La France émet sans problème plus de 9 milliards d'euros de dette

Par Sophie Rolland  |   |  747  mots
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La première adjudication de dette de la présidence Hollande est une réussite. Si les investisseurs ont encore confiance dans la signature "France", le succès de l'opération s'explique aussi par des facteurs plus techniques.

La première adjudication de dette française de la présidence Hollande a permis de lever plus de 9 milliards d'euros ce matin.

Plusieurs lignes de dette existantes ont été abondées : deux BTAN (bons du Trésor à taux fixe et intérêts annuels) à 2 et 5 ans pour 2,5 et 3,7 milliards d'euros, deux OAT (obligations assimilables du Trésor) à 3 et 4 ans pour 945 et 895 millions d'euros et trois OAT indexées sur l'inflation à 10,11 et 15 ans pour un total de 1,2 milliard d'euros.

Un test réussi pour l'Agence France Trésor

Pour l'Agence France Trésor, le test est réussi. Elle se devait de placer la dette dans de bonnes conditions, car des rumeurs avaient circulé début mai autour d'une possible attaque de la dette française après les élections. Alors que les taux espagnols à 10 ans flirtaient avec les 6,50 % (le spread ou écart de taux avec l'Allemagne a dépassé pour la première fois les 500 points de base) ce matin et que l'hypothèse d'une sortie de la Grèce de la zone euro pèse sur l'ensemble des dettes dites « périphériques », l'AFT a placé sa dette à des rendements plus bas que lors des dernières opérations comparables. Le rendement offert pour l'emprunt à 5 ans (1,72 %) a même atteint son niveau le plus bas depuis la création de la zone euro, fait remarquer l'Agence France Trésor.

Le Bund, valeur refuge

De son côté, l'Allemagne, référence sur le marché des dettes souveraines de la zone euro, a adjugé 4,1 milliards d'euros de Bund à 10 ans, avec un ratio de couverture de 1,5 (contre 1,36 en moyenne depuis le début de l'année). L'émission s'est faite à un taux historiquement bas de 1,47 %. Mardi, sur le marché secondaire, le rendement du Bund à 10 ans était tombé à 1,43 %.

L'appétit pour la dette française : des raisons fondamentales ... et d'autres plus techniques

Comment expliquer, dans un contexte de marché aussi détérioré, une telle robustesse de la demande pour la dette française ? Plusieurs raisons peuvent être avancées :

- En dépit de la situation de leurs finances publiques, la France, les Pays-Bas et la Belgique ne sont pas considérés comme des pays à risque par les investisseurs. Ils peuvent donc continuer à offrir des primes de risque faibles, même si la discrimination avec les emprunts d'Etat allemands est de plus en plus marquée. Depuis les élections grecques, le taux français à 10 ans n'a grimpé que de 7 points de base (de 2,83 % à 2,90 %), alors que le taux espagnol a « gagné » plus de 55 points de base et que celui du Bund allemand (considéré comme la valeur refuge par excellence) s'est détendu d'une dizaine de points de base.

- Le président nouvellement élu, François Hollande, a affiché sa volonté de ramener les comptes publics à l'équilibre en 2017.

- L'hypothèse d'un éclatement de la zone euro est de plus en plus prise en compte par les opérateurs de marché. « Des investisseurs comme les compagnies d'assurance françaises qui achètent des obligations à dix ans ou plus pour les garder jusqu'à échéance ont tout intérêt à limiter la diversification géographique à l'intérieur de la zone euro : en cas de retour au franc, ils seront moins pénalisés avec de la dette française qu'avec de la dette allemande », remarque Christian Parisot, économiste chez Aurel BGC.

- Enfin, techniquement, les adjudications de l'AFT sont organisées de façon à garantir un certain niveau de demande. Les vingt banques spécialistes en valeurs du Trésor agissent comme des grossistes de la dette. Après avoir renseigné l'AFT sur l'appétit des investisseurs pour telle ou telle ligne de dette la semaine précédant l'opération, elles participent aux adjudications, puis placent les valeurs du Trésor auprès des investisseurs. Elles sont incitées à participer « activement » pour conserver leur label de « SVT ». Celui-ci est précieux car la visibilité et la crédibilité qu'il leur donne leur permet ensuite de décrocher de lucratifs mandats. De plus, l'AFT met les banques en concurrence. Chaque année, elle publie un palmarès des SVT les plus actifs. « L'évaluation de l'activité des SVT prend en compte l'ensemble de leurs missions : la participation aux adjudications, la présence sur le marché secondaire, les aspects qualitatifs de la relation la qualité opérationnelle, la qualité du conseil, la proximité et la stabilité de la relation avec l'AFT », précise l'agence sur son site.