Monte dei Paschi, Deutsche Bank : un soulagement qui ne résout rien

Par Philippe Mabille  |   |  727  mots
La nationalisation par l'Italie de Monte dei Paschi di Siena et la division par deux de l'amende réclamée à Deutsche Bank par la justice américaine soulagent en cette fin d'année le secteur financier. Mais cela ne suffit pas à écarter pas tout risque à l'avenir. Une chose est sûre : la commission de Bruxelles et la BCE savent faire preuve de pragmatisme dans l'application des nouvelles règles bancaires.

Objectivement, on ne peut que saluer avec soulagement les deux événements qui ont marqué la scène bancaire européenne à la veille de Noël. Au bord de la faillite, la plus vieille banque du monde, la Monte Paschi di Sienna (MPS) vient d'être nationalisée, avec l'accord tacite de la commission européenne et du superviseur bancaire, dans le cadre d'un plan de sauvetage du secteur bancaire italien, plombée par les créances douteuses. Certes, le fonds de 20 milliards d'euros mis en place ne représente guère que la moitié des besoins réels pour purger les bilans des banques dans la péninsule transalpine. Mais c'est un geste important qui montre surtout que, après l'échec du bail in, le renflouement interne, et la défection des « sauveteurs » pressentis, comme le Qatar, l'État italien a su prendre ses responsabilités pour protéger les petits épargnants dans un dossier qui apparaissait à tous les acteurs un peu sérieux comme complètement pourri et impossible à sauver sans intervention publique.

À ce premier soulagement, qui s'apparente à l'attitude du gouvernement britannique qui avait nationalisé de fait Northern Rock pour mettre fin au « bank run » pendant la crise des subprimes en septembre 2007, quelques jours après que l'administration Bush ait laissé Lehman Brothers faire faillite, s'en ajoute un autre. La banque allemande Deutsche Bank, elle aussi en grande difficulté, a vu l'amende que lui réclamait la justice américaine pour sa responsabilité dans le scandale des subprimes être divisée par deux, à 7,2 milliards de dollars (contre plus de 14 initialement réclamés).

Cet accord, suspendu encore à une confirmation formelle (il pourrait être remis en cause par la nouvelle administration Trump en 2017), est certes douloureux pour Deustche Bank, mais il écarte l'hypothèse d'une recapitalisation immédiate pour la banque allemande. Or, une crise de Deutsche Bank aurait pu conduire à un Lehman Brothers européen, la philosophie ordolibérale allemande étant fondamentalement opposée à tout ce qui ressemble à un aléa moral ou à un renflouement d'actionnaires privés par le contribuable. Toutefois, si jamais le  risque de voir Deustche Bank sauter se concrétisait, on peut imaginer que le pragmatisme aurait conduit Angela Merkel à se faire violence et à se résoudre à faire comme en Angleterre (qui a partiellement nationalisé 8 banques, comme RBS ou Barclays), en Belgique et en France (Dexia) ou en Italie avec MPS.

A priori, si l'amende de Deutsche Bank se confirme à 7,2 milliards de dollars, cela ne devrait pas impacter le bilan 2016, même si le résultat sera en baisse. Mais si une recapitalisation, voire une aide d'État, est exclue dans l'immédiat, la situation de Deutsche Bank en particulier restera en 2017 « une source majeure de risque », selon la formule employée par le FMI, en raison du nombre des litiges encore en cours (comme celui de la manipulation du taux interbancaire Libor ou la violation d'embargo américain en Syrie et en Iran), du poids des créances douteuses et d'un environnement réglementaire et de taux d'intérêt particulièrement adverses pour la rentabilité du secteur.

Soulagement donc pour la banque européenne, mais il est à craindre que pour l'Italie et pour l'Allemagne, cela ne soit qu'un répit ; et que la mise en pratique des nouvelles règles en matière de supervision et d'union bancaire européenne voit à nouveau ses limites être testées l'an prochain.

Pour rappel, la justice américaine n'a pas fini d'aller chercher l'argent de la crise des subprimes. Quatre grandes banques américaines, JPMorgan Chase, Citigroup et Morgan Stanley et Bank of America ont déjà accepté de payer un montant cumulé de 40 milliards de dollars pour solder des poursuites liées aux RMBS. La banque helvétique Credit Suisse a annoncé vendredi qu'elle allait devoir payer 5,3 milliards de dollars (4,9 milliards d'euros) aux États-Unis. Le numéro deux de la banque en Suisse va pour cela constituer une provision supplémentaire de 2 milliards de dollars, une somme qu'elle passera dans ses comptes du quatrième trimestre. La britannique Barclays est pour sa part poursuivie pour son rôle dans la crise des prêts immobiliers toxiques, a annoncé jeudi le département américain de la Justice. Un fait assez inhabituel, la plupart des banques concernées ayant accepté des règlements financiers à l'amiable pour éviter des actions en justice.