Les Français paient toujours beaucoup en cash, mais moins que leurs voisins

Par Gabrielle Thin  |   |  811  mots
En France, 39% des coupures mises à disposition du public par les distributeurs automatiques de billets (DAB) seraient des coupures de 20 euros, 36% des coupures de 10 euros et 24% des coupures de 50 euros. (Crédits : Banque de France)
La demande d'espèces a encore augmenté en 2017 (+4% pour les euros dans le monde) malgré toutes les innovations et la progression des paiements par carte, d'après les statistiques de la Banque de France. La France se démarque cependant des autres pays de la zone euro par une utilisation moins importante du cash, concentrée sur les petites transactions.

À l'heure des banques mobiles et autres innovations de paiement, les espèces ont toujours la cote. Le bulletin de la Banque de France de juillet 2018 décrit ce développement un peu paradoxal : l'évolution des modes de consommation et de paiement n'a pas encore enrayé la croissance de la valeur totale des billets et des pièces d'euros en circulation dans le monde, de 4% l'année dernière. Ainsi la somme colossale de 1.170,7 milliards d'euros de billets était en circulation dans le monde fin 2017.

Pourtant, partout le développement exponentiel des paiements en ligne (le chiffre d'affaires de l'e-commerce a atteint 22,3 milliards d'euros au premier trimestre 2018 en France d'après la Fevad) et de solutions pratiques pour les petites transactions (applications de paiement mobile qui fleurissent à l'image de Lydia qui a plus d'un million d'utilisateurs en France, ou encore la carte sans contact qui a représenté 1,2 milliard de transactions l'an dernier) aurait logiquement dû diminuer la part des paiements en espèces.

« Les paiements sans contact sont une alternative aux espèces sur leur segment privilégié : les transactions de proximité de faible valeur », précise le bulletin.

Les montants que représentent les espèces demeurent astronomiques : en 2017 la Banque centrale européenne (BCE) avait assigné à la Banque de France la production de 1,1 milliard de billets. En tout, le nombre net de billets émis (ceux produits moins ceux retirés du circuit) a augmenté de 7,6%, s'élevant à 129 milliards d'euros.

[Évolution de la circulation des billets en euros émis par le système des banques centrales nationales de la zone euro. Crédits: Banque de France]

La France en pointe sur la carte

Plusieurs éléments peuvent expliquer cette augmentation continue des espèces. Elles restent un repère pour les Européens aux comportements très différents, témoignant de leur confiance dans la monnaie commune.

« Ce paradoxe apparent trouve son explication dans la multiplicité des usages des espèces (transaction et thésaurisation) ainsi que dans le rôle international de la monnaie unique » résume la Banque de France.

De plus, la Banque centrale européenne (BCE) estime qu'en valeur « environ un tiers des billets en euros en circulation est détenu à l'extérieur de la zone euro, principalement dans les pays limitrophes ».

L'étude réalisée par la Banque de France met en évidence de fortes disparités d'usages entre les pays de la zone euro. Si les Français sont loin derrière les Suédois qui utilisent leur carte bancaire pour 80% de leurs paiements, ils prennent de plus en plus le tournant du paiement électronique : ils utilisent les espèces pour plus que 68% de leurs transactions (et la carte bancaire pour 27%) contre 79% pour les Européens en général.

[Les Français utilisent la carte bancaire pour 27% de leurs paiements contre 19% pour l'ensemble des Européens. Crédits: Banque centrale européenne]

Le billet de 20 euros, favori des Français

Depuis deux ans, le sans-contact connaît en France un développement impressionnant, empiétant sur le segment privilégié des espèces : les petites transactions (jusqu'à 30 euros ou 20 euros pour les cartes émises avant novembre) dans les commerces de proximité. Cette diminution de leur usage se retrouve dans la baisse de 9,9% en cinq ans du volume de billets usagés en vue d'être recyclés, qui sont récupérés par les professionnels du traitement des espèces (établissements de crédit, transporteurs de fonds), selon la Banque de France.

Le cash est ainsi privilégié dans beaucoup de pays, moins en France où il est utilisé presque exclusivement pour des petits montants. Cela transparaît dans la valeur moyenne d'un paiement en espèces, qui est la plus basse en France (7,50 euros) par rapport au reste de la zone euro (12,40 euros), ainsi que dans la valeur moyenne du billet transporté par les convoyeurs de fonds des banques centrales aux distributeurs, qui s'élève à 24,70 euros en France contre 31,60 euros dans l'ensemble des pays de la zone.

Les banques adaptent ainsi le type de coupures disponibles dans leurs distributeurs automatiques (DAB) à la demande des populations. La part des billets de chaque montant est très différente suivant les cultures. Dans l'Hexagone, selon la Banque de France, 39,7% des coupures mises à disposition du public par les DAB seraient des coupures de 20 euros, 32,6% des coupures de 10 euros et 22,4% des coupures de 50 euros. A contrario, le billet de 50 euros est le favori ailleurs dans la zone euro (32,5% des billets prélevés par les transporteurs de fonds).

[La structure des prélèvements effectués aux guichets des banques centrales, en volume, en France et dans les pays de la zone euro. En bleu : coupure de 5 euros. En vert : 10 euros. En violet : 20 euros. En orange : 50 euros. En gros : 100, 200 ou 500 euros. Crédits: Banque de France et Banque centrale européenne]