Les autorités américaines poursuivent la petite agence de notation Egan-Jones

Par Jérôme Marin, à New York  |   |  515  mots
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La Securities & Exchange Commission a lancé des poursuites contre l'agence Egan-Jones. Elle lui reproche des irrégularités dans le dossier déposé en 2008 afin de pouvoir noter des titres de l'Etat et des titres adossés à des actifs.

L'agence Egan-Jones va bien faire l'objet de poursuites officielles de la Securities & Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain, également chargé de la supervision des agences de notation. Son patron, Sean Egan, est également dans le viseur des autorités. Elles leur reprochent "des irrégularités et des oublis dans le dossier déposé en juillet 2008" afin de pouvoir noter des titres d'Etats et des titres adossés à des actifs ("asset-backed security" ou ABS), explique ce mardi la SEC dans un communiqué, qui ne précise pas les potentielles sanctions.

L'agence de notation n'avait notamment pas fourni des informations exactes sur son expérience en matière de notation, indiquant avoir déjà émis des notes sur des ABS et sur des emprunts d'Etat depuis 1995. "En fait, au moment de sa demande d'enregistrement, EJR n'avait pas émis de telles notes", indique la SEC. L'agence n'a pas appliqué les mesures nécessaires pour éviter les conflits d'intérêts, "laissant deux analystes participer à la détermination de la note d'un actif qu'ils détenaient". D'autres irrégularités sont reprochées à Egan-Jones, aussi bien dans sa demande de 2008 que dans les rapports annuels communiqués depuis aux autorités.

"Egan-Jones pense que l'action de la SEC est inexplicable si ce n'est comme une volonté de nous faire taire et de maintenir le statu quo du monopole des agences payées par les émetteurs", avait dénoncé jeudi dernier l'agence Egan-Jones. "Nous ne laisserons personne nous intimider", a renchéri le patron de l'agence, Sean Egan, dans le "Wall Street Journal". "Nous nous défendrons vigoureusement contre ses accusations", a-t-il ajouté, promettant de continuer à délivrer "des notes exactes", dénués de tout conflit d'intérêts.

Contrairement aux trois grandes agences de notation (Standard & Poor's, Moody's et Fitch), Egan-Jones fonctionne en effet grâce à un système d'abonnement. Elle n'est donc pas rémunérée par les émetteurs des titres qu'elle note. Un système qui revient, selon l'agence, à demander à un restaurant de payer un critique gastronomique pour l'évaluer.

Dégradation des Etats-Unis

Lancée en 1992, Egan-Jones est l'une des neuf sociétés habilitées par la SEC comme agence de notation. Soucieuse de conquérir des parts de marché, elle a souvent pris les trois grandes agences de vitesse lorsqu'il s'est agi de déclasser certaines dettes souveraines, notamment celles des Etats-Unis. Début avril, elle a d'ailleurs à nouveau dégradé la note américaine, la ramenant d'AA+ à AA. Egan-Jones avait retiré le triple A aux Etats-Unis en juillet 2011, quelques semaines avant Standard & Poor's.

L'agence de notation s'est également distinguée en dégradant certaines entreprises dans le contexte de la crise financière. Fin novembre, quelques jours après la faillite du courtier MF Global, Egan-Jones avait notamment abaissé la note de Jeffries, estimant que son exposition à la dette européenne pourrait également le mettre en difficultés. Cette annonce avait provoqué une chute de l'action du courtier à Wall Street. Le PDG de Jeffries avait alors assuré que le rapport d'Egan-Jones contenait de nombreuses approximations.