Procès Kerviel : L’enregistrement « inquiétant » pour la Société générale a bien été diffusé

Par Christine Lejoux  |   |  612  mots
L'enregistrement d'un quart d'heure a été produit par Me David Koubbi, l'avocat de l'ancien trader de la Société générale
Le deuxième jour du procès au civil de Jérôme Kerviel face à la Société générale s’est ouvert jeudi 16 juin. Les débats ont tourné autour d'un enregistrement contesté entre une magistrate et une commandante de police.

« Un café allongé, un thé vert nature. » L'enregistrement d'une conversation privée entre une commandante de police et une magistrate qui ont eu à connaître de l'affaire Kerviel, enregistrement effectué à l'insu de la seconde, lorsque les deux femmes prenaient un café l'an dernier, près des Grands Boulevards à Paris, a bel et bien été diffusé au cours du deuxième jour d'audience du procès Kerviel devant la cour d'appel de Versailles.

Cet enregistrement d'un quart d'heure a été produit par Me David Koubbi, l'avocat de l'ancien trader de la Société générale, au motif qu'il met en lumière des dysfonctionnements de la justice dans l'instruction de l'affaire Kerviel. « La Société générale savait, savait [les prises de positions colossales non autorisées de Jérôme Kerviel sur les marchés ; ndlr]. C'est évident, évident », confie notamment l'ancienne magistrate Chantal de Leiris à l'ex-commandante de police Nathalie Le Roy.

L'enregistrement contesté...mais validé

Toujours selon Chantal de Leiris, les avocats de la Société générale auraient instrumentalisé la justice : « Ils (les magistrats) étaient complètement sous la coupe des avocats de la Générale, vous le gardez pour vous, c'était inimaginable. (...) Ce que l'on dit, c'est que c'est pas Aldebert qui a rédigé l'ordonnance de renvoi, c'est un des avocats [de la Société générale ; ndlr] qui lui a communiqué. » Mais, juste après la diffusion de cet enregistrement, Me Olivier Baratelli, mandaté par Chantal de Leiris, a indiqué que cette dernière contestait la légalité de cet enregistrement clandestin, et que celui-ci ne pouvait donc être versé au dossier, sous peine de constituer un délit d'audience. Un argument que la cour d'appel de Versailles a rejeté.

S'en est suivie l'audition d'un témoin, Jean-François Lepetit, ancien président du CMF et de la COB, dont la fusion a donné naissance à l'AMF (Autorité des marchés financiers). Interrogé sur la qualité des mécanismes de contrôle de la Société générale entre 2005 et 2008, à l'époque des faits, il répond qu'il n'en a aucune idée mais qu'il « n'y a pas de raison que ceux-ci n'aient pas été à la hauteur du professionnalisme de la banque ».

« Ce qui est invraisemblable, c'est la taille des positions prises par une seule personne »

Lorsque l'avocat général Jean-Marie d'Huy lui demande comment Jérôme Kerviel a pu s'exposer sur les marchés à hauteur de 50 milliards d'euros sans que la Société générale s'en aperçoive, Jean-François Lepetit invoque « la manipulation comptable », « l'imagination extraordinaire de certains opérateurs de marché pour cacher des positions non autorisées. » Tout en reconnaissant que « ce qui est invraisemblable, c'est la taille (50 milliards d'euros) des positions prises par une seule personne, ça ne colle pas. »

Tout l'enjeu des trois jours d'audience à la cour d'appel de Versailles, jusqu'à vendredi, est précisément de savoir si la Société générale a elle aussi commis des fautes ayant concouru à sa perte de 4,9 milliards d'euros en 2008, et si ces fautes l'empêchent de prétendre à une réparation intégrale de ce préjudice.

Une réparation intégrale à laquelle Jérôme Kerviel avait été condamné, en première instance puis en appel, à plus de cinq ans de prison dont trois ferme, mais qui avait été cassée par la Cour de cassation en 2014, la plus haute juridiction française ayant estimé que la banque avait failli dans ses mécanismes de contrôle, et ayant renvoyé le jugement sur ce volet civil de l'affaire devant la cour d'appel de Versailles.

Christine Lejoux, à la cour d'appel de Versailles.