Le protectionnisme américain inquiète la BCE

Les récentes annonces de Donald Trump relatives à la hausse des droits de douane sur l'acier et l'aluminium préoccupent la Banque centrale européenne. L'institution bancaire a examiné les possibles conséquences des tensions croissantes sur les échanges commerciaux pour l'économie mondiale.
Grégoire Normand
L'intensification des tensions sur les échanges de biens et services risque de mettre en péril la reprise actuelle du commerce mondial et de l'activité, soulignent les spécialistes
L'intensification des tensions sur les échanges de biens et services "risque de mettre en péril la reprise actuelle du commerce mondial et de l'activité", soulignent les spécialistes (Crédits : Reuters/François Lenoir)

La politique commerciale américaine angoisse les économistes de la Banque centrale européenne (BCE). La multiplication des décisions relatives aux droits de douane sur l'acier et l'aluminium, et celle concernant le retrait des États-Unis de l'accord nucléaire iranien ne devraient pas apaiser les inquiétudes qui règnent sur la scène du commerce mondial. Dans son dernier bulletin économique publié le 10 mai, l'institution bancaire européenne rappelle que "les annonces de ces dernières semaines relatives aux droits de douane représentent un risque pour la dynamique mondiale."

"Les indicateurs relatifs au commerce mondial, bien que contrastés, font état dans l'ensemble d'un certain ralentissement au début de l'année. En outre, les risques géopolitiques ont entraîné une remontée des prix du pétrole."

Lors d'un récent entretien accordé à la télévision allemande, Emmanuel Macron a tenu à rappeler plusieurs principes.

"Nous avons des règles, celles de l'Organisation mondiale du commerce, nous devons les faire respecter et les respecter mutuellement", a insisté le président français. "Je crois que l'Europe doit se faire respecter, nous sommes une grande puissance du commerce international"

Lire aussi : Iran : quelles conséquences auront les nouvelles sanctions américaines ?

Libéralisation du commerce : un rythme moins soutenu

Le rythme de la libéralisation du commerce mondial a ralenti ces dernières années alors que des mesures de restriction ont augmenté en parallèle, selon le bulletin précité. L'économiste Lucia Quaglietti rappelle que le nombre d'accords de libre-échange nouvellement signés a fortement diminué au cours des dix dernières années, "même si les accords récents ont une couverture plus étendue en termes de pays impliqués et de secteurs ciblés". Par ailleurs, l'évolution des taux de droits de douane illustre une légère remontée après la crise de 2008 comme le suggèrent les données de la Banque mondiale.

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Enfin, les mesures discriminatoires dans les pays du G20 augmentent régulièrement depuis 2012. "Parmi celles-ci, les deux principaux instruments utilisés ont été les mesures anti-dumping et les droits de douane sur les importations, qui représentent environ 30% de l'ensemble des mesures appliquées en 2017". Au final, le ralentissement du rythme des réformes des échanges commerciaux pourrait être l'un des facteurs qui a pesé sur la croissance des échanges commerciaux selon la BCE.

Rebond du commerce mondial

Malgré ce constat, le commerce mondial a connu un véritable rebond récemment. Les importations mondiales ont augmenté de plus de 5% en 2017, soit 1,4 point de pourcentage au-dessus de la moyenne 2011-2016. Dans une étude publiée à la fin de l'année 2017, l'Organisation mondiale du commerce expliquait que pendant la période d'octobre 2016 à octobre 2017. les membres de l'OMC ont continué à "prendre plus de mesures de facilitation des échanges que de mesures restrictives pour le commerce", une tendance observée depuis quatre ans. Résultat, les échanges commerciaux ont véritablement accéléré entre 2016 et 2017 dans un contexte de reprise mondiale.

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Lire aussi : Le commerce mondial accélère malgré le protectionnisme (OMC)

Des effets modestes mais des risques

Les conséquences des décisions prises par Donald Trump sur les tarifs douaniers concernant l'acier et l'aluminium devraient être relativement limitées. Les droits de douane annoncés ne concernent qu'une très faible part du commerce américain et des échanges mondiaux (0,5%). "Leur effet sera probablement modeste" indique la BCE. En revanche, l'organisation basée à Francfort se montre beaucoup plus sceptique sur l'avenir.

"Les risques associés à une escalade des tensions commerciales et à une inversion plus large de la mondialisation se sont clairement inscrits en hausse. Cela pourrait affecter les décisions d'investissement au niveau mondial et mettre à rude épreuve la résistance de la dynamique du commerce mondial."

L'intensification des tensions sur les échanges de biens et services "risque de mettre en péril la reprise actuelle du commerce mondial et de l'activité" soulignent les spécialistes. Dans le scénario d'une hausse généralisée des droits de douane à l'échelle mondiale, l'augmentation des prix pourrait accroître les coûts de production des entreprises et baisser le pouvoir d'achat des ménages. Cela pourrait également "affecter la consommation, l'investissement et l'emploi. De plus, une montée des tensions sur les échanges commerciaux alimenterait l'incertitude économique, conduisant les consommateurs à reporter leurs dépenses et les entreprises à différer leurs investissements".

