Le président de Commerzbank invite la Grèce à se déclarer en faillite

Par Julien Bonnet  |   |  691  mots
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Selon le patron de la deuxième banque allemande, le programme de renoncement volontaire des créanciers sur les titres de dette grecque qu'ils détiennent s'avère "néfaste pour la crédibilité des obligations des autres pays".

Alors que se tiendra dimanche à Bruxelles un sommet décisif pour l'avenir de la zone euro, le patron de Commerzbank, Martin Blessing, a appelé la Grèce à se déclarer en défaut de paiement et à restructurer sa dette.

"La Grèce a besoin d'une réduction de sa dette", a-t-il déclaré, dans un entretien publié vendredi par le quotidien allemand Bild. Mais, selon lui, "des dépréciations passées dans le bilan des banques ne suffisent pas". L'accord passé le 21 juillet entre les dirigeants politiques et le secteur privé - banques, assureurs et fonds d'investissement détenteurs d'obligations grecs - et qui prévoit une décote de 21% sur les titres arrivant à échéance avant 2020 "n'a pas résolu le problème", constate Martin Blessing.

Une participation plus importante des créanciers de la Grèce serait actuellement à l'étude à Bruxelles. Le quotidien économique grec Imerisia rapportait ce vendredi, sans citer ses sources, que les scénarios visant à sauver la Grèce tablaient sur une décote de 39 ou de 50%. Un statu quo (une décote maintenue à 21%) ou une piste plus radicale à 80% feraient également partis des différentes options.

Au regard de la détérioration de la situation en Grèce, l'accord paraît obsolète pour celui qui dirige la deuxième banque allemande. "A mon sens, cela ne marche pas de manière volontaire", a critiqué Martin Blessing, "mais seulement si la Grèce se déclare elle-même en cessation de paiement ".

"Un renoncement volontaire (des créanciers à leurs remboursement) sans déclaration de faillite serait néfaste pour la crédibilité des obligations d'autres pays", ajoute t-il. Alors que les dirigeants européens tentent d'éviter à tout prix un défaut d'Athènes, pour le banquier, cette stratégie sème le doute et favorise la contagion de la crise de la dette aux autres pays. "Il faut le dire clairement : les Etats ont le choix entre deux possibilités, soit ils paient leurs dettes comme prévu, soit il se déclare en faillite".

Cependant, le scénario d'un défaut de paiement de la Grèce entraînerait un besoin de recapitalisation des banques en Europe, reconnaît Martin Blessing. Pour y faire face, "chaque banque devrait d'abord essayer de lever elle-même du capital", avant d'avoir recours à des fonds publics. Il rejoint ainsi les propos de Christine Lagarde du début de la semaine. La présidente du FMI avait alors indiqué, à l'antenne de la radio Europe 1, qu'elle privilégiait une recapitalisation en priorité financée par l'actionnariat et la mise en réserve de liquidité.

D'après les données compilées par Reuters, une décote de 100% sur les titres grecs entraînerait un besoin en capital de 107 milliards d'euros pour 45 banques du Vieux Continent afin qu'elles disposent d'un ratio de fonds propres durs (Core Tier 1) de 7%. Jusqu'à présent, l'Institut de la finance internationale (IIF), le lobby bancaire à l'origine de l'accord du 21 juillet, s'est dit opposé à un défaut aussi radical. Son directeur général, Charles Dallara, expliquant que dans un tel scénario, les banques se mettraient à vendre massivement leurs obligations italiennes espagnoles et portugaises, ce qui ne manquerait pas d'aggraver la situation actuelle. En outre, le président de Deutsche Bank, Josef Ackermann, qui dirige également l'IIF, expliquait encore à Berlin le 13 octobre que dans un tel scénario les besoins en recapitalisation seraient tels qu'il nécessiterait l'intervention des Etats déjà fortement endettés.

Lors de la présentation de ses résultats du premier semestre en août dernier, Commerzbank avait enregistré un bénéfice net tout juste positif en raison d'une charge de dépréciation de 760 millions d'euros sur ses titres de dette grecque. L'établissement avait alors précisé qu'il appliquait la décote à l'ensemble de ses obligations grecques dont celle arrivant à échéance après 2020. Selon ses comptes du deuxième trimestre, Commerzbank possèderait actuellement 2,2 milliards d'euros de titres grecs et 8,7 milliards d'euros d'obligations italiennes, ce qui explique la crainte de son président d'une propagation de la crise de la dette à d'autres économies européennes.