Assureurs et politiques, liaisons dangereuses ?

Par Ivan Best  |   |  504  mots
Les 200.000 euros versés par Axa à la société de conseil de François Fillon reposent la question des relations entre politiques et assureurs

A priori, les assureurs n'ont plus de lien en France avec le pouvoir. Finies, les compagnies nationalisées, et donc, évidemment sous influence de l'exécutif. Les seuls échanges officiels sont ceux entre les compagnies et l'autorité de régulation du secteur, l'APCR, dont le statut garantit l'indépendance du pouvoir politique.

Mais la révélation de sommes (200.000 euros) versées par Axa à la société de conseil de François Fillon, après qu'il eut quitté Matignon entre 2012 et 2014, fait de nouveau jaser le monde de l'assurance sur le thème des relations assureurs/politiques. D'autant que le patron d'Axa, Henri de Castries, qui a décidé de cette rémunération, a fait allégeance au candidat désigné par la primaire de la droite et du centre. En cas de victoire de François Fillon, il pourrait devenir ministre des Finances, disent les proches du candidat des Républicains.  Lequel avait initialement prévu de laisser une plus grande place aux assureurs en matière de santé.

 Croire que, sans lien capitalistique avec l'État, les assureurs en sont totalement indépendants, relève d'une certaine naïveté. Des liens perdurent, comme entre banquiers et gouvernements. Ne serait-ce qu'en raison d'une même origine des dirigeants, la plupart issus de l'Ena ou de polytechnique.

Quand Chirac impose au PDG de l'UAP de passer dans le giron d'Axa

En 1994, l'UAP, troisième assureur français, est privatisée, sous l'égide de son PDG Jacques Friedmann. Ce dernier, qui a pris la tête de l'entreprise en 1993, peut penser avoir le temps devant lui pour la gérer et la développer. Manque de chance, le patron d'Axa, Claude Bébéar, décide fin 1996 de lancer une OPA sur l'UAP. "Friedmman était prêt à se battre, à empêcher cette OPA" raconte aujourd'hui un cadre d'Axa. "Mais Jacques Chirac, dont il était proche depuis longtemps, l'a convoqué, et lui a intimé l'ordre d'accepter l'opération menée par Bébéar". Celui-ci lui fait miroiter un mariage entre égaux, mais Friedmann se fera rapidement éliminer par le fondateur d'Axa.

De nombreux dirigeants passés par les cabinets ministériels

L'heure n'est plus aux grandes opérations capitalistique de ce genre. Mais nombreux sont les exemples d'une grande proximité entre assureurs et politiques. Comme le rappelle News assurance Pro, Denis Kessler, avant de devenir le patron de Scor, a travaillé avec Dominique Strauss-Kahn, devenu ministre de l'Economie en 1997, alors même que Denis Kessler dirigeait la Fédération française des sociétés d'assurance. Quant au patron de la CNP, Frédéric Lavenir, il était alors conseiller de DSK à Bercy.

PDG de Generali France, Eric Lombard a conseillé Michel Sapin lorsque ce dernier était ministre des Finances, de 1991 à 1993. Quant à André Renaudin, directeur général d'AG2R La Mondiale, il a été conseiller de Pierre Bérégovoy.

Quant à Bernard Spitz, qui préside la Fédération française de l'assurance (FFA), il a conseillé Michel Rocard à Matignon.