Les bonus des traders français pourraient chuter de près de 50%

Par Christine Lejoux  |   |  538  mots
Infographie La Tribune
Une étudé réalisée par le cabinet Sia Conseil et publiée en exclusivité par La Tribune estime entre 25% et 47% la chute de la rémunération variable des traders des banques françaises, au titre de 2011.

François Fillon sera exaucé. Le 3 novembre, le Premier ministre avait exigé des banques françaises une « baisse significative » des bonus (rémunérations variables) versés au titre de 2011, compte tenu de l'obligation qui est leur est faite par l'Autorité bancaire européenne (EBA) de se recapitaliser d'ici au 30 juin. Significative, la baisse le sera : elle pourrait aller jusqu'à 47 %, selon une étude de Sia Conseil, diffusée en exclusivité par La Tribune. Le cabinet a examiné plusieurs scénarii, avec, comme hypothèses de base, une enveloppe de bonus moyenne (par banque) de 240 millions d'euros au titre de 2010, dont 45 % versés en actions, et 60 % versés sur trois ans, conformément à la directive européenne CRD III relative à l'encadrement des bonus, transposée dans le droit français le 1er janvier 2011.

À ces hypothèses de départ, Sia Conseil ajoute le plongeon des cours de Bourse des banques françaises depuis la fin 2010 (- 40 % en moyenne), la chute de leurs résultats en 2011 (- 15 % sur les neuf premiers mois), la diminution des plus petits bonus mais le maintien des plus élevés, et, enfin, la réduction de voilure dans certaines activités, comme le financement d'avions. Pour chacun de ces quatre scénarii (le dernier cumulant toutes ces hypothèses), le cabinet aboutit à des baisses respectives de 3,6 %, 15 %, 40 % et 47 % des bonus. « Le scénario le plus probable, selon nous, est celui d'une baisse de 25 % à 47 % », estiment Anatole de La Brosse et Aurélien Borde, directeur et « senior manager » au sein de la division services financiers de Sia Conseil.

Pas à plaindre

Ces baisses sont d'autant plus importantes que les bonus représentent l'essentiel de la rémunération des traders (voir infographie). Elles s'inscrivent dans le sillage de celles déjà publiées aux États-Unis, en particulier par Goldman Sachs, qui a réduit de moitié l'enveloppe globale des bonus, au titre de 2011. Comme leurs confrères américains, les traders français paient le prix d'une année exécrable pour les activités de marchés, plombées par la crise de la dette dans la zone euro et la menace de récession économique. Les banques françaises, de plus, doivent trouver 7,3 milliards d'euros de fonds propres d'ici à la fin juin. Cet effort, exigé par l'EBA pour enrayer la contagion de la crise des dettes souveraines, impose donc aux banques de lever le pied sur les bonus.

Les traders ne sont tout de même pas à plaindre. Surtout qu'une partie de leur bonus étant désormais versée en actions et sur une période de trois ans, ils pourraient réaliser une plus-value importante sur la portion « non cash » de leur rémunération variable versée au titre de 2012, en cas d'amélioration de l'environnement boursier en 2014 et en 2015. De plus, « pour les banques décidées à rester fortes dans les métiers de la banque de financement et d'investissement, la rémunération des traders reste essentielle. Pour garder les bons éléments afin de demeurer performantes, elles devront leur fournir des rémunérations élevées, dans un environnement très concurrentiel », souligne Sia Conseil. Car les banques asiatiques, elles, ne s'embarrassent pas d'encadrement des bonus. Et les « hedge funds » encore moins.