Les "stress tests", une fiction très noire pour les banques européennes

Par Christine Lejoux  |   |  694  mots
L'Autorité bancaire européenne a dévoilé le 29 avril la méthodologie des tests de résistance auxquels elle soumettra les 124 plus grandes banques européennes. REUTERS.
Afin d’évaluer la capacité des banques à résister à des chocs économiques et financiers de grande ampleur, l’Autorité bancaire européenne fonde ses tests de résistance sur un scénario très sombre.

L'Autorité bancaire européenne (EBA, en anglais) ne veut pas être taxée une troisième fois de laxisme. Les tests de résistance auxquels elle avait soumis les banques européennes en 2010 et en 2011 ayant échoué à déceler les failles de plusieurs d'entre elles, l'EBA n'y va pas avec le dos de la cuillère, cette fois-ci. Les "stress tests" auxquels elle soumettra les 124 principales banques de l'Union européenne (UE) à partir de la fin mai, afin de tester leur capacité à résister à des chocs économiques et financiers de grande ampleur, sont basés sur un scénario des plus sombres, d'après la méthodologie publiée le mardi 29 avril.

 Comme les agences Bloomberg et Reuters l'avaient laissé entendre ces derniers jours, le scénario catastrophe de l'EBA repose sur l'hypothèse de deux années de récession économique dans l'Union européenne, avec un produit intérieur brut (PIB) en recul de 0,7% cette année, et de 1,5% en 2015. Et si le PIB est appelé à se redresser en 2016, sa croissance n'excèdera pas 0,1%, dans ce fameux scénario du pire échafaudé par l'EBA. En cumulé, ces prévisions sont inférieures de 7 points à celles formulées par la Commission européenne, pour la période 2014-2016. Et conduisent l'EBA à tabler sur un taux de chômage record de 13% dans l'UE, d'ici à 2016. Le risque déflationniste n'est pas oublié, l'EBA prenant pour hypothèse une inflation nulle d'ici à 2016, au sein de l'UE.

 Des bulles immobilières qui éclatent

 Histoire de corser encore les choses, l'EBA imagine une chute de 21%, en moyenne, du prix de l'immobilier résidentiel dans l'Union européenne, de 2013 à 2016, ce qui entraînerait des défauts sur les portefeuilles de prêts de certaines banques. A noter que les plongeons seraient proches de 30% pour le Royaume-Uni et la Suède, afin de tenir compte de la surchauffe actuelle de ces deux marchés, où les prix de l'immobilier commercial devraient également décrocher, de 27% et de 24% respectivement, d'ici à 2016.

 Ce sombre tableau ne serait pas complet sans une dégringolade de l'ordre de 22% des marchés actions européens en 2014, marchés qui remonteraient légèrement début 2015 pour mieux rechuter ensuite. Sur le front des devises, les pays d'Europe Centrale et de l'Est verront leurs monnaies perdre 15% à 25% de leur valeur, afin de tenir compte des turbulences récentes dans les pays émergents, comme la crise russo-ukrainienne. Autre événement récent intégré dans les tests de résistance : une brusque hausse des taux d'intérêt à long terme, l'EBA tablant sur un bond de 150 points de base dans l'UE en 2014, et de 110 points de base en 2015 et 2016.

 Entre six et neuf mois pour rectifier le tir

 Pour réussir ces stress tests, les banques devront afficher, dans le pire des cas, un ratio de solvabilité (fonds propres dits "durs" rapportés aux actifs pondérés des risques) de 5,5% au minimum. Les établissements de crédit sauront fin octobre s'ils ont réussi cet examen. En cas d'échec, la Banque centrale européenne - qui, dans le cadre du projet d'union bancaire, endossera en novembre le rôle de superviseur unique du secteur bancaire européen - leur laissera entre six et neuf mois pour rectifier le tir, à coups d'augmentations de capital, de cessions d'actifs ou de mise en réserve de bénéfices. La première banque allemande, Deutsche Bank, a d'ores et déjà annoncé qu'elle renforcerait ses capitaux propres à hauteur de 5 milliards d'euros d'ici à la fin 2015.

 Ces tests de résistance, couplés à la revue de la qualité des actifs (AQR, asset quality review) des banques européennes actuellement menée par la BCE, ont pour but, avec le projet d'union bancaire, de rassurer définitivement les investisseurs - et les banques elles-mêmes - sur la solidité du secteur bancaire européen, qui avait été durement ébranlé par la crise des dettes souveraines dans la zone euro, en 2011. « L'AQR et les stress tests sont positifs pour le secteur bancaire ; cette plus grande transparence encouragera les capitaux à retourner vers l'Europe », confirment les analystes de RBS, dans une note publiée le 29 avril.