Les Français préfèrent l'argent au temps libre

Par Christine Lejoux  |   |  626  mots
S'ils pouvaient gagner plus, un tiers des Français affecteraient ce surplus de revenus à l'épargne. Copyright Reuters
61% des Français préfèrent disposer de plus d'argent que de davantage de temps libre, selon un sondage réalisé par TNS Sofres pour ING Direct. La crise a débouché sur une revalorisation de l'argent aux yeux de nos compatriotes.

Nicolas Sarkozy n'est plus président de la République, mais sa fameuse formule « travailler plus pour gagner plus » demeure d'actualité. Près des deux tiers des Français (61% exactement) préfèrent en effet disposer de davantage d'argent que de plus de temps libre, selon un sondage réalisé par TNS Sofres pour la banque en ligne ING Direct, et publié ce mardi. "L'argent a aujourd'hui un rôle central, moteur, dans la vie des Français, il est valorisé", insiste Nathalie Léauté, directrice du département Finance de TNS Sofres. La France en aurait-elle fini avec le tabou de l'argent ? Celui-ci ne serait-il plus synonyme de vulgarité mais de réussite, comme dans les pays anglo-saxons ? Pas si vite ! Un peu plus de la moitié de nos compatriotes jugent encore qu'il n'est pas de bon ton de parler d'argent. Et, pour 55% des hommes et 67% des femmes, l'argent apporte avant tout de la sécurité, loin devant le plaisir (33% et 43%).

La peur d'une "américanisation" de la France

Si les Français font aujourd'hui la part belle à l'argent dans leurs priorités, ce n'est donc pas pour « flamber » mais bien pour assurer leurs arrières, dans le contexte actuel de crise économique et financière. La preuve, s'il leur était possible de gagner 20% de plus, un bon tiers des Français affecteraient ces revenus supplémentaires à leur épargne, pourtant déjà très élevée avec un taux de 16,8% en 2011, et non à une amélioration de leur train de vie.

"Compte tenu de la crise des finances publiques, les Français redoutent une "américanisation" du pays, avec une protection par l'Etat qui risque de s'amenuiser et donc de rendre plus difficile leur accès aux prestations de santé, par exemple", explique Jeanne Lazarus, chargée de recherche au CNRS. A quoi s'ajoute la peur du chômage, les plans sociaux se multipliant, avec, à la clé, le risque de peiner à financer les études des enfants et, plus globalement, de voir son pouvoir d'achat diminuer.

Les Français ne voient pas la banque comme un partenaire

Plus fourmis que jamais, les Français ne s'aventurent guère hors des sentiers battus pour faire fructifier leur bas de laine. « Ils privilégient des solutions d'épargne classique », comme le Livret A, indique Nathalie Léauté. Les produits très rentables mais risqués, très peu pour eux. Ils sont d'ailleurs un peu plus de 80% à faire le vœu de produits bancaires plus sûrs et plus simples. Une revendication qui a pour toile de fond le désamour des Français vis-à-vis des banques. "La rupture a été très forte lors de la crise financière de 2008, une partie de l'opinion publique remettant en cause l'expertise des banquiers", souligne Nathalie Léauté.

Même les banques mutualistes n'échappent plus à l'aversion des Français pour le secteur bancaire. Il faut dire qu'elles "sont très puissantes, qu'elles ont fait beaucoup d'acquisitions et ont investi sur les marchés, comme les autres banques", décrypte Jeanne Lazarus. Conséquence, un Français sur cinq seulement voit aujourd'hui dans la banque "un partenaire" ou "une solution."

Restreindre l'offre de produits bancaires

"Il y a toute une relation de confiance à rebâtir, pour les banques. Le métier de banquier doit retrouver une certaine humilité", admet Benoît Legrand, directeur général d'ING Direct France. Pour qui, de toute façon, la maturité du marché bancaire français est telle qu'il paraît difficile de concevoir des produits encore plus sophistiqués que ceux qui existent déjà. "L'innovation véritable résiderait dans le fait d'avoir moins de produits", estime Benoît Legrand. La simplification de l'offre bancaire, les clients ne demandent que ça.