« Le protectionnisme ne fait que des perdants »

Par Gabrielle Thin  |   |  656  mots
François Villeroy de Galhau s'est dit préoccupé par le risque protectionniste, alors que Donald Trump a annoncé de nouvelles salves de tarifs douaniers contre les importations chinoises.
Le gouverneur de la Banque de France s'alarme des risques de guerre commerciale, des États-Unis au Royaume-Uni avec le Brexit. Les relèvements de tarifs et le climat d'incertitude pourraient peser sur la croissance mondiale.

En pleine escalade dans la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, après l'annonce de nouveaux droits de douane sur les importations chinoises par le président Trump la semaine dernière, les tensions protectionnistes sont au cœur des préoccupations des chefs d'État et des banques centrales. Le protectionnisme constitue même l'un des « deux grands risques mondiaux », avec l'instabilité financière, identifiés par le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau dans sa "lettre introductive au rapport annuel" de l'institution adressée au président de la République.

« Le protectionnisme ne fait que des perdants », a déclaré François Villeroy de Galhau ce mercredi 20 juin lors d'une présentation à la presse. « L'augmentation des prix des importations pénalise davantage les ménages défavorisés qui consomment en proportion plus de produits importés. L'incertitude qu'induit [le protectionnisme] pèse sur l'investissement des entreprises et sur les marchés financiers », a-t-il souligné.

Imprévisibilité américaine et Brexit

Ce risque protectionniste est alimenté par « l'imprévisibilité américaine et par le Brexit britannique ». Le gouverneur a fait référence à une étude du FMI d'octobre 2016 qui a chiffré les dégâts potentiels : une hausse généralisée des barrières protectionnistes provoquant une augmentation de 10% des prix à l'importation ferait baisser de 15% le commerce mondial et de 2% le PIB mondial au bout de cinq ans, sans compter les effets de l'incertitude.

« C'est un "minorant" : il s'agit seulement de l'effet mécanique des relèvements de tarifs. L'exemple du Brexit a montré l'importance des effets d'incertitude, qui ont déjà coûté près de deux points de PIB à l'économie britannique, sans aucun effet mécanique pour l'instant », a relevé François Villeroy de Galhau.

Près de deux ans jour pour jour après le référendum, le 23 juin 2016, et neuf mois avant son entrée en vigueur, le 29 mars 2019, le Brexit a déjà produit des effets négatifs, selon les estimations de la Banque d'Angleterre. Il pourrait avoir un coût de -2% à -8% du PIB britannique, dans le scénario le plus pessimiste du gouvernement britannique, en l'absence d'accord commercial avec l'UE, à long terme, à l'horizon de 15 ans selon un document présenté aux parlementaires.

Et la France dans tout ça ?

Difficile en réalité d'évaluer les conséquences d'un Brexit sans accord, laissant planer le risque d'une guerre commerciale avec l'UE. Interrogé sur l'impact potentiel du Brexit sur l'économie française et européenne, le gouverneur est resté évasif :

« Nous n'avons pas d'étude précise sur les conséquences économiques du Brexit sur l'économie française. Le Brexit est une mauvaise nouvelle pour tout le monde, mais d'abord pour l'économie britannique. Nous n'anticipons pas d'effet matériel pour la France et la zone euro », a insisté le gouverneur.

Si le gouvernement français pense que le pays pourrait bénéficier de relocalisations d'entreprises, notamment d'institutions financières, il est aujourd'hui difficile d'estimer cet impact et le contrecoup réel sur notre économie de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, en prenant en compte la hausse des prix à l'importation.

Le gouverneur de la Banque de France n'est pas le seul à s'inquiéter de ces tensions protectionnistes. À Sintra, au Portugal, où se tient le Forum de la Banque centrale européenne (BCE), des dirigeants de l'institution européenne ont exprimé leurs préoccupations

« Le protectionnisme aura un impact plus important qu'estimé jusqu'à présent », s'est alarmé l'un des participants au Forum, cité par l'agence Reuters.

En annonçant la semaine dernière la fin programmée de la politique monétaire de la BCE en décembre prochain, le président Mario Draghi avait indiqué que les prévisions de croissance de la zone euro n'intégraient pas "les effets de mesures commerciales qui n'ont pas encore été mises en oeuvre".