Qui veut la peau du crédit conso ?

Par Laura Fort  |   |  950  mots
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Alors que les consommateurs recueillent tout juste les fruits de la loi Lagarde, que les acteurs du crédit à la consommation ont amorcé leur restructuration, et que les premiers rapports d'impact sont à peine envoyés, le gouvernement a de nouveau le crédit renouvelable dans le viseur. Il pourrait faire l'objet d'un nouveau durcissement dans le cadre de la réforme bancaire.

Le crédit à la consommation a eu sa réforme en 2010 avec la loi Lagarde. Il en aura peut-être une nouvelle en 2013... Alors que la Banque de France tire le premier bilan de la réforme Lagarde, Pierre Moscovici annonce le même jour dans une interview à Sud-Ouest que la réforme bancaire comporterait un volet crédit renouvelable. "Nous voulons agir pour redéfinir les frais bancaires, pour juguler ou limiter le crédit revolving". La réforme bancaire sera présentée en Conseil des ministres le 19 décembre. Le ministre délégué à la Consommation, Benoît Hamon, avait lui aussi annoncé "un encadrement supplémentaire" du crédit renouvelable cet été.

Un marché en net recul

Or c'était déjà tout l'objectif de la loi Lagarde sur le crédit à la consommation, entrée en vigueur le 1er juillet 2010, qui limite désormais le crédit renouvelable à de petits montants et incite davantage à la souscription de crédits amortissables.
En septembre, le rapport du cabinet Athling pour le Comité consultatif du secteur financier a d'ailleurs relevé que depuis l'entrée en vigueur de la loi le 1er juillet 2010, le nombre de comptes de crédits renouvelables a baissé de 5.3 millions et que l'impact de la loi coûterait environ 1.5 milliard d'euros aux établissements de crédits sur la période 2011-2014. Il indique que "ce marché est passé en l'espace de quatre ans d'une phase d'expansion et de développement à une phase de repli, voire de très net recul".

Baisse du nombre de crédits renouvelables

La Banque de France publie quant à elle ce lundi 19 novembre son premier rapport annuel du comité de suivi de la réforme de l'usure, qui est chargé de suivre l'évolution des taux d'intérêt des prêts aux particuliers. Il ressort que le nombre de crédits amortissables augmente, quand celui des crédits renouvelables baisse, pour atteindre seulement 22% des encours de crédit à la consommation à fin juin 2012 (voir graphique ci-dessous). Les encours de crédits renouvelables ont diminué de 7% en deux ans, et sont pour la plupart constitués de montants inférieurs à 1000 euros. "Ces chiffres confirment la vocation recherchée du crédit renouvelable comme réserve de liquidité. Il convient néanmoins de remarquer que près de 7% des crédits renouvelables en cours concernent des montants supérieurs à 6000 euros et supportent des taux d'intérêt largement supérieurs à la moyenne des prêts à la consommation".

Taux d'intérêt en baisse

D'une manière générale, la Banque de France constate cependant une baisse des taux d'intérêt sur les crédits renouvelables. L'institution remarque que la progression du taux d'endettement des ménages n'est d'ailleurs pas celui que l'on croit. "La progression du taux d'endettement des ménages est essentiellement imputable aux crédits à l'habitat. De fait, le taux d'endettement lié au crédit à la consommation est relativement stable sur les dernières années et fait même apparaître une légère tendance à la baisse depuis la fin 2010".
Avant d'ajouter que "les taux d'intérêt sur les crédits renouvelables et les découverts s'inscrivent sur une tendance baissière qui s'est poursuivie en 2010 et 2011, à la différence des principaux pays de la zone euro, reflétant en cela les évolutions structurelles liées à la préparation et à la mise en ?uvre de la loi du 1er juillet 2010".

Suppressions de postes

Du fait d'un chiffre d'affaires en baisse, lié à la fois au durcissement de la réglementation et à une moindre appétence des ménages pour le crédit, les acteurs du crédit à la consommation sont aujourd'hui en pleine mutation.
Et la loi Lagarde n'a pas été indolore en termes d'emploi. "Ces facteurs ont conduit des établissements de crédit spécialisés (LaSer Cofinoga, Crédit Agricole Consumer Finance, BNP Paribas Personal Finance) à supprimer des postes ou à reclasser des personnels. Il est probable, si la production de crédit et la rentabilité de cette activité continuent de baisser, que d'autres suppressions de poste ou reclassements soient annoncés. Selon nos estimations et sur la base des déclarations des établissements de crédit spécialisés, les effectifs en France seraient de l'ordre de 22 000 collaborateurs", lit-on dans le rapport Athling. Chez Crédit Agricole Consumer Finance (ex Sofinco et Finaref), plus de 400 postes seront ainsi supprimés d'ici début 2013.

Scénario catastrophe de la mort du crédit renouvelable

Le rapport Athling attirait l'attention sur les dangers d'une éventuelle fin programmée du crédit renouvelable : "Dans la mesure où la part de crédit renouvelable ne cesse de se réduire, son "influence" sur les taux d'usure sera moindre. Ce qui pourrait entretenir le phénomène de baisse des taux d'usure, qui lui-même amplifierait l'effet d'éviction du crédit renouvelable jusqu'à l'arrêt de la distribution de crédit renouvelable. Ce scénario catastrophe aurait des conséquences néfastes tant sur l'activité de la distribution et du commerce, que sur les effectifs des établissements de crédit spécialisés et sur l'accès au crédit".
Une couche réglementaire sera-t-elle alors ajoutée à la loi Lagarde, au risque de dérouter encore un peu plus le consommateur ? Déjà très encadré par la loi Lagarde, comment le crédit renouvelable pourrait-il être encore plus "limité et jugulé", sinon par sa suppression pure et simple ? Enfin, est-il vraiment souhaitable de durcir l'accès à ce produit, dans un contexte où les Français ont parfois besoin d'une réserve de liquidités pour faire face à certains besoins de consommation courante ?

 

Source: Banque de France