"Il faut voir la finance comme une solution pour relancer la croissance" (Frédéric Oudéa, SG)

Par Christine Lejoux  |   |  814  mots
"L'année 2013 apporte la confirmation de la solidité du modèle de banque universelle de la Société générale", a affirmé son PDG Frédéric Oudéa, lors de la présentation des résultats de la banque, le 12 février. REUTERS.
Si François Hollande considérait la finance comme son adversaire, le PDG de la Société générale lui y voit au contraire un moyen de relancer la croissance économique en Europe. Ce qui implique de ne pas toucher au sacro-saint modèle de banque universelle des établissements français…

François Hollande avait fait d'elle son adversaire. Pour Frédéric Oudéa, elle est au contraire une solution. "Elle", c'est la finance. "Il faut arriver à voir la finance comme une solution", a martelé le PDG de la Société générale, lors de la présentation des résultats annuels de la banque de La Défense, le 12 février. La finance, une solution à quoi, exactement ? A la relance de la croissance économique, " le défi de l'Europe", selon Frédéric Oudéa. Et comment ? Via le financement, par les banques et les marchés, des projets d'investissement des entreprises européennes, destinés à les rendre plus compétitives et, partant, plus à même de créer des emplois.

 Financer l'économie, la loi française de séparation et de régulation des activités bancaires, adoptée le 26 juillet dernier, "nous le permet", reconnaît Frédéric Oudéa. Ce qui semble être bien moins le cas du projet européen de réforme bancaire présenté le 29 janvier par Michel Barnier, le commissaire en charge des services financiers, et qui avait soulevé un tollé général au sein du lobby bancaire et du gouvernement français. En effet, le projet Barnier va plus loin que la très aseptisée loi bancaire française, en imposant aux banques de cantonner dans des filiales ad hoc et dûment capitalisées les activités de marché qui seront jugées risquées par la Banque centrale européenne (BCE).

 Un coup porté au modèle de banque universelle

Comme, possiblement, la tenue de marché, laquelle consiste, pour les banques, à acheter des titres afin d'assurer la liquidité des marchés pour leurs clients, par exemple pour des entreprises émettant des obligations. Un métier dont on peut certes redouter qu'il abrite des activités spéculatives, mais qui n'en est pas moins très important pour le financement de l'économie. Surtout à l'heure où la désintermédiation, c'est-à-dire le financement des entreprises par les marchés, est appelée à se développer en Europe, les nouvelles contraintes règlementaires pesant sur les banques les obligeant à restreindre leur offre de crédits.

Mais, derrière ce louable souhait des banques françaises de demeurer en mesure de financer l'économie européenne, se cache également leur refus de renoncer à leur sacro-saint modèle de banque universelle. Lequel leur permet de combiner activités de détail (collecte des dépôts et distribution de crédits) et activités de marché, les secondes étant autrement plus risquées et rémunératrices que les premières. Or le projet européen de réforme bancaire porte un coup à ce modèle de banque universelle, bien que la Commission européenne s'en défende.

"La filialisation de la tenue de marché [dans une entité ad hoc, dotée de ses propres capitaux ; Ndlr] conduirait à un renchérissement considérable de cette activité ; elle fragiliserait le modèle bancaire universel, qui permet aux banques européennes d'offrir une gamme de services complète aux entreprises, et qui a prouvé sa relative résistance, comparé à des modèles bancaires spécialisés",

avait ainsi expliqué la Fédération bancaire française, le 29 janvier.

 La hausse du résultat des activités de marché compense la baisse de celui de la banque de détail

 Cet argument de la résistance du modèle de banque universelle, Frédéric Oudéa ne s'est pas privé de le reprendre : "L'année 2013 apporte la confirmation de la solidité du modèle de banque universelle de la Société générale, avec des revenus en croissance dans un environnement toujours difficile." De fait, alors que le bénéfice net part du groupe de l'activité de banque de détail en France a chuté de 9,9%, à 1,16 milliard d'euros, en raison d'une hausse de près de 24% du coût du risque [provisions pour crédits impayés ; Ndlr], celui du pôle banque de grande clientèle et solutions investisseurs, qui comprend les activités de marché, a bondi de 75,6%, à 1,34 milliard d'euros.

 Encore faut-il que ces activités de marché, par essence plus risquées que celles de détail, qu'il s'agisse de la Générale ou de n'importe quelle autre banque, soient bien encadrées afin de ne pas représenter une menace pour les établissements de crédit eux-mêmes, et pour le système financier et économique dans son ensemble. Depuis la crise financière de 2008, "il existe énormément de règlementations qui renforcent la sécurité des banques, et la revue de la qualité des actifs bancaires menée cette année par la BCE le montrera", rétorque Frédéric Oudéa. En clair, nul besoin de charger encore la mule, monsieur Barnier…