Frédéric Oudéa : "C'est difficile d'être banquier aujourd'hui"

Par Laura Fort  |   |  962  mots
Photo Reuters
L'assemblée générale des actionnaires de la Société Générale s'est tenue ce lundi 22 mai à la Défense. Frédéric Oudéa, PDG de la banque, a livré ses analyses de la crise de la zone euro et rappelé les transformations rapides auxquelles le secteur bancaire est confronté.

"L?an dernier à la même date, j?avais exprimé des doutes concernant la pérennité du rebond observé en 2010 et début 2011", a déclaré Frédéric Oudéa, PDG de Société Générale, en ouverture de l?assemblée générale des actionnaires qui s?est tenue le 22 mai à la Défense. Avant d?ajouter : "Nous traversons une crise aiguë, avec des craintes parfois extrêmes concernant la zone euro. Il n?y a pas de réponse aisée, et la situation de crise actuelle peut durer. Et le calendrier européen, marqué par de nombreuses élections, ajoute à l?incertitude".
Après les assemblées générales de Citigroup, de Barclays ou encore d?Aviva, centrées sur les rémunérations des dirigeants, et celle de Crédit Agricole ce lundi matin, houleuse et gangrenée par la situation en Grèce, celle de Société Générale s?est ouverte dans un climat "normal".

Sortie de la Grèce de la zone euro : un choc "absorbable"

Attentifs, les actionnaires ont laissé Frédéric Oudéa dérouler ses analyses de la crise dans la zone euro et des transformations que connaît la banque sans l?interrompre une seule fois. S?agissant d?une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro, il considère que "ce sujet, désagréable, serait gérable". Le patron de la banque a détaillé ses différentes expositions au pays : sa filiale Geniki est exposée à hauteur de 300 millions d?euros en capital et en dette hybride, et à hauteur d?environ 250 millions d?euros en termes de lignes de liquidités. La banque dispose également d?une exposition d?environ 100 millions d?euros à la dette souveraine grecque, essentiellement portée par Geniki. "Un scénario de sortie de la Grèce de la zone euro n?est pas de nature à déstabiliser la banque. Elle est tout à fait capable d?absorber un choc comme celui-ci", a-t-il ajouté.

Cap sur la transformation

Dans un contexte politique et économique défavorable, Société Générale connaît de nombreuses mutations de ses activités. Devant les actionnaires, Frédéric Oudéa en a rappelé l?étendue et la nécessité. D?ici à 2013, la banque au logo rouge et noir cèdera un certain nombre d?activités et poursuivra la restructuration de sa banque de financement et d?investissement (BFI), tout en suivant une politique de maîtrise des coûts, ce, pour se conformer aux exigences réglementaires de Bâle 3.
"Si j?avais un v?u à faire, je ferais en sorte que la banque soit aussi rentable que la moyenne des entreprises industrielles", a affirmé le patron de la banque. Il ajoutera plus tard : "C?est difficile d?être banquier aujourd?hui. Le monde a profondément changé. Mais je suis fier d?être banquier".

Multiplication des messages en faveur de la banque universelle

Anticipant le projet de réforme de François Hollande sur la séparation des activités de détail et de marché, Frédéric Oudéa a multiplié les messages sur la nécessité de préserver le modèle de "banque universelle diversifiée" et lancé : "j?espère que la réflexion du nouveau gouvernement sera européenne et internationale".
Jean-François Sammarcelli, directeur général délégué et responsable de la banque de détail, a doublé le message et joué sur la corde sensible du financement aux PME : "le modèle de banque universelle diversifiée est plébiscité par nos PME : elles aiment avoir un maillage du territoire serré, un coût de financement intéressant et des produits sophistiqués, qui sont eux proposés par notre BFI".

Des rémunérations fixes inchangées, des variables en baisse

Alors que les polémiques entourent actuellement les rémunérations des dirigeants, celles des mandataires sociaux de Société Générale ont fait l?objet d?une présentation détaillée. Les rémunérations fixes versées en 2011 de Frédéric Oudéa (1 million d?euros), et des directeurs généraux délégués Séverin Cabannes (650 000 euros), Jean-François Sammarcelli (650 000 euros) et Bernardo Sanchez Incera (700 000 euros) sont restées inchangées par rapport à 2010.
Quant à leurs rémunérations variables, comprises entre 310 144 euros et 487 937 euros, elles sont toutes en baisse : -43% pour Frédéric Oudéa, -53% pour Séverin Cabannes, -28% pour Jean-François Sammarcelli et -41% pour Bernardo Sanchez Incera.
Ce sujet aura été le seul à faire frémir la salle.
Deux nouveaux administrateurs ont également été adoubés lors de l?assemblée générale : Yann Delabrière, PDG de Faurecia, en tant qu?administrateur indépendant, et Thierry Martel, DG de Groupama, suite à la démission de Jean Azéma.

La gouvernance en débat

Par ailleurs, non agréée par le conseil d?administration, une résolution a été déposée par la société de gestion Phitrust pour proposer l?instauration d?une gouvernance duale, à conseil de surveillance et directoire. Au micro, son président a précisé sa demande : "le contrôleur, président, ne peut pas être le même que le contrôlé, directeur général. Une séparation du contrôle évite à notre avis les conflits d?intérêt potentiels". Et Anthony Wyand de lui répondre : "En tant que vice-président du conseil d?administration, je suis vraiment le contrôleur du président ! Il nous semble qu?en période de crise, changer la structure de gouvernance est inopportun". Soumise au vote des actionnaires, cette résolution a été rejetée à 75,10%.