Les marchés se braquent contre les banques françaises

Par Christine Lejoux  |   |  751  mots
Société Générale devrait publier le 3 mai une chute de 38% de son bénéfice avant impôts, au titre du premier trimestre 2012, selon le consensus Thomson Reuters Ibes. Copyright Reuters
Les banques françaises, qui commencent à publier leurs résultats trimestriels la semaine prochaine, ont vu leurs cours de Bourse s'effondrer de 20% environ, au cours des quatre dernières semaines.

Semaine sous haute tension en vue pour les banques françaises. Jeudi, Société Générale donnera le coup d'envoi de la « saison des trimestriels », dans le secteur, avec la publication de ses résultats du premier trimestre, et BNP Paribas lui emboîtera le pas dès le lendemain. Cette cuvée ne s'annonce pas fameuse, dans le sillage de résultats 2011 si décevants que les rémunérations globales des patrons des banques françaises ont plongé de 18% en moyenne, selon Les Echos de vendredi. La Générale devrait faire état jeudi d'une chute de 38% de son bénéfice avant impôts, à 1,1 milliard d'euros, et celui de BNP Paribas n'excèdera sans doute pas les 3,7 milliards, soit un affaissement de 10,3%, selon le consensus d'estimations élaboré par Thomson Reuters Ibes. La faute, une fois encore, aux divisions de banque d'investissement, toujours plombées par la volatilité des marchés financiers.

Les cours des banques françaises ont dévissé de 20% environ en un mois

Ce passage obligé qu'est le « bal des trimestriels » risque de s'apparenter à un véritable pensum, cette année, car les banques françaises devront s'efforcer de rassurer des investisseurs qui leur battent froid. Au cours des quatre dernières semaines, le cours de Bourse de BNP Paribas s'est effondré de 17%, celui de Société Générale a décroché de 24%, et les titres Natixis et Crédit Agricole ont respectivement plongé de 23% et de 21%, l'action de la banque verte touchant même un plus bas historique le 23 avril, à 3,57 euros en clôture. Des chutes d'autant plus spectaculaires que le repli de l'indice CAC 40 n'a pas excédé 6,6%, dans le même intervalle.

Hausse de la prime de risque

Conséquence, les quatre principales banques françaises se paient entre 0,2 et 0,5 fois seulement leur actif net, en Bourse, alors que le CAC 40 affiche un multiple de 1,07, selon les données de Bloomberg. Autre illustration de la défiance des investisseurs à l'égard des banques françaises, leur prime de risque a augmenté. Vendredi, le CDS (credit default swap) de BNP Paribas a atteint 252 points de base, soit une hausse de 62 points en un mois, identique à celle du CDS de Société Générale (à 323 points de base vendredi), et celui de Crédit Agricole s'élevait à 307 points de base (+72 points).

La « décote Hollande »

Pourquoi, après le rebond du début d'année, les marchés se défont-ils à nouveau des valeurs bancaires comme si elles leur brûlaient les doigts? D'abord, il y a la fameuse « décote Hollande. » Plus les chances du candidat socialiste de remporter l'élection présidentielle augmentent, plus les investisseurs voient se matérialiser le risque d'une séparation de la banque d'investissement de la banque de détail, d'un renforcement de l'encadrement des bonus et d'un doublement du plafond du Livret A. Des mesures susceptibles de provoquer une chute de 10% en moyenne des résultats des banques, selon les analystes de Credit Suisse.

Possible abaissement des notes de solvabilité

Ensuite, la perspective d'une nouvelle dégradation de la note de solvabilité de la France a resurgi, sous la forme d'une rumeur de marché, le 19 avril. D'accord, S&P a déjà privé l'Hexagone de son triple A, en janvier, et Fitch n'entend pas agir avant 2013. Mais l'agence de notation Moody's, elle, a la note de crédit de la France dans sa ligne de mire. Or qui dit dégradation de la note de solvabilité du pays dit dégradation de celles de ses banques. Moody's avait d'ailleurs prévenu en février d'un possible abaissement des notes de 17 grandes banques internationales, dont BNP Paribas et Crédit Agricole.

Quid des cessions d'actifs ?

Enfin, les marchés s'inquiètent de l'avancée des programmes de réduction de leurs bilans entamés par les banques en septembre, afin de porter dès juin leur ratio de fonds propres durs à 9% au moins, comme le commande l'Autorité bancaire européenne. De fait, les cessions d'actifs prévues par les banques dans le cadre de ces plans de restructuration semblent traîner en longueur, exception faite de la vente de 28% de la foncière Klépierre par BNP Paribas, pour 1,5 milliard d'euros. Il faut dire que l'environnement ne s'y prête pas : l'an dernier, les fusions et acquisitions dans le secteur européen des services financiers ont dégringolé de 25%, à 37,9 milliards d'euros, selon le cabinet PricewaterhouseCoopers, pour qui ce marché devrait demeurer « assez imprévisible », en 2012.