Qui a dit que la titrisation avait disparu ?

Par Mathias Thépot  |   |  504  mots
Le Crédit Foncier compte titriser 2 milliards d'euros de prêts dès l'année prochaine (Crédits : <small>DR</small>)
Le Crédit Foncier remet la titrisation au goût du jour. Ce spécialiste du crédit immobilier compte tirer environ 20% de ses ressources annuelles de la titrisation à partir de 2013. Un mode de financement que le directeur général du Crédit Foncier, Bruno Deletré, voit même se développer dans l'hexagone.

Aux oubliettes en France, la technique de la titrisation qui a causé tant de soucis à la planète finance et à l'économie mondiale est remise au goût du jour, faute de mieux, pour accompagner la mutation des modèles économiques bancaires. Entre réduction de bilan et contraintes de liquidités, les banques sont prises en tenaille ; la titrisation pourrait du coup refaire surface pour leur faciliter la tâche.

De nouvelles contraintes

"La crise financière et les nouvelles réglementations de Bâle 3 font peser sur les banques des contraintes nouvelles", indique Bruno Deletré, directeur général du Crédit Foncier. Désormais, "l'accès à la liquidité est une vraie question pour toutes les banques", et bien sûr "aussi pour le Crédit Foncier, qui se refinance très largement sur les marchés". Le tout est "d'avoir un recours aux marchés qui soit raisonnable dans le temps pour ne pas en être trop dépendant" ajoute-t-il. La titrisation retombe donc à pic. Celle-ci permet à une banque de transférer un ou plusieurs prêts dans le bilan d'autres investisseurs, qui en échange, achètent des titres de la banque, l'abreuvant ainsi en liquidités.
Dans ce cadre, le Crédit Foncier a titrisé un milliard d'euros de prêts en 2012, qui sont logés dans le bilan de la Banque Postale. Et il compte titriser pour 2 milliards d'euros de prêts l'année prochaine, soit 20% de ses ressources annuelles sur les marchés.

Un ratios de liquidité de long terme contraignant

Le comité de Bâle s'est également intéressé aux problèmes de liquidités des banques et a instauré un ratio de liquidités de long terme (NSFR), lui aussi contraignant, puisqu'il demande plus de ressources de long terme pour un même niveau d'engagements. Comme le ratio de levier, il contraint donc les banques à limiter leurs engagements de long terme. Le refinancement de ces actifs hors bilan, par exemple par le biais de la titrisation -de prêts immobiliers notamment-, peut alors constituer une solution. Il suscite l'intérêt des investisseurs "attirés par des actifs de long terme qui leur apportent des rendements de bon niveau", estime Bruno Delétré. Ce, alors que ces investisseurs sont aujourd'hui "confrontés à une baisse des rendements des actifs dits sans risque", ajoute le directeur général du Crédit Foncier.

Les dérives du passé

Mais si la titrisation revient en masse, ne risque-t-on pas de voir alors réapparaître les dérives du passé ? Selon Bruno Deletré, ce n'est pas la technique qui est perverse mais les déviances dont elle a fait l'objet aux Etats-Unis, provoquant la crise des subprimes. "Cette technique n'a rien de scandaleux si elle est bien faite", estime-t-il. D'autant que depuis 2008, " les régulateurs ont fort sagement imposé à une banque qui titrise des prêts qu'elle a originés, de conserver une part du risque à son bilan". Ceci est à son sens "la meilleure garantie que l'investisseur peut obtenir".