La mauvaise surprise réservée par le fisc au Crédit Agricole

Par Christine Lejoux  |   |  452  mots
Jean-Paul Chifflet, directeur général de Crédit Agricole, s'étonne de "payer des impôts sur des pertes." Copyright Reuters
La veille de la publication - ce mercredi - de ses résultats annuels, la banque verte a appris qu'elle ne pouvait pas déduire de ses impôts la moins-value enregistrée sur la vente de sa filiale grecque Emporiki. D'où une perte encore plus lourde que prévue, à près de 4 milliards d'euros, pour le seul quatrième trimestre 2012.

Décidément, 2012 aura été une « annus horribilis » pour Crédit Agricole SA (CASA, l'entité cotée de la banque verte). Le 31 janvier dernier, le groupe avait prévenu que l'exercice écoulé se solderait par une perte historique, en raison de dépréciations massives d'écarts d'acquisitions [différence entre le prix payé pour racheter une entreprise et sa valeur comptable ; Ndlr]. Mais, à la toute dernière minute et à la surprise des dirigeants de CASA, la perte s'est révélée plus historique encore qu'ils ne l'imaginaient, les éléments exceptionnels s'élevant finalement à 4,5 milliards d'euros pour le seul quatrième trimestre, au lieu des 3,8 milliards initialement estimés. « Le gouvernement nous a appris hier (mardi 19 février) que nous ne pourrions pas déduire de nos impôts la moins-value réalisée sur la vente de notre filiale grecque Emporiki », a déploré Jean-Paul Chifflet, directeur général de CASA, mercredi, lors de la présentation des résultats annuels de la banque.

Un changement de réglementation fiscale

Pour mémoire, Crédit Agricole SA s'était sorti du guêpier grec en cédant Emporiki à Alpha Bank, le 17 octobre 2012, pour un euro symbolique. Et ce, après avoir recapitalisé cette filiale à hauteur de 2,3 milliards d'euros, en juillet 2012, à la demande du régulateur grec. Vendant Emporiki à perte, CASA pouvait au moins se consoler grâce à la déductibilité de la moins-value de cession. Las ! C'était sans compter la deuxième loi de finances rectificative du 16 août 2012, qui refuse la déductibilité des moins-values résultant de la cession, moins de deux ans après leur émission, de titres de participation acquis en contrepartie d'apports réalisés à compter du 19 juillet 2012.

A deux jours près...

Or Crédit Agricole SA a apporté 2,3 milliards d'euros à Emporiki, en juillet 2012. En échange de quoi, la banque a reçu des titres de sa filiale grecque. Titres qu'elle a revendus trois mois plus tard, en octobre, à Alpha Bank. « Nous pensions que nous ne serions pas concernés par la nouvelle loi, la recapitalisation d'Emporiki ayant eu lieu avant le 19 juillet 2012, le 17 juillet précisément », explique Jean-Paul Chifflet. Mais, si la recapitalisation d'Emporiki a bien débuté le 17 juillet, elle n'a été finalisée que le 19. D'où le rappel à l'ordre du gouvernement, mardi, qui a enjoint CASA de ne pas déduire la moins-value accusée sur la vente d'Emporiki. D'où une charge supplémentaire de 838 millions d'euros dans les comptes du groupe. « Nous payons des impôts sur des pertes, c'est très original, les investisseurs étrangers apprécieront », a persiflé Jean-Paul Chifflet. Jusqu'au bout, la Grèce aura joué de mauvais tours à Crédit Agricole SA.