Banques : les dépôts records à la BCE inaugurent une nouvelle "ère du soupçon"

Par Isabelle Croizard  |   |  478  mots
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Le soupçon mais aussi l'étroitesse du marché et l'abondance de liquidités expliquent ce deuxième record consécutif, à 452 milliards d'euros.

Le montant des liquidités au jour le jour déposées par les banques auprès de la Banque centrale européenne a battu un deuxième record d'affilée pour s'élever à 452 milliards d'euros, selon les chiffres publiés mercredi par la BCE. La veille, un record de dépôts avait déjà été pulvérisé, les dépôts au jour le jour atteignant 411,81 milliards d'euros, effaçant le précédent pic de 384,3 milliards d'euros du 11 juin 2010 au plus fort de la première phase de la crise grecque.

 

Le système bancaire est bel et bien à nouveau entré dans l'ère du soupçon. Et comme les banques, qui ne veulent pas prendre le risque de se prêter entre elles, disposent en ce moment d'une pléthore de liquidités, elles en déposent plus à la BCE, malgré la faible rémunération de 0,25% offerte par sa facilité de dépôts au jour le jour. Le 21 décembre, la banque centrale de Francfort avait procédé à une opération inédite de refinancement des banques en quantités illimitées: la demande s'était élevée à un autre record de 489 milliards d'euros de prêts à trois ans à 1%, le niveau de son principal taux directeurs abaissé à l'issue de son dernier conseil des gouverneurs, le 7 décembre.

Mais il ne faudrait pas surinterprêter le gel d'un montant record des avoirs des banques auprès de la BCE. L'étroitesse des transactions en cette dernière ligne droite de l'année rendait très improbable «une ruée des banques vers la dette bancaire ou publique au lendemain de cette opération» résume Cyril Regnat, stratège taux chez Natixis.

Après le succès sans précédent de cette opération de prêts à trois ans, les spécialistes s'étaient interrogés sur l'usage que feraient les banques de cette manne providentielle, émettant trois hypothèses. Préféreraient-elles placer leurs excédents à 0,25% à la BCE les conservant, en sécurité, pour rembourser leurs propres échéances, acheter des emprunts d'Etat, ou recommencer à se prêter entre elles. Ils avaient même décrété que les adjudications d'obligations et de bons du Trésor italiens de mercredi et jeudi, les dernières de l'année en zone euro, auraient valeur de test, en donnant des indications sur leur appétit pour la dette souveraine des pays de la zone euro en difficulté. Or, c'est une lueur d'espoir que la première partie de l'adjudication a suscitée: Rome a pu emprunter 9 milliards d'euros à six mois à des taux inférieurs de moitié à ceux qu'elle avait du payer pour une opération de même maturité fin novembre. Mais c'est ce jeudi qu'aura lieu le test en vrai grandeur, avec le refinancement de la dette cisalpine à moyen et long terme.