Dans ses récentes prévisions économiques, la Commission européenne a également alerté sur les risques qui pèsent sur l'activité. Pour le commissaire européen aux Affaires économiques et financières Pierre Moscovici, "le risque le plus grand qui pèse sur ces perspectives optimistes est le protectionnisme [...] il ne doit pas devenir la nouvelle normalité ; cela ne ferait que nuire à ceux de nos citoyens qu'il nous faut protéger le plus.

Lire aussi : Prévisions économiques : Bruxelles redoute le protectionnisme américain

Grégoire Normand
Commentaires 16
à écrit le 13/05/2018 à 15:55
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ONU, OMC et la prochaine remise en en question sera celle du FMI ? Au lieu d’espérer perpétrer le monde des bisounours, c'est une stratégie que l'UE aurait pu et du anticiper depuis longtemps. Il faut émanciper l’UE afin de ne pas dépendre de décisi...

le 13/05/2018 à 23:38
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L' UE est propriété des américains, comment voulez-vous qu' elle réagisse ....? Le Maire et Merkel peuvent adopter toutes contorsions qu' ils voudront, les traités se prennent et se défont à l' unanimité des 28 et JAM...

à écrit le 12/05/2018 à 9:53
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Les priorités de nos chères autorités ne sont pas celles du peuple qui souhaite du pain et un toit, la puissance de l'establishment pour les uns, une mondialisation régulée pour les peuples. Hélas idées antagonistes! Pour commencer, égalité devant l'...

à écrit le 12/05/2018 à 9:44
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c'est la France qui devrait faire du protectionnisme. elle s'efforce d'être équilibrée. alors qu'elle est entourée de pays qui tirent vers le bas, en Europe et au delà. Manu a raison de bousculer la Germanie. mais est-ce que ce pays est récupérable ...

le 12/05/2018 à 11:49
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Et oui! Je crois que vous avez raison, les autres pays européens peuvent être agaçants, la fiscalité de certains pays est inadmissible. Mais il faut être optimiste, la France doit commencer par donner l'exemple et ne pas hésiter à hausser le ton y co...

à écrit le 11/05/2018 à 17:12
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Quand tout est construit sur le paradigme de ancienne administration US et l'après 9/11, rien d'étonnant que cela en déroute plus d'un, Bruxelles est dans le même cas!

à écrit le 11/05/2018 à 16:50
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Au lieu de s'inquiéter l'UE doit penser à répliquer. Pour gagner la guerre économique USA/UE il faut être prêt à y laisser un bout de chemise, si en face les USA y perdent un bras et se mettent à pleurer, l'affrontement est gagné et les négociations...

le 11/05/2018 à 18:30
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Mon bon John, l' UE appartient aux américains, il faut frexiter, la fuir à l' anglaise avant d' y laisser jusqu' à nos culottes ... https://www.upr.fr/pourquoi-un-frexit-est-urgent

le 11/05/2018 à 19:55
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Et bien Marc Hassin, connaissez vous le proverbe "diviser pour mieux régner?" Si j'étais président américain, je souhaiterais la dislocation de l'UE pour mieux assoir la domination des USA, et vous seriez en train de jouer mon jeu. "Le brexit est ...

le 14/05/2018 à 9:51
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Si l’on veut affaiblir les États européen, rien n'est mieux que de les enchaîner les uns au autres pour les mettre en incapacité d'agir! Nous voyons constamment le bon résultat! C'est en cela que l’ancienne administration US était pro UE et les intég...

à écrit le 11/05/2018 à 16:46
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L' union est sous hégémon us sinon il y a belle lurette que les européens auraient pris des mesures de rétorsion mais là, tout le monde couine impuissant dans son coin pendant qu' en face on pille le fond de commerce d...

à écrit le 11/05/2018 à 15:57
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Curieux, "en même temps" l'alcoolisme de Junker n'inquiète personne.

le 11/05/2018 à 20:22
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Tout le monde s' en fiche car il ne sert à rien !

à écrit le 11/05/2018 à 15:55
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"Il n’y a en vérité que les pages éditoriales des quotidiens de référence ou des journaux d’affaires pour assimiler à un acte impie la défense acharnée des entreprises nationales et de leurs salariés. " "Protectionnisme" https://www.monde-diplom...

à écrit le 11/05/2018 à 15:52
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"le risque le plus grand qui pèse sur ces perspectives optimistes est le protectionnisme [...] il ne doit pas devenir la nouvelle normalité ; cela ne ferait que nuire à ceux de nos citoyens qu'il nous faut protéger le plus" Ben oui voyons, le pro...

le 12/05/2018 à 11:32
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@ multipseudos Et sinon à part démontrer aux modérateurs que vous me harcelez vous avez un talent ?

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