'ayant rien à voir avec la manière dont les fonds européens sont dépensés.

"Ça ne marche pas"

Mais pour Viktor Orban, il n'est pas question de céder sur un principe clé, à savoir lier le budget de l'UE à des questions politiques sur l'État de droit.

Ce projet a été adopté à la majorité qualifiée des États-membres et la Hongrie ne veut pas que le principe de l'unanimité dans l'UE s'érode.

"Pour nous, joindre une sorte de déclaration, comme une note de rappel épinglée sur une affiche en carton, ça ne marche pas", a déclaré le Premier ministre souverainiste à la radio publique ce vendredi.

Il faut distribuer les fonds d'abord, discuter de l'État de droit ensuite, a-t-il martelé malgré la fin de non recevoir des 25 autres pays de l'UE.

"Les Polonais se sont également engagés [au veto], nos pays ont signé une déclaration affirmant que la Hongrie et la Pologne se soutiendront mutuellement", a souligné M. Orban.

Aucun des deux "ne doit accepter une proposition irrecevable pour l'autre", selon le document paraphé fin novembre à Budapest.

Après cette mise au point, le gouvernement polonais a jugé nécessaire de rappeler qu'il "maintenait sa position dans son intégralité".

"Seules les dispositions conformes aux traités et aux conclusions du Conseil européen [où l'unanimité est la règle] sont acceptables pour la Pologne", a estimé sur Twitter Piotr Muller, porte-parole du gouvernement nationaliste "Droit et Justice" (PiS).

"Continuer sans eux"

Toutefois, le doute s'installe désormais sur la cohésion entre les deux "frondeurs", et Viktor Orban apparaît isolé, alors que la Roumanie, deux fois plus peuplée que la Hongrie, affiche par exemple son impatience.

Il subit en outre une série noire en politique intérieure. Un député européen de sa majorité a démissionné après avoir participé à une soirée libertine gay à Bruxelles, en violation des normes sanitaires et avec usage de stupéfiants.

À ce sujet, M. Orban a dit ce vendredi "pouvoir imaginer" que l'affaire fasse "partie de la pression" dont est victime la Hongrie, tout en admettant n'avoir aucune preuve liant ce scandale à son bras de fer avec Bruxelles.

L'an dernier, des photos montrant déjà le maire d'une grande ville de province participant à une orgie sur un yacht avaient fait scandale, dans un pays qui prône comme la Pologne des valeurs chrétiennes et familiales.

Le Premier ministre hongrois a vu partir ces derniers temps deux spécialistes des questions européennes, l'eurodéputé György Schöpflin et son proche conseiller Peter Gottfried.

Face à Budapest et Varsovie, les autres membres de l'UE ne bougent pas d'un iota. "Nous ne cèderons pas à un veto, cela devrait être très clair pour la Hongrie et la Pologne", a insisté le commissaire européen à l'Économie vendredi.

"Nous sommes transparents envers ces États membres: nous continuerons sans eux", s'ils s'obstinent à ne pas faire évoluer leur position pour trouver un compromis, a tranché Paolo Gentiloni.