Le Royaume-Uni règne sans partage sur la finance "altruiste"

Par Christine Lejoux  |   |  775  mots
La carte bancaire de partage du Crédit agricole a généré un million d'euros de dons environ, en 2011. Copyright Reuters
En Europe, sur les 85 millions d'euros de dons générés en 2010 par des produits financiers dits de partage, les deux tiers viennent d'outre-Manche.

Vous avez dit finance altruiste ? Oui, à côté de la « finance sans visage » vilipendée par François Hollande, une finance dite de partage existe. Ou, du moins, tente d?exister. Mais de quoi parle-t-on au juste ? De produits financiers ? fonds communs de placement (FCP), comptes d?épargne, cartes bancaires - qui permettent à leurs souscripteurs de faire des dons à des associations, humanitaires, sociales ou bien encore environnementales, comme WWF, l?Unicef et bien d?autres. Apparus à la fin des années 1970, ces produits sont aujourd?hui au nombre de 430 en Europe. Et la France se taille la part du lion, puisqu?elle en compte 126, devançant ainsi le Royaume-Uni (96) et l?Espagne (56). En revanche, au chapitre des dons, c?est le royaume de sa, en l'espèce bien nommée, Gracieuse Majesté qui l?emporte. Et haut la main, avec près de 57 millions d?euros, soit les deux tiers environ des 85 millions d?euros de dons versés par la finance altruiste européenne en 2010, selon une étude présentée ce mardi par la société de conseil Axylia.

TCI, un fonds spéculatif altruiste

Si la finance de partage britannique remporte la palme de la générosité, c?est grâce à son énorme fonds spéculatif altruiste (oui, vous lisez bien), The Children?s Investment fund (TCI). Créé en 2004 par le gérant de fonds britannique Christopher Hohn, au profit d?une association pour les enfants fondée par sa femme, TCI pèse plus de 5 milliards d?euros en termes d?encours gérés, et a permis de verser près de 52 millions d?euros de dons, en 2010 ! Un poids qui fausse quelque peu la donne, puisqu?il porte à 68 millions d?euros les dons effectués en 2010 via des FCP altruistes, soit 80% du total versé par la finance de partage européenne.

La carte du Crédit agricole a généré un million d?euros de dons en 2011

Mais, en réalité, c?est le segment des cartes bancaires - le plus jeune - qui est le plus dynamique. En particulier au Royaume-Uni, où, exception faite du fonds TCI, la quasi-totalité des dons provient des cartes bancaires dites de partage. Nées à la fin des années 1980, celles-ci pèsent déjà près de 13% des 85 millions d?euros de dons versés par la finance altruiste européenne en 2010, contre quelque 6% pour les livrets et comptes d?épargne. Comment ces cartes fonctionnent-elles ? Soit un pourcentage (de l?ordre de 0,25%) des achats réglés avec la carte est distribué aux associations partenaires de la banque, soit ces dernières bénéficient d?un versement forfaitaire de 1 à 5 centimes à chaque fois que le détenteur de la carte effectue un retrait ou un paiement.

En France, le pionnier a été le Crédit coopératif, en 2002, avec le lancement de sa carte Agir. Mais le marché des cartes de partage n?a réellement décollé qu?en 2007, dans l?Hexagone, grâce à l?autorisation donnée aux banques de « cobrander » leurs cartes avec leur propre marque et celle d?une association. Fin 2007, une carte de partage a ainsi vu le jour au sein de la Caisse régionale Pyrénées Gascogne, et le Crédit agricole l?a depuis étendue à 33 autres caisses régionales. Résultat, un million de sociétaires [clients détenteurs de parts de la banque ; Ndlr] du Crédit agricole ? sur un total de 6,5 millions - détiennent cette carte de partage, et ont ainsi généré un million d?euros de dons environ, l?an dernier. Une somme versée à des fonds d?initiative locale, qui financent les projets de jeunes entrepreneurs.

L?assurance-vie, bonne dernière malgré un potentiel considérable

A l?autre extrémité du spectre des produits financiers altruistes, l?assurance-vie fait figure de lanterne rouge, avec 150.000 euros de dons seulement effectués en 2010, en Europe. « Le manque de succès est sans doute lié au mécanisme de partage choisi : une rétrocession basée sur les droits d?entrée », analyse Axylia. En effet, concurrence des assureurs sur Internet oblige, les droits d?entrée acquittés par les souscripteurs de contrats d?assurance-vie sont souvent réduits à peau de chagrin. Et, contrairement aux gestionnaires de fonds de placement altruistes, qui reversent une partie de leurs frais de gestion aux associations, les spécialistes de l?assurance-vie « ne semblent pas près d?accepter des abandons de marge », constate Axylia. Dommage car, avec 6.200 milliards d?euros d?encours en Europe, l?assurance-vie représente un gisement potentiel considérable pour la finance de partage